La période suspecte est une période au cours de laquelle les actes passés par une entreprise en difficultés financières sont susceptibles d´être remis en cause.
On désigne par le terme « période suspecte » la période qui précède le jugement d´ouverture d´une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et qui a pour point de départ la date de cessation des paiements de l´entreprise.
Cette période n´est pas figée dans le temps car si le tribunal a fixé une date de la cessation des paiements au jour du jugement d´ouverture, il a la possibilité de reporter cette date en arrière, si les faits conduisent à penser que les conditions d'une cessation des paiements sont réunies plus tôt.
Cependant la période suspecte ne peut pas en principe excéder dix-huit mois (elle ne peut être portée à vingt-quatre mois qu´à titre exceptionnel).
Les cocontractants d´une entreprise dont la situation financière semble douteuse ou compromise doivent accorder une très grande attention aux actes qu´ils font ou obtiennent de cette dernière dès lors que ces actes pourront être annulés s´ils s´avèrent avoir été faits pendant la période suspecte. Ce sera le cas par exemple pour le paiement de dettes non échues, pour des paiements effectués selon des procédés réputés « anormaux », comme des cautionnements fournis sans contrepartie ou aussi comme l'hypothèque conventionnelle qui est frappée de nullité absolue si elle est conclue au cours de cette période.
C'est l'ancien article L 621-107 du code du commerce qui régissait la nullité absolue de certains actes conclus pendant la période suspecte notamment l'hypothèque, mais maintenant cet article est remplacé par l'article L 632-1 du code de commerce.
Ainsi nous verrons avec l'arrêt du 12 novembre 1997 que le département de Haute-Corse a concrétisé la promesse au cours de cette période suspecte et donc nous verrons les conséquences d'un tel agissement.
La société d'économie mixte Corsam a acquis un ensemble immobilier au moyen d'un prêt accordé par le Crédit local de France, cautionné solidairement par le département de Haute-Corse auquel la société a consentie une promesse d'hypothèque en date du 13 juillet 1988.
Ce n'est seulement que le 17 novembre 1992 que le département a fait réaliser la promesse d'hypothèque par acte authentique et donc a ainsi fait inscrire son hypothèque.
Cependant, la société Corsam a été mise en redressement judicaire le 29 décembre 1992 puis en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 29 juin 1991.
La société Corsam étant en redressement judiciaire le 29 décembre 1992, l'hypothèque étant inscrite le 17 novembre 1992 et la date de cessation des paiements étant fixée au 29 juin 1991, le département de Haute-Corse ayant donc conclu cet acte pendant la période suspecte entame un recours pour qu'on tienne compte de la promesse d'hypothèque constituée avant la période dite suspecte.
L'appel est interjeté et la cour d'appel de Bastia dans son arrêt du 23 mars 1995 admet à titre privilégié la créance du département de Haute-Corse.
La société Corsam se pourvoit alors en cassation et la Haute juridiction dans son arrêt en date du 12 novembre 1997 casse et annule dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bastia, en admettant le département de Haute-Corse au passif de la liquidation judiciaire en tant que créancier chirographaire et non en tant que créancier privilégié.
Ainsi au vu des faits et de la décision de la Cour de cassation plusieurs questions viendront susciter notre curiosité.
L'hypothèque constituée pendant la période suspecte est-elle nulle quand bien même le débiteur s'était engagé antérieurement à la constituer par une promesse l'hypothèque ?
Donc la promesse d'hypothèque vaut-elle indirectement hypothèque ?
Nous verrons donc dans un premier temps que la promesse d'hypothèque peut être considérée comme un avant contrat préparatoire de l'hypothèque.
Puis nous verrons dans un second temps, que cette promesse d'hypothèque n'est finalement qu'une « vraie fausse garantie ».
[...] Toutefois, cette force obligatoire atténuée de la promesse d'hypothèque doit être éprouvé à l'aune de son exécution consistant en l'attribution de dommage et intérêts. La promesse d'hypothèque n'est que la concrétisation de l'engagement du promettant qui s'engage à consentir à un contrat futur, puisque temporellement et matériellement le consentement ne peut être séparé de la forme. Mais une question nous interpelle : comment peut-on s'engager à consentir une telle obligation ? L'engagement contractuel de conclure, et plus précisément les conséquences juridiques de son inexécution ne peuvent sans doute ne pas influer sur la conclusion ultérieure du contrat solennel, et, de toutes façons, comme l'a précisé L.Aynès même si la violation de la promesse ne peut pas conduire à la constitution d'une hypothèque forcée, il est plus conforme à l'article 1134 du code civil d'imaginer qu'elle sera exécutée Ainsi ce type d'engagement, dont l'objet consiste en la conclusion d'un contrat futur soumis à une forme impérative et protectrice du consentement de l'une des parties, se caractériserait selon J.Schmidt-Szalewski une force obligatoire atténuée excluant la possibilité d'exécution forcée. [...]
[...] On a donc la naissance d'une obligation, une obligation de constituer l'hypothèque. Une promesse d'hypothèque est un contrat synallagmatique, il peut être établi sous seing privé, à la différence de l'affectation hypothécaire qui doit être consentie par acte authentique. La promesse d'hypothèque confère au créancier un droit personnel contre le débiteur, sous forme d'obligation de ne pas faire, c'est-à-dire de ne pas consentir une hypothèque en rang utile à un tiers. Mais aussi une obligation de faire, c'est-à-dire procéder aux formalités requises pour la validité de l'hypothèque, mais elle ne procure au bénéficiaire aucun droit réel sur le bien immobilier, qui soit opposable aux tiers. [...]
[...] Les facteurs qui sont susceptibles d'entraîner la demande de la réalisation de la promesse sont très nombreux. Ce peut notamment être le retard dans les règlements des échéances du prêt du débiteur promettant, l'aliénation par celui-ci d'un bien important de son patrimoine, son décès, la survenance de son incapacité ou encore la fin de son activité professionnelle. Ce peut être également comme en l'espèce, le fait de voir que le société va mal et alors le créancier essaye de réaliser la promesse afin que son hypothèque soit inscrite mais quand il se décide à agir il est souvent trop tard. [...]
[...] Le respect de cette exigence de forme est une condition de validité de la garantie. Son non respect est sanctionné par la nullité absolue de l'hypothèque. Cependant, cette exigence est source de coût, d'où souvent le recours à la simple promesse d'hypothèque. En effet, la promesse d'hypothèque est utilisée aussi bien pour des raisons de simplicité de formalisme que pour son attrait économique (absence de Taxe de publicité foncière). Ce principe selon lequel l'hypothèque est nécessairement constituée par acte authentique a une portée étendue. [...]
[...] Un autre risque repose sur l'inscription de l'hypothèque d'un autre créancier sur le bien avant l'exercice de la promesse, car elle sera applicable en priorité au titre de son inscription antérieure. L'ouverture d'une procédure judiciaire à l'encontre du promettant rendra difficile voire impossible l'exercice de la promesse d'hypothèque, comme c'est le cas en l'espèce. En effet, la société Corsam a été mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, le 29 décembre 1992 et l'état de cessation des paiements a été fixé au 29 juin 1991, c'est-à-dire bien avant la réalisation de la promesse qui a eu lieu le 17 novembre 1992. [...]
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