La SA, réputée société de capitaux par excellence, peut également intégrer une dose d'intuitu personae si ses actionnaires le désirent : c'est le mécanisme de la clause d'agrément, destiné à protéger les actionnaires existants contre l'entrée au capital d'un investisseur non désiré.
Ces clauses, insérées dans les statuts, sont régies pour les sociétés par actions par les articles L228 – 23 à L 228 – 26 du code de commerce, issus de la loi du 24 juillet 1966, et modifiés par l'ordonnance du 24 juin 2004. De telles clauses permettent de soumettre l'entrée d'un nouvel actionnaire à l'agrément « de la société », c'est-à-dire à celui du Conseil d'administration, ou de l'assemblée des actionnaires (NB : lire l'article de Dondero sur le sujet, l'organe compétent n'est pas spécifiquement désigné par la loi, donc on peut envisager trois organes compétents, le DG, le CA, ou l'assemblée des actionnaires, avec une préférence pour les 2 derniers...)
Il va sans dire que de telles clauses constituent une limite importante à la libre négociabilité des titres traditionnellement de rigueur dans les sociétés anonymes, aussi leur exercice est-il encadré strictement par le législateur. L'article L228-23 en exclut ainsi l'usage dans les sociétés cotées. Dans les sociétés où elles sont envisageables, leur application est également limitée : d'une part, l'article L228-23 du Code de commerce écarte spécifiquement l'application des clauses d'agrément dans un certain nombre de cas. La clause d'agrément est ainsi écartée « en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou un descendant ». D'autre part, ce même article réserve l'application de la clause aux « cessions à quelque titre que ce soit », ce qui semble exclure son application pour les autres opérations. Une telle rédaction pose nécessairement le problème de la délimitation de cette opération de cession, et, partant, du domaine d'application des clauses d'agrément. Dans la mesure où le législateur n'a pas jugé opportun de préciser cette notion par l'ordonnance du 24 juin 2004, il convient toujours de se tourner vers le juge pour rechercher les contours de cette notion en droit positif.
Précisément, une controverse est née quant à l'applicabilité de ces clauses dans le cadre d'une opération de fusion. L'hypothèse est la suivante : une société en absorbe une autre, qui est elle-même actionnaire d'une troisième société dont les statuts prévoient de soumettre l'entrée d'un nouvel actionnaire à l'agrément de la société. Par l'effet de la transmission universelle de patrimoine, la société absorbante devient donc actionnaire de la troisième société sans avoir été agréée par celle-ci. Il convient alors de déterminer si la clause d'agrément peut recevoir application, et, en cas de réponse positive, la sanction que devrait recevoir le non respect de la clause d'agrément.
Les enjeux liés à la réponse sont de taille : en effet, il parait peu respectueux de la liberté contractuelle des actionnaires de laisser