La problématique de l'évasion fiscale internationale s'est développée au fur et à mesure du déploiement de l'activité de grands groupes internationaux et de leurs salariés sous l'effet de l'internationalisation des échanges et de la globalisation des économies.
Les contribuables, notamment les plus mobiles, et les entreprises ont intégré le concept d'optimisation fiscale afin de réduire la pression fiscale effective, mettent alors les Etats en position de concurrence.
Indépendamment de la mise en place de coopération entre les administrations fiscales des États, ces derniers réagissent en coordonnant leurs politiques fiscales ; en modifiant leur droit interne afin d'attirer des contribuables ; ou en modifiant leur droit interne afin de retenir les contribuables.
C'est dans cette dernière optique qu'est apparu un véritable arsenal législatif visant à prévenir :
- les transferts indirects de bénéfices à l'étranger (CGI, art. 57) ;
- les transferts d'actifs hors de France (CGI, art. 238 bis-0 A) ;
- les paiements faits à des résidents étrangers soumis à un régime fiscal privilégié (CGI, art. 238 A) ;
- la taxe annuelle sur les immeubles possédés en France par certaines personnes morales (CGI, art. 990 D et suivants).
- les rémunérations de prestations de services versées à l'étranger (CGI, art. 155 A) ;
- la déclaration des transferts de fonds et des comptes utilisés à l'étranger (CGI, art. 1469 A, 2e et 3e al. et art. 1649 quater A) ;
- la déclaration des contrats d'assurance-vie souscrits auprès d'organismes établis hors de France (CGI, art. 1649 AA) ;
- l'imposition des plus-values latentes en cas de transfert du domicile hors de France (Exit tax, art. 167 bis du CGI ) ;
- la lutte contre la sous-capitalisation (art. 212 du CGI ) ;
- les participations dans des entités financières étrangères soumises à un régime fiscal privilégié (CGI, art. 123 bis) ;
- les bénéfices provenant de sociétés établies dans un pays à régime fiscal privilégié (CGI, art. 209 B) ;
Ces deux dernières dispositions législatives sont originales à plus d'un titre :
- L'article 123 bis du CGI vise les personnes physiques domiciliée en France détenant directement ou indirectement 10 % d'une structure financière établie dans un Etat à fiscalité privilégiée.
Ces contribuables sont alors réputés être imposables à raison des revenus procurés, même non distribués, en proportion des participations détenues et déterminées selon un décompte familial et ou part l'intermédiaire d'une chaîne de participation.
- L'article 209 B du CGI permet à l'Administration fiscale d'imposer à l'IS les entreprises françaises sur les bénéfices réalisés par leurs filiales étrangères ou les établissements implantés hors de France et soumis à un régime fiscal privilégié qui s'apprécie au niveau de la structure et non au niveau de l'Etat d'accueil .
La volonté de réprimer l'évasion fiscale internationale s'est exprimée avec acuité lors des débats parlementaires précédant le vote de la loi de finances 1980 ainsi que dans une récente instruction émise par l'administration : les dispositions de l'article 209 B visent les personnes morales, notamment les sociétés, passibles de l'IS exploitant une entreprise hors de France ou détenant directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une société ou un groupement, établi hors de France ou une participation dont le prix de revient est supérieur à 22 800 K€.
Le résultat bénéficiaire est alors constitutif du résultat de la personne morale française à proportion des actions, parts, droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement dans une société ou un groupement établi hors de France. La notion de détention indirecte s'entend d'une chaîne de participations en multipliant les taux de détention entre eux. Il peut également s'agir d'une détention par l'intermédiaire d'une communauté d'intérêts par les salariés ou les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale, par une personne physique, son conjoint ou ses ascendants ou descendants ou encore par une société ou un groupement ayant en commun avec cette personne morale un actionnaire, un porteur de parts ou un titulaire de droits financiers ou de droits de vote qui dispose du nombre le plus élevé de droits de vote dans cette société ou ce groupement et dans cette personne morale ; par un partenaire commercial de la personne morale dans des conditions mettant en valeur un lien de dépendance économique.
Il est possible de faire échec à ce mode d'imposition si le contribuable français établi que l'implantation dans un pays tiers ne répond pas à des considérations purement fiscales. C'est le cas si la structure étrangère réalise effectivement des opérations commerciales ou industrielles de façon prépondérante sur le marché local.
Les dispositions de cet article dérogent singulièrement et de façon dissymétrique à la notion de territorialité de l'impôt sur les sociétés dans la mesure où l'avantage est à sens unique pour le Trésor : l'entreprise française ne peut imputer les déficits générés par son activité en France sur les bénéfices étrangers ni même imputer les déficits étrangers sur les bénéfices français et elle ne peut bénéficier du régime mère-fille. Il s'agit alors d'une forme de « consolidation punition » que l'on peut également qualifier de consolidation asymétrique.
Les dispositions de l'article 209 B ne tiennent pas compte de la motivation de l'entreprise française ni même de sa bonne foi. Or, les entreprises situées dans le champ d'application de l'article 209 B ne fraudent pas nécessairement : un investisseur français détenant des participations dans une société étrangère dont l'une des filiales est domiciliée dans un pays à fiscalité privilégiée est pourtant susceptible de se voir imposer sur la quote-part de bénéfices qu'il détient indirectement.
