Toute activité, dès lors qu'elle se révèle apte à réaliser un certain chiffre d'affaires et peu importe son objet ou la forme sous laquelle elle est exercée, fait naître une clientèle. Cette clientèle dépend à la fois du professionnel exerçant l'activité et des moyens mis en œuvre pour l'exercer. On distingue alors les clientèles civiles qui sont relatives aux professions libérales, des clientèles commerciales qui sont attachées à un fonds de commerce.
Il a toujours été admis que le droit d'un commerçant sur sa clientèle avait une valeur patrimoniale, ne serait-ce que parce que la clientèle commerciale, c'est-à-dire le droit du commerçant d'entrer en rapport juridique avec autrui et de réaliser un certain chiffre d'affaires est la raison d'être du fonds de commerce et, par conséquent, son élément essentiel. Dès lors et selon une certaine logique les clientèles commerciales peuvent depuis longtemps faire l'objet d'une obligation contractuelle et, en particulier, elles peuvent être cédées. Elles sont au sens de l'article 1128 du Code civil des choses qui sont dans le commerce et peuvent donc être l'objet de conventions.
[...] C'est l'opinion de Monsieur Chabot qui estime que la clientèle civile est l'élément essentiel du fonds libéral. Ce serait la réunion de divers éléments, leur fédération et leur affectation à la clientèle, qui donnerait son existence et son unité à l'ensemble appelé fonds libéral. Par ailleurs, le fonds de commerce étant défini comme une organisation destinée à attirer la clientèle, on remarque qu'il existe une véritable analogie entre les deux notions. Le fonds libéral réunirait, comme le fonds de commerce, des éléments attractifs en une structure détachable de la personne du professionnel et par conséquent cessible en tant que telle. [...]
[...] L'attendu de l'arrêt vise la cession de clientèle médicale, toutefois un arrêt rendu par la 1re chambre civile le 20 janvier 2004 généralise la solution de l'arrêt Woessner à toutes les cessions de clientèles civiles. Bien que consacrant la cessibilité des clientèles civiles, la Cour de cassation prend soin d'en fixer les limites, et pose deux conditions relatives à la cession. D'une part, la cession de clientèle civile ne doit pas entraver la liberté de choix du client, d'autre part ladite cession ne peut avoir lieu qu'à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral. [...]
[...] Ce constat a conduit la pratique à trouver des subterfuges à la prohibition traditionnelle de la cession des clientèles civiles. B. Les subterfuges à la prohibition traditionnelle de la cession des clientèles civiles La Cour de cassation a pendant plus d'un siècle statué en prononçant l'illicéité des cessions de clientèle civile, parfois sur le fondement de l'article 1128 du Code civil en vertu duquel elle déclarait la clientèle civile hors du commerce, tel est le cas d'un arrêt rendu par la 1re chambre civile le 1er octobre 1996. [...]
[...] Prise dans sa conception subjective, la clientèle ne peut en aucun cas revêtir un caractère patrimonial, en effet il apparaît évident que la cession de clientèle n'est pas et ne pourrait pas être une vente de personne. La clientèle doit alors être appréhendée de façon juridique et objective. Dans cette optique, Madame Koleck-Desautel décrit la clientèle civile comme un ensemble, une masse anonyme dont l'expression doit être trouvée dans le chiffre d'affaires réalisé par un poste professionnel, la clientèle ne serait alors que le résultat de la réunion d'éléments susceptibles de la fidéliser. [...]
[...] La part d'intuitu personae est bien plus importante en matière de clientèle civile que de clientèle commerciale. Toutefois, l'évolution socio- économique rend cette affirmation de moins en moins vraie. En pratique, une clientèle commerciale peut présenter un fort intuitu personae, c'est le cas notamment des clientèles de grands restaurants qui sont attachées au fonds non pour sa localisation ou son matériel, mais pour la personne du professionnel, pour ses qualités personnelles de chef. En effet, que la clientèle soit civile ou commerciale, les deux facteurs d'attachement, matériel et personnel, coexistent dans des proportions variables selon les circonstances de fait ; les éléments corporels et incorporels sont présents dans les deux types de clientèle et seules les proportions varient. [...]
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