Dans son ouvrage de droit des sociétés, Bruno Petit met en garde le lecteur contre la confusion de langage qui peut exister entre «société» et «entreprise». La distinction est d'importance car l'entreprise, définie comme un «ensemble de moyens financiers, matériels et humains organisés en vue de la production ou de la distribution de produits ou services», est une notion économique alors que la société est une notion juridique.
Le Code civil donne d'ailleurs une définition de la société dans son article 1832, qui dispose: «La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes». Cette définition du droit commun des sociétés pourrait laisser à entendre qu'il n'existe qu'une seule catégorie de société. Mais comme toujours en droit, tout n'est pas aussi simple.
Il existe bel et bien plusieurs catégories de sociétés, que les auteurs, dont Bruno Petit, classent selon divers critères. L'une de ces classifications consiste notamment à distinguer sociétés de personnes et sociétés de capitaux. Il n'existe pas de définition légale pour ces deux concepts. La doctrine a pour habitude de les distinguer principalement en fonction du «risque» encouru par les associés, qui engagent ou non leur patrimoine personnel en garantie des dettes sociales. Mais est-ce le seul critère permettant de distinguer ces deux catégories de sociétés? D'ailleurs, sociétés de personnes et sociétés de capitaux sont-elles si antinomiques que cela ?
Pour y voir plus clair et mieux appréhender ces notions, il est nécessaire de comparer les sociétés de capitaux aux sociétés de personnes.
[...] La cession d'actions d'une société de capitaux est censée être libre. Mais les «parts sociales» de la SARL (article L 223-2 du code de commerce) peuvent être représentées par des titres négociables» (article L 223-12). De plus, alors que l'alinéa premier de l'article L 223-16 dispose «Les parts sont librement cessibles entre les associés», l'article L 223-14 fixe des règles contraignantes relatives à la cession de parts aux tiers. L'accord des associés (ou du moins d'une partie d'entre eux) sera nécessaire. [...]
[...] Dans les sociétés de capitaux, le critère principal est le capital: on s'associe avec des personnes en fonction de leurs apports. Ainsi, dans une SA, l'intuitu personae sera négligeable (voire inexistant). Les dispositions du code de commerce concernant la SA l'illustrent bien, elles n'abordent pas la «personnalité» des associés alors qu'elles s'étendent sur la question de leurs apports. Dans une société de personne (comme entre autres la SNC, société en nom collectif), société prend fin par le décès de l'un des associés» (article L 221-15 du code de commerce). [...]
[...] En revanche, les associés d'une société de capitaux s'engagent uniquement à libérer leurs apports. Autrement dit, ils risquent uniquement leur «mise de départ», et ne seront en principe pas tenus de payer les dettes sociales sur leurs deniers propres. Pour illustrer cette idée, le premier alinéa de l'article L 227-1 du code de commerce dispose: «Une société par actions simplifiée peut être instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leur apport». Mais les créanciers ne sont pas les seuls tiers avec lesquels les associés ont affaire. [...]
[...] De plus, les sociétés sont forcément constituées par un minimum de deux associés. Les exceptions à ce principe concernent uniquement des sociétés de capitaux (comme la SARL, société à responsabilité limitée, ou la SAS, société par action simplifiée) qui peuvent être créées par l'acte de volonté unilatéral d'un associé unique (on parlera alors d'EURL et de SASU). La société sera alors qualifiée «unipersonnelle», cette technique permettant notamment de distinguer le patrimoine de l'associé unique du patrimoine de la société. Mais l'une des distinctions principales opposant sociétés de personnes et sociétés de capitaux tourne autour de la «considération» de l'associé. [...]
[...] De plus, la SARL emprunte aux sociétés de personnes le vocable «parts sociales» (article L 223-2). Quant à l'intuitu personae, il interdit aux sociétés de personnes de survivre au décès (ou même à l'incapacité) de l'un de ses associés. Sauf que ces mêmes associés peuvent prévoir dans les statuts des stipulations contraires (article L 222-10 du code de commerce, concernant les SCS et article L 221-15 pour les SNC). Les normes juridiques applicables au fonctionnement en interne des sociétés de personnes et des sociétés de capitaux ne sont donc pas si différentes que cela. [...]
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