Depuis l'arrêt « Canal de Craponne » de la chambre civile en date du 6 mars 1876, le principe en droit des contrats est le rejet de la révision pour imprévision. Le juge ne peut porter atteinte à l'intangibilité des contrats. Le fondement de ce principe repose sur le consensualisme. Les parties se sont engagées librement à conclure le contrat, et « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (article 1134 alinéa 1 du Code civil). Néanmoins, des tempéraments existent sans remettre en cause ce principe. Ils sont notamment dus au développement depuis la fin du XXème siècle de l'obligation de loyauté (ne pas nuire par son comportement, à la bonne exécution du contrat par son cocontractant) relatif à la notion d'exécution de bonne foi (article 1134 alinéa 3 du même Code).
Ainsi, l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 24 novembre 1998, concerne l'obligation de loyauté, et plus particulièrement, l'obligation de mettre son cocontractant en mesure d'exécuter le contrat.
En l'espèce, des sociétés commerciales ont confié, par un contrat d'agence commerciale, la représentation exclusive de leurs produits auprès des importateurs, grossistes et détaillants de l'Océan Indien, à un mandataire (agissant pour le compte des sociétés). Des difficultés sont ensuite intervenues pour cet agent qui devait faire face à la concurrence directe de centrales d'achats qui s'approvisionnaient en métropole. C'est la raison pour laquelle, le mandataire avait demandé l'application de la clause résolutoire ainsi que la résiliation du contrat dans son premier moyen. Celui-ci est rejeté par la Cour d'appel.
L'intérêt de cet arrêt porte sur le quatrième moyen qui vise l'obligation de loyauté et celle pour le mandant (les sociétés) de mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter le contrat.
Ce moyen est également rejeté par la Cour d'appel.
Ainsi, la question posée aux magistrats de la Cour de cassation, était celle de savoir si l'absence de mesures concrètes pour permettre à son cocontractant d'exécuter correctement le contrat était constitutive d'un manquement à l'exécution loyale de celui-ci par le mandant.
La chambre commerciale casse l'arrêt d'appel, et énonce ainsi que manque à son obligation de loyauté et à celle de mettre le mandataire en mesure d'exécuter son mandat le mandant qui n'a pas pris des mesures concrètes pour permettre à son mandataire de pratiquer des prix concurrentiels.
Dès lors, il apparaît à la lecture de cet arrêt que l'obligation de loyauté implique nécessairement un comportement « positif » de la part du mandant (I), dénotant ainsi une conception large de ce devoir (II).
[...] L'obligation d'assistance passe donc par des mesures concrètes tout comme l'exige la Cour de cassation dans l'arrêt commenté. Pourtant, celle-ci ne parle ni de la bonne foi, ni du devoir de coopération, et assimile ces mesures concrètes à des conditions de l'obligation de loyauté. Dès lors, il semblerait que la Cour de cassation ait une vision extensive du devoir de loyauté, notamment en matière de mandat. II- Une conception large du devoir de loyauté : conséquence du développement de la jurisprudence en matière de bonne foi Cette solution est nettement inspirée de la jurisprudence en la matière concernant les contrats de distribution Pourtant, la sanction proposée par la chambre commerciale pour manquement à l'obligation de loyauté n'est pas la même, et surtout, ne remet pas en cause l'intangibilité des contrats posée par l'arrêt Canal de Craponne L'extension de la jurisprudence concernant le contrat de distribution à celui du mandat Une innovation en jurisprudence est apparue, lorsque l'arrêt Huard de la chambre commerciale en date du 3 novembre 1992 est venu apporter un tempérament au principe de l'intangibilité des contrats, sans toutefois le remettre en cause. [...]
[...] Commentaire : Chambre commerciale novembre 1998 Depuis l'arrêt Canal de Craponne de la chambre civile en date du 6 mars 1876, le principe en droit des contrats est le rejet de la révision pour imprévision. Le juge ne peut porter atteinte à l'intangibilité des contrats. Le fondement de ce principe repose sur le consensualisme. Les parties se sont engagées librement à conclure le contrat, et les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (article 1134 alinéa 1 du Code civil). [...]
[...] Néanmoins, cela concerne pour le moment, que le cas du mandat, et des interrogations subsistent quant à la définition des mesures concrètes Bibliographie Droit civil : Les obligations de Luc Grynbaum (ed. [...]
[...] Les sociétés auraient dû agir, mais comment ? L'agent commercial étant censé être autonome quant à la stratégie adoptée pour la mise en œuvre de la politique commerciale. De plus, l'arrêt ne parle pas d'exécution de bonne foi qui a un sens plus large que devoir de loyauté. En aucun cas, l'arrêt ne vise l'article 1134 alinéa 3 relatif à la bonne foi, mais l'article 4 de la loi du 25 juin 1991. Cette loi est spécifique au mandat et évoque l'obligation de loyauté qui pèse sur le mandant qui doit mettre son agent en mesure d'exécuter le mandat. [...]
[...] De plus, le principe essentiel de la libre concurrence imposait leur non-intervention. Ainsi, la Cour d'appel se basait sur un comportement négatif (abstention) non-nuisible pour le mandataire pour rejeter la demande de celui-ci. Cette interprétation semble correspondre à la lettre de la définition de l'obligation de loyauté. Toujours est-il que la Cour de cassation ne retient pas cet argument, et donne un nouvel élément de définition de ce devoir. En effet, pour casser l'arrêt d'appel, elle énonce que le mandant n'a pas pris des mesures concrètes pour permettre au mandataire de pratiquer des prix concurrentiels. [...]
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