Les dispositions de l'article 209 B apparaissent comme étant l'expression de la singularité du mode d'imposition des sociétés françaises à l'IS : alors que l'ensemble des pays industrialisés a adopté le régime de la mondialisation des bénéfices et des pertes, le législateur français, très largement inspiré par l'administration fiscale elle-même , se réfère à la notion de territorialité, ce qui semble être devenu un anachronisme économique eu égard à l'environnement international, et dont la pertinence devra être soulevée à terme.
Les principes de ces deux textes ayant été exposés, il conviendra de soulever la question de leur compatibilité, d'une part avec le droit communautaire, (I) d'autre part, avec le droit conventionnel (II).
[...] : Fiscalité internationale : article 209 B et conventions fiscales, l'article 209 B du CGI est-devenu une arme obsolète dans la lutte contre l'évasion fiscale Bulletin Fiscal novembre 2002, page 763, Editions Francis Lefebvre. Boutemy B et Meier E. : Évasion fiscale, article 209 B et conventions fiscales internationales : le paradis retrouvé Petites Affiches août 2002, 171. Boutemy B et Meier E. : L'article 209 B et la conventions franco-suisse : le feu au lac Petites Affiches 2001 36, page 6. [...]
[...] Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code. L'impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés ; Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ont pour objet de permettre l'imposition en France des bénéfices résultant de l'exploitation d'une société établie à l'étranger et non, contrairement à ce que soutient le ministre, des distributions de bénéfices réputées opérées par cette société étrangère à son actionnaire résidant en France ; En ce qui concerne la portée de la convention fiscale franco-suisse pour l'application de l'article 209 B du CGI : Considérant qu'aux termes du de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse : Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé ; que le terme bénéfices mentionné à l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse n'est pas défini par cette convention et doit, dès lors, être interprété selon le principe énoncé au paragraphe 2 de l'article 3 de ladite convention, aux termes duquel : Pour l'application de la convention par un État contractant, toute expression qui n'est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation dudit État régissant les impôts faisant l'objet de la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente ; qu'en l'absence d'élément exigeant une interprétation différente, les bénéfices auxquels fait référence l'article 7 de la convention sont ceux déterminés selon les règles fixées par le CGI ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il y a identité de nature entre les bénéfices d'exploitation de la société Paramer dont l'imposition est attribuée à la Suisse par le de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse et les résultats bénéficiaires de la société Paramer imposés en France au nom de la société Schneider sur le fondement de l'article 209 B du CGI ; Considérant qu'en vertu du paragraphe 1 du A de l'article 25 de la convention fiscale franco-suisse, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 22 juillet 1997, les revenus visés au de l'article 7 sont exonérés de l'impôt français sur les sociétés lorsqu'ils sont réalisés par une société qui, comme la société Paramer, a en Suisse le siège de sa direction effective et n'a pas d'établissement stable en France ; que l'objectif d'élimination des doubles impositions attribué à cette convention fiscale ne saurait justifier une méconnaissance des stipulations susmentionnées au seul motif que l'imposition par la France des bénéfices de la société Paramer n'est pas établie au nom de la société suisse mais à celui de sa société mère, qui est une entité juridique distincte et à laquelle lesdits bénéfices n'ont pas été effectivement distribués ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse s'opposent à l'application des dispositions de l'article 209 B du CGI ; Considérant qu'à supposer même qu'il soit établi qu'un objectif de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales ait été assigné à la convention franco-suisse, cet objectif ne permet pas, faute de stipulation expresse le prévoyant, de déroger aux règles énoncées par cette convention ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 13 février 1996 du tribunal administratif de Paris et a déchargé la société Schneider Électric du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1986 ; Décide : Rejet du recours du ministre. [...]
[...] Selon l'expression du Pr Cozian, Précis de fiscalité des entreprises, Litec 715. La Direction de la Législation Fiscale qui emploie 200 agents et qui s'est substituée depuis 1998 au Service de la Législation Fiscale est rattachée à la Direction Générale des Impôts (DGI). La DLF est spécialement chargée de la conception et de l'élaboration des textes à caractère législatif et réglementaire en matière fiscale. Elle élabore en outre les rapports d'information du Parlement sur l'application de certains textes ainsi que sur le bilan des mesures fiscales. [...]
[...] Enfin, la clause figurant dans les conventions selon laquelle les bénéfices d'une entreprise ne sont imposables que dans l'Etat où elle est établie n'est pas applicable puisque l'article 123 bis concerne les personnes physiques et non les entreprises. Ce dernier argument peut paraître paradoxal. Le Gouvernement semble vouloir sous-entendre que seuls les bénéfices d'une entreprise ne sont pas imposables hors de l'Etat où elle est établie. Les revenus des particuliers sont donc imposables en France. Cela veut-il dire a contrario que l'imposition mise en place par l'article 209 B est incompatible avec les conventions fiscales internationales ? [...]
[...] D'autant plus que dans une de ses instructions, l'administration précise que des régimes fiscaux allégés temporaires pourraient être considérés comme permanents si ils s'étalent sur une longue durée. La question de la conformité de l'article 209 B au droit communautaire se poserait alors une fois de plus. En effet, son application par l'Etat français constituerait un obstacle à une mesure d'aide consentie par la Commission européenne, ce qui est incompatible avec les dispositions du Traité de Rome. Pour l'instant, l'administration française ne semble pas désireuse de pousser si loin l'application de 209 B. [...]
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