Des affaires retentissantes, largement commentées, Air Lib, Metaleurop, Parmalat, Rover, ont à nouveau attiré l'attention sur les défaillances d'entreprises au sein du groupe. L'extension de la procédure à l'ensemble du groupe, ou au moins à la société mère, prévue par l'article L. 621-2 du code de commerce est souvent utilisée pour faciliter la centralisation de la procédure et pour appréhender les actifs détenus par la société holding aux dépens de sa filiale en redressement ou en liquidation judiciaire.
Ces pratiques ont récemment été condamnées par la Cour de cassation qui, à cette occasion, a retenu une conception restrictive de l'anormalité dans le cadre des relations financières propres aux groupes. Paradoxalement, cette reconnaissance du groupe a pour effet d'écarter tout traitement judiciaire global du groupe par le tribunal de procédure collective.
Dans un autre domaine, celui de l'unification procédurale, la Cour de justice des Communautés européennes, mettant fin aux audaces des juridictions nationales, a adopté, par crainte du forum shopping, une attitude comparable.
Air Lib, Metaleurop, Parmalat, Rover : ces quelques anciens fleurons industriels, groupes d'envergure européenne ou mondiale, sont devenus le synonyme de « faillites retentissantes », dans lesquelles le cynisme, la maladresse ou la malhonnêteté des dirigeants ont généré des conséquences financières, sociales et humaines importantes, qui ont provoqué l'émotion d'un large public et ont conduit les autorités publiques à rechercher des remèdes rassurants, sinon efficaces. L'action en extension a paru, à tort, dans deux de ces cas au moins, constituer la réponse adaptée à ces crises.
Mécanisme dont le principe a été suggéré, sous couvert d'une simple règle de compétence, par l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 par le législateur, et dont la construction a été abandonnée à l'oeuvre prétorienne, l'action en extension de la procédure collective constitue une procédure largement utilisée par les mandataires de justice aussi bien pour reconstituer un patrimoine dissipé par le débiteur que pour faciliter la restructuration de ses actifs.
En permettant d'étendre la procédure collective ouverte à l'encontre d'une personne à une autre personne, l'action en extension, visée à l'ancien article L. 621-5 du code de commerce (modifié par la loi du 26 juill. 2005 et devenu, dans la nouvelle numérotation, l'art. L. 621-2, c. com.) a rendu possible l'abolition des frontières entre personnes morales, faisant ainsi échec au principe de leur autonomie. Cette procédure, qui permet, par la constatation de la seule situation patrimoniale du débiteur, d'appréhender des actifs artificiellement exclus de son patrimoine sans avoir à s'interroger sur son comportement, est dorénavant possible, non seulement dans le redressement ou la liquidation judiciaire mais aussi dans la procédure de sauvegarde.
L'extension prononcée entraîne une unité de la procédure : non seulement il est fait masse commune de tous les biens et de tous les passifs des différentes personnes morales mais, de surcroît, la procédure ouverte est identique pour toutes les entités concernées. Les conséquences en sont importantes et graves pour les tiers et, notamment, pour les créanciers. La société objet de l'extension se voit soumise à une procédure collective sans que, pour elle, les critères d'ouverture de la procédure ne soient réunis. Les créanciers de cette société entrent ainsi en concurrence avec les créanciers de la société qui a été à l'origine de l'extension.
La jurisprudence, consciente de la nécessité de respecter les droits des tiers, a dégagé deux fondements de l'action en extension : la confusion des patrimoines et la fictivité, mais seul le premier aboutit à un véritable patrimoine unique. En cas de fictivité, en revanche, il n'y a pas vraiment abolition de la personnalité morale.
Bien que la confusion des patrimoines ne soit pas propre aux structures de groupe, ces dernières en sont devenues un terrain de prédilection.
Les groupes de sociétés, au-delà de simples relations capitalistiques entre différentes composantes du groupe, génèrent des relations de pouvoir et des relations financières permettant de répartir les ressources là où il en est besoin et de faire remonter, à travers différentes techniques, les flux financiers vers les sociétés têtes de groupes : distribution de dividendes, comptes courants rémunérés, commissions de gestion ou de commercialisation, gestion centralisée de trésorerie, etc.
