C'est une très belle question de principe qui a été soumise à la Chambre commerciale de la Cour de cassation : à défaut de disposition légale, une créance peut-elle être cédée en pleine propriété à titre de garantie ? Elle y répond par la négative, à l'occasion d'un arrêt de cassation, dans un attendu très bien ciselé qui est la marque des décisions amenées à faire date.
Ceux qui espéraient la solution inverse et que la Haute juridiction se révèle audacieuse - ce dont elle s'est parfois montrée capable, en consacrant de manière générale, en dehors d'une assise légale, la fiducie de créance - et les analystes les plus téméraires ne se seraient sans doute pas privés d'une extrapolation et d'étendre la portée de la solution qui aurait pu être adoptée à l'ensemble des biens incorporels, voire corporels - resteront sur leur faim. La Chambre commerciale n'a pas osé ouvrir la boîte de Pandore et empiéter sur les pouvoirs du législateur, préférant la méthode des petits pas, consistant à se contenter, uniquement dans le cadre de textes qui envisagent expressément la cession fiduciaire de créance, de combler les lacunes de la loi et contribuer à dessiner les contours du régime de cette institution. Si l'on devait résumer, en une formule elliptique, la doctrine de la Cour de cassation en la matière, ce serait : « Pas de fiducie sans texte ».
[...] C'est enfin le numerus clausus des sûretés réelles que la Cour de cassation a prudemment souhaité ne pas remettre en cause. Plus pragmatiquement, on peut interpréter cette retenue comme la volonté de ne pas interférer dans le processus législatif en cours. On sait, en effet, que l'opportunité d'introduire, de manière générale, la fiducie est relancée, le sénateur Marini ayant déposé en 2005 une proposition de loi en ce sens, adoptée en première lecture le 17 octobre 2006, mais ce texte semble-t-il, peu de chances d'aller au terme de son parcours parlementaire. [...]
[...] Catala et P.-Y. Gautier, L'audace technologique à la Cour de cassation . [...]
[...] Il n'est toutefois pas certain que cela soit suffisant pour valider, sous l'empire du droit nouveau, la cession de créance de manière générale. Les praticiens, légitimement soucieux de sécurité juridique, ne peuvent se contenter de fondements fragiles. Seule une intervention du législateur semble à même de briser cette jurisprudence, comme cela avait d'ailleurs été fait, si l'on se projette près d'un quart de siècle en arrière, à propos de la cession Dailly par la loi bancaire du 24 janvier 1984, qui avait expressément consacré la cession fiduciaire par voie de bordereau de créances professionnelles, dont la validité était jusqu'alors controversée. [...]
[...] 1re civ avr Bull. civ. 190 ; D Jur. p note R. Boffa; ibid. p obs. S. [...]
[...] 2004), la solution valant même pour les créances nées de contrats à exécution successive (Cass. com nov. 2005). Face à ce dilemme, la Cour de cassation a donc opté pour le nantissement, privilégiant, dans sa démarche de qualification, la fonction de la convention, qui est de favoriser le remboursement du créancier (ce que permet le nantissement, quoique imparfaitement), par rapport à la technique utilisée, celle de la cession de créance. Ce n'est là en réalité rien d'autre que la méthode, bien connue, de la conversion par réduction : la propriété garantie dégénère en simple nantissement ; elle demeure néanmoins une sûreté. [...]
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