Le concept de la faute détachable des fonctions du dirigeant social était un concept connu de longue date dans la Jurisprudence, mais par un arrêt du 20 Mai 2003, la Chambre Commercial de la Cour de Cassation nous offre enfin une définition qui vient en redessiner les contours.
Mme X..., agissant en qualité de gérante de la société SBTR, a cédé à la Société d'application de techniques de l'industrie (société SATI) deux créances qu'elle avait déjà cédées à la Banque de La Réunion ; la société SATI a demandé que Mme X... soit condamnée à réparer le préjudice résultant du défaut de paiement de ces créances. L'affaire a été portée devant la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunion.
L'arrêt rendu le 4 Mai 1999, par la Cour d'Appel de Saint Denis de La Réunion, a fait droit à la demande de la société SATI en retenant la responsabilité civile de la gérante de la société SBTR, du fait qu'elle avait commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui était personnellement imputable.
La gérante de la SARL a choisi de se pourvoir en cassation selon le moyen que la Cour d'Appel n'a pas caractérisé le moindre agissement de cette première, qui soit sans rapport avec les créances consenties par elle au nom et pour le compte de la société SBTR dans l'exercice de ses fonctions de gérant. Ainsi elle considère que la Cour d'Appel a violé l'article 52 de la loi du 24 Juillet 1966 énonçant dans son premier alinéa que : « Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement selon les cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions du présent chapitre, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.». (...)
[...] Et l'article 244 de la loi définit dans les mêmes termes la responsabilité des administrateurs. Envers la société, la responsabilité du dirigeant se trouve engagée par toute faute de gestion, allant de la fraude caractérisée à la simple négligence fautive. L'action en responsabilité peut être mise en oeuvre par la société elle-même ou en cas d'inaction de celle-ci, par un ou plusieurs associés exerçant l'action ut singuli au nom de la société. Envers les associés, personnellement, la responsabilité du dirigeant ne peut être recherchée que si par ses agissements fautifs, il leur a causé un préjudice personnel, distinct du préjudice subi par la société, hypothèse à vrai dire fort rare, s'agissant d'un préjudice résultant d'une faute de gestion. [...]
[...] Ce pourvoi est rejeté en ses trois branches par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 20 mai 2003. Seule la réponse donnée à la première branche présente un intérêt au regard de la théorie de la faute détachable des fonctions. Ainsi dans cet arrêt, la Chambre énonce le principe que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qu'il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales Dans le présent arrêt, la Chambre commerciale réaffirme d'une part le principe connu de la responsabilité du dirigeant social du fait de la faute séparable des fonctions et d'autre part, elle en dessine les contours en proposant une définition large de cette faute, illustrée de façon positive en l'espèce. [...]
[...] Le caractère intentionnel de la faute doit s'entendre par référence aux notions habituelles de droit de la responsabilité civile. La faute intentionnelle n'est pas celle dans laquelle l'auteur entend délibérément porter préjudice à la victime. Le caractère intentionnel de la faute résulte de la conscience que la personne a du fait que son comportement va causer un dommage à un tiers. Il est donc question d'une appréciation subjective sur le comportement du dirigeant. Le principal corollaire est que les fautes non intentionnelles ne présentent pas de caractère séparable. [...]
[...] La faute constituée par un acte impersonnel dépendant des fonctions La Cour réaffirme le principe selon lequel la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions. Jusqu'ici, et bien que les décisions se soient montrées parfois évasives sur ce qu'il fallait entendre par faute séparable, on pouvait considérer que l'expression s'appliquait soit lorsque le dirigeant avait agi pour des motifs personnels, soit lorsqu'il était sorti gravement de ses fonctions et qu'en quelque sorte l'acte ne pouvait se rattacher normalement à celles-ci. [...]
[...] En 1998, la Chambre commerciale a eu l'occasion de réaffirmer cette solution. Un arrêt du 20 octobre 1998 a rejeté le pourvoi formé par le bénéficiaire d'un cautionnement qui recherchait la responsabilité du directeur général signataire de cet engagement, qui avait commis la faute de ne pas vérifier que l'autorisation qu'il tenait du conseil d'administration d'engager la société était toujours valable. Cette faute n'était pas séparable de ses fonctions selon la Cour de Cassation. Enfin un arrêt de cassation du 28 avril 1998 pose, sans ambiguïté, sous forme de "chapeau", au visa des articles 52 et 244 de la loi du 24 juillet 1966, le principe "que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement". [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture