Dans les quinze années qui viennent, plusieurs centaines de milliers d'entreprises vont devoir changer de propriétaires et de dirigeants du fait de la mise à la retraite de ceux-ci .
Céder son entreprise est souvent difficile pour un entrepreneur qui a passé sa vie à construire et développer son activité.
La cession d'entreprise peut avoir lieu pour différentes raisons : l'envie de l'entrepreneur de passer la main à des collaborateurs plus jeunes, la volonté pour lui de prévoir sa succession… La raison de la cession importe peu, ce qui est essentiel c'est d'assurer la pérennité de l'entité économique mais aussi et surtout la pérennité de l'emploi. Le législateur a pris conscience de cette nécessité de prévoir et d'anticiper la cession et transmission d'entreprise. Deux lois mettent d'ailleurs en évidence cette prise de conscience, il s'agit de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, dite « loi Breton » du 26 juillet 2005 et de la loi du 2 août 2005, dite loi Jacob ou loi Dutreil II.
Cette seconde loi avait pour objectif de favoriser la création, le financement et la transmission des entreprises en aménageant diverses dispositions fiscale.
Les aides à la transmission d'entreprise
L'exonération des plus-values réalisées par les petites entreprises. La loi modifie les seuils de chiffre d'affaires permettant de bénéficier d'une exonération totale (qui sont portés à 250 000€ annuel pour les ventes et à 90 000€ annuel pour les prestations de services). Au-delà, elle instaure un régime d'exonération partielle dégressive. Concernant les autres conditions, elles sont inchangées par rapport au régime qui existait jusqu'ici : notamment l'activité doit être exercée depuis plus de cinq ans, et le bien doit être un bien autre qu'un terrain à bâtir et être inscrit à l'actif du bilan.
L'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit
La loi aménage légèrement les conditions de l'exonération déjà existante de la moitié des droits de successions dus sur une entreprise ou une société lorsque les héritiers prennent certains engagements de conservation et de poursuite d'activité. Mais surtout, elle étend ce dispositif aux donations, sous les mêmes conditions d'engagements. Cette mesure est d'autant plus intéressante qu'elle peut se cumuler avec la réduction de droits liés à l'âge du donateur. La réduction totale peut donc atteindre 75 % (50 % de réduction de droits, ceux-ci étant calculés sur 50 % de la valeur de l'entreprise ou de la société).
L'abattement sur les cessions de parts sociales
Dans le but de mettre fin à la différence de traitement qui existe en matière de droits d'enregistrement entre la cession en direct d'un fonds de commerce, qui bénéficie d'un
abattement de 23 000€, et la cession de parts sociales, qui ne bénéficie d'aucun abattement, la loi a prévu que désormais la cession de parts sociales bénéficierait-elle aussi d'un abattement de 23 000€. Cet abattement bénéficie à l'ensemble des parts sociales, à l'exclusion de celles relatives aux sociétés à prépondérance immobilière.
Divers mécanismes de cession existent donc mais on peut les regrouper en deux grands groupes : les transmissions à titre gratuit et les transmissions à titre onéreux.
Il existe tout d'abord des mécanismes classiques de donation et de vente. Ces deux modalités ont fait l'objet de la part du législateur de différentes mesures fiscales favorisant leur mise en place.
Mais, dans un but essentiellement fiscal, un certain nombre de mécanismes dits complexes se sont mis également en place. C'est le cas par exemple de la donation-cession et de l'apport-cession. On peut citer également l'opération de Leverage buyOut ou la fusion à l'envers.
Le choix de tel ou tel mécanisme se fera très souvent en fonction de l'avantage fiscal possible ou recherché. Mais l'Administration fiscale brandit contre ces pratiques le spectre de l'abus de droit, sanction ultime réduisant à néant l'avantage fiscal initialement recherché.
L'abus de droit est une notion complexe. C'est une notion évolutive qui se développe au fil des années. L'arrêt Janfin rendu par le Conseil d'Etat du 27 septembre 2006 en est le meilleur exemple ces dernières années. En effet, depuis cet arrêt, dispose de la possibilité d'alléguer la fraude à la loi (c'est-à-dire quand le montage juridique est artificiel et contre nature ayant pour but principal de contourner une règle fiscale contraignante) pour reconnaître l'abus de droit et donc établir l'impôt normalement dû. Il est à noter que cette notion est pluridisciplinaire et donc se ne se retrouve pas seulement en matière de cession d'entreprise.
Il se définit en application de l'article 64 du Livre des Procédures Fiscales. Cet article dispose que les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat, à l'aide de clauses qui, notamment, donnent ouverture à des droits d'enregistrement moins élevés ou qui déguisent une réalisation ou un transfert de bénéfices ou de revenus ne peuvent être opposés à l'administration. La procédure de répression de l'abus de droit permet donc à l'administration de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse.