En pratique, la constitution d'un groupe vient bousculer le principe d'autonomie de la personnalité morale. L'actionnaire majoritaire impose très souvent ses choix aux sociétés du groupe tant en matière juridique, qu'économique ou sociale. Une politique commune, la recherche de l'allocation optimale des ressources commandent le fonctionnement du groupe et impliquent une stratégie homogène et globale.
Parallèlement, les méthodes de l'ingénierie financière appliquées dans les groupes conduisent naturellement à organiser le groupe de manière à faire remonter le plus possible les disponibilités des sociétés d'exploitation dans les sociétés têtes de groupe et à concentrer la remontée des flux financiers vers les actionnaires finaux.
Ces mécanismes complexes incitent, en cas de défaillance des filiales ou de certaines d'entre elles, à rechercher les actifs des sociétés in bonis pour permettre l'apurement des passifs des sociétés en redressement ou en liquidation.
La tentation est alors forte pour les mandataires de justice et pour les tribunaux d'étendre à l'ensemble des sociétés du groupe la procédure ouverte à l'encontre de certaines d'entre elles. Cette extension, possible dès l'ouverture de la procédure, permet aussi bien de lutter contre les dissipations d'actifs et d'appréhender l'ensemble des actifs du groupe que de faciliter la gestion du groupe en procédure collective et les reclassements internes en n'obligeant plus l'administration et les dirigeants à s'attacher au respect de l'autonomie patrimoniale de chacune des sociétés.
[...] Dans ces espèces, la Haute Juridiction avait à se prononcer sur des opérations à sens unique, qui ne constituaient donc pas véritablement des flux financiers. Ainsi, dans l'arrêt du 5 juillet 2005, les hauts magistrats approuvent la Cour d'appel d'Orléans d'avoir étendu la procédure d'une association à une autre association, constatant l'apport d'une créance en compte courant sans contrepartie, et substituent au critère de flux financiers anormaux employés par les juges du fond celui de relations financières anormales. De même, dans l'affaire Air Lib, la Cour emploie la terminologie de relations financières anormales à propos d'abandons de créances, d'absence de facturation et de support des charges par la société d'exploitation. [...]
[...] C'est la seule existence d'un groupe structuré selon un schéma usuel qui fonde la normalité. B. Le groupe comme modèle des relations financières normales Finalement, ce qui justifie les opérations financières est l'existence d'une structure de groupe et non son utilité ou son efficacité pour les différentes sociétés du groupe. La conformité au modèle économique du groupe suffit à faire écarter toute anormalité, abstraction faite des finalités recherchées. Dès lors que le groupe a fonctionné en cohérence avec ces structures, le préjudice que subit une des sociétés du groupe ne transforme pas une relation normale en relation anormale, quel qu'ait pu être le déséquilibre en résultant. [...]
[...] L'action en extension a paru, à tort, dans deux de ces cas au moins, constituer la réponse adaptée à ces crises. Mécanisme dont le principe a été suggéré, sous couvert d'une simple règle de compétence, par l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 par le législateur, et dont la construction a été abandonnée à l'oeuvre prétorienne, l'action en extension de la procédure collective constitue une procédure largement utilisée par les mandataires de justice aussi bien pour reconstituer un patrimoine dissipé par le débiteur que pour faciliter la restructuration de ses actifs. [...]
[...] Le terme de relations financières, au contraire, renvoie à l'idée d'une structure préétablie dans laquelle se déroulent et se développent des flux financiers. Ainsi, l'existence d'une structure financière conforme à l'usage est de nature à justifier l'existence de flux financiers non réciproques qui, en l'absence de cette structure, auraient été jugés anormaux. L'appel à la terminologie de relations financières ouvre ainsi la voie à la remise en cause de la notion même d'anormalité. II. Groupe et anormalité L'anormalité est un terme ambigu. Dans tous les cas, il constitue une méconnaissance de la norme. [...]
[...] Enfin, il ne peut sérieusement être contesté que la SA Metaleurop de par son soutien, permis la poursuite d'une exploitation déficitaire, la Cour d'appel de Douai relevant que la solvabilité de la société Metaleurop Nord ne dépendait que des capacités financières de la SA, de ses paiements, et de sa volonté d'accorder ou non un crédit Ces fautes pourraient tout à fait être à l'origine d'une aggravation du passif. La Cour de cassation, qui n'y était pas tenue, l'a fortement suggéré. La cour de renvoi paraît partager son appréciation. [...]
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