Lorsque nous réservons un séjour dans un hôtel et que nous versons des arrhes, payons-nous un droit de réservation ou versons-nous une indemnité pour le préjudice que nous pourrions éventuellement causer si nous ne venons finalement pas ? Cette question relève de la pure curiosité pour le particulier mais constitue une question essentielle pour une société. En effet, de la réponse à cette question découle de grandes conséquences en matière de fiscalité et plus précisément en matière d'imposition à la TVA.
Une société installée à Eugénie les Bains a pour activité l'exploitation d'établissements thermaux, comportant également des activités hôtelières et de restauration. Lorsque les curistes réservent leur séjour, ils versent des sommes à l'avance, à titre d'arrhes. De ce fait, quand ceux-ci ont profité de leur cure et qu'ils payent l'ensemble du coût des prestations de leur séjour, les sommes déjà perçues sont déduites. Par contre, lorsque les curistes renoncent à leur séjour, la Société thermale conserve les sommes versées à l'avance. En 1992, la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 1989 et le 30 avril 1992. L'administration fiscale a alors constaté que les arrhes n'étaient pas assujetties à la TVA par la Société thermale alors que l'administration fiscale considère que cela doit être le cas. Par conséquent, elle met à la charge de la Société thermale des rappels d'impôts d'un montant de 84 054 francs soit 12 814 euros.
La Société thermale a donc saisi l'administration fiscale d'une réclamation mais celle-ci a été rejetée le 14 février 1995. De ce fait, la Société thermale a introduit un recours contre cette décision mais le Tribunal de Pau, dans un jugement du 18 novembre 1998, a rejeté ce recours car il a considéré que « lorsque les arrhes sont conservées par la société en cas de désistement du client, celles-ci constituent la rémunération de la prestation représentée par l'accueil du client, l'établissement de son dossier et l'engagement de lui réserver un séjour. » (1) Face à cette nouvelle décision de rejet, la Société thermale interjette appel de ce jugement devant la Cour Administrative d'Appel de Bordeaux. Cette dernière, elle aussi, rejette le recours dans un arrêt du 18 novembre 2003 car elle juge que « les arrhes versées par les clients de cette société et conservées par celle-ci devaient être assujetties à la TVA » (1) En effet, la Cour Administrative d'Appel considère que « ces arrhes devaient être regardées, dans cette hypothèse, comme la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation de service individualisable consistant en l'établissement du dossier du client ainsi qu'en la réservation du séjour de ce dernier ». Face à ce troisième refus, la Société forme un pourvoi devant le Conseil d'Etat car elle estime que les arrhes sont des « indemnités versées en réparation du préjudice subi par le fait de la défaillance de ses clients, et comme telles non soumises à la TVA. »(1). La Haute juridiction administrative estime que « la question est déterminante pour la solution du litige et qu'elle présente une difficulté sérieuse » (2) et décide donc de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes une question préjudicielle.
Ainsi la question posée par le Conseil d'Etat à la Cour de Justice des Communautés Européennes est celle de savoir si « des sommes versées à titre d'arrhes par un client à l'exploitant d'un établissement hôtelier doivent, lorsque le client fait usage de la faculté de dédit qui lui a été offerte et que ces sommes sont conservées par l'exploitant, être considérées comme la contrepartie d'une prestation de réservation, soumise à la TVA, ou comme des indemnités forfaitaires de résiliation, non soumise à ladite taxe. » (1)
Dans son arrêt du 18 Juillet 2007, la Cour de Justice des Communautés Européennes se prononce sur ce problème épineux. Pour y répondre, elle va avancer pas à pas dans son analyse. Effectivement, elle rejette, tout d'abord, la première proposition du Conseil d'Etat en enchaînant les arguments, (I) pour accepter la seconde (II) en disant que « Le versement des arrhes ne constituant pas la rétribution perçue par un exploitant d'établissement hôtelier à titre de contrepartie effective d'un service autonome et individualisable fourni à son client, d'une part, et la conservation de ces arrhes à la suite du désistement de ce client, ayant pour objet de réparer les conséquences de l'inexécution du contrat, d'autre part, il convient de considérer que ni le versement des arrhes, ni la conservation de celles-ci, ni leur restitution au double ne relèvent de l'article 2, paragraphe 1, de la sixième directive. » (1)
[...] Il convient d'étudier plus précisément ce dernier rôle des arrhes qui est la réponse de la Cour de Justice des Communautés Européennes au Conseil d'État. En effet, selon elle il faut distinguer les arrhes qui viennent s'imputer sur le prix des services fournis par l'exploitant de l'établissement hôtelier et qui sont donc soumises à la TVA de la conservation des arrhes en cause au principal qui n'est pas soumise à la TVA. La Cour de Justice des Communautés Européennes justifie sa distinction par le fait que la conservation des arrhes résulte de la faculté de dédit du client qui lui a été offerte et qui sert à indemniser ledit exploitant à la suite du désistement. [...]
[...] Par conséquent, elle met à la charge de la Société thermale des rappels d'impôts d'un montant de francs soit euros. La Société thermale a donc saisi l'administration fiscale d'une réclamation, mais celle-ci a été rejetée le 14 février 1995. De ce fait, la Société thermale a introduit un recours contre cette décision, mais le Tribunal de Pau, dans un jugement du 18 novembre 1998, a rejeté ce recours, car il a considéré que lorsque les arrhes sont conservées par la société en cas de désistement du client, celles-ci constituent la rémunération de la prestation représentée par l'accueil du client, l'établissement de son dossier et l'engagement de lui réserver un séjour. [...]
[...] Ensuite, la Cour de Justice des Communautés Européennes ajoute un autre argument, plus vers la fin de son arrêt. En effet, elle note que la règle selon laquelle, lorsque l'inexécution du contrat vient du fait de l'exploitant de l'établissement hôtelier, la restitution porte sur le double du montant des sommes versées à titre d'arrhes, corrobore la qualification de ces dernières d'indemnités forfaitaires de résiliation et non pas de rémunération d'une prestation. En effet, dans une telle situation, le client dudit exploitant ne fournit manifestement aucune prestation à ce dernier. [...]
[...] Tout le raisonnement de la Cour de Justice des Communautés Européennes repose donc sur une analyse posée de la notion d'arrhes et de leur rôle. Cependant, Yolande et Isabelle Sérandour se servent de cette faculté de dédit pour dire que c'est elle qui fait qu'il y a une prestation de service rendue à titre onéreux parce qu'elles affirment que la faculté de dédit des arrhes est une faculté réciproque de dédit à titre onéreux et qu'il existe donc un rapport juridique à titre onéreux que la Cour de Justice des Communautés Européennes semble vouloir ignorer Qu'importe, la Cour de Justice des Communautés Européennes énonce que les arrhes constituent une indemnisation forfaitaire et se réfère donc à son arrêt Bausystem du 1er juillet 1982 selon lequel une telle indemnité ne constitue pas la rétribution d'une prestation et ne fait pas partie de la base d'imposition à la TVA (16). [...]
[...] En effet, la Cour de Justice des Communautés Européennes confirme la deuxième proposition de la Haute juridiction administrative en citant cette troisième fonction des arrhes. Pour la Cour de Justice des Communautés Européennes les arrhes sont, d'une part, une indemnisation dans la mesure où elle est destinée à réparer le préjudice subi par l'hôtelier et les arrhes sont, d'autre part, une indemnisation forfaitaire dans le sens où l'hôtelier n'a pas à évaluer le montant du préjudice et à en demander la somme exacte au client défaillant. [...]
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