La frontière entre un montage juridique autorisé et un montage qualifié d'abus de droit est délicate à établir. Un des éléments qui permet de la faire est de considérer l'avantage fiscal que procure le montage. L'Administration doit prouver l'intérêt exclusif de l'avantage fiscal. Si l'opération répond parallèlement à une autre préoccupation, l'abus de droit n'est pas caractérisé, sauf si la fictivité de l'acte est établie. Très souvent, l'abus de droit est écarté car le montage répond à un intérêt économique ou à une intention libérale du cédant. L'intérêt n'étant pas purement fiscal, l'abus de droit n'est pas constitué.
Dans le cas où l'opération, le mécanisme est requalifié par l'Administration fiscale comme un abus de droit, la sanction est très sévère. Dans ce cas de figure en effet, l'Administration requalifie l'opération en cause qui applique dès lors l'impôt qui aurait normalement dû être acquitté. Mais, dans un but essentiellement préventif et incitatif, la sanction ne s'arrête pas là. L'Administration fiscale ajoute une amende de 80% de l'imposition qui était légalement applicable ainsi que des intérêts de retard aux taux de 0,40% par mois de retard de l'acquittement normalement dû. Quand on connaît la lenteur de la justice pour rendre une décision définitive, on comprend que tout contribuable évitera par tous moyens que l'opération soit assimilée à un abus de droit.
Dès lors, on est en droit de se demander quelle est la frontière entre habileté fiscale et abus de droit, mais aussi quelle est, en ce début d'année 2008, la meilleure façon d'optimiser fiscalement sa cession d'entreprise sans être touché par la sanction de l'abus de droit.
Nous verrons dans un premier temps que les techniques classiques d'apport-cession et de donation-cession se trouvent soumises à une sévérité accrue des juges (I). Il est dès lors conseillé au futur cessionnaire de s'appuyer sur des techniques plus sûres telles que le Leverage BuyOut , la fusion à l'envers ou encore la fusion rapide (II).
[...] L'une des sociétés d'exploitation détenait un immeuble, ainsi que les parts d'une SCI détentrice d'un autre immeuble. La société d'exploitation avait alors procédé à l'apport de ces immeubles à deux sociétés de capitaux, puis avait cédé les titres reçus en rémunération de l'apport à son actionnaire personne physique, permettant à ce dernier de céder la société d'exploitation, ainsi vidée de ses immeubles. En se fondant sur la concomitance entre les opérations, la réalisation de l'externalisation avant que les repreneurs éventuels du groupe aient renoncé à acquérir l'immobilier, et l'existence d'autres mécanismes juridiques permettant le transfert au repreneur des seuls actifs d'exploitation, l'administration a estimé que ces opérations avaient pour but exclusif de faire échapper aux droits de (relatifs à la vente) l'acquisition des immeubles de la société par son actionnaire. [...]
[...] Enfin, la requalification en BNC des plus-values par les dirigeants de sociétés est possible dans le cas où l'opération d'achat et de revente de titres revêt par elle-même le caractère d'une activité professionnelle (par exemple: achat/revente d'entreprise en difficulté). Cette jurisprudence bien que favorable au contribuable est source d'une insécurité juridique regrettable puisqu'il est laissé une large part à l'appréciation des circonstances de fait pour déterminer le régime fiscal applicable. B. Donation-cession : Il s'agit de la donation de titres de sociétés immédiatement suivie de leur vente par le donataire. [...]
[...] Afin d'éviter la critique, ces opérations doivent, selon le CCRAD, respecter deux conditions essentielles : la donation doit avoir effectivement précédé la cession : chronologie stricte des opérations. Une donation qui succéderait à la cession de titres ne porterait donc que sur le prix, ce qui rendrait les plus- values taxables. L'inverse est plus contestable dans la mesure où cela purge les plus-values. Néanmoins, une donation consentie 2 jours avant la cession est valable[5]. Exemple : un chef d'entreprise dispose de la majorité des actions de sa société qu'il souhaite céder pour une valeur de 100 000€. [...]
[...] Dans la même année, la mère consent une donation de la pleine propriété de ses parts sociales à ses enfants. La Cour de cassation considère également ces faits comme constitutifs d'un abus de droit en s'appuyant sur deux motifs principaux : la fictivité de la société civile mise en place et le but exclusivement fiscal poursuivi dans le cadre de ce montage. La fictivité de la société civile est mise en évidence par l'absence d'actes de gestion dans celle-ci durant la période délimitée par la constitution de la société et la donation, l'absence d'autonomie financière de la société, l'absence d'apport significatif des enfants et enfin le défaut de volonté réelle de s'associer. [...]
[...] Il semble donc, à première vue, que cette technique de rescrit fiscal peut être pour le contribuable une manière de dresser un rempart contre la sanction de l'abus de droit. Dès lors, il serait vivement conseillé pour celui-ci de respecter cette procédure dans tous les cas où il sait que son montage juridique est à la limite de l'habileté fiscale. En effet, pourquoi prendre le risque de se faire sanctionner sévèrement quand on peut l'éviter ? Pourtant, en pratique, la technique du rescrit fiscal est très peu utilisée. [...]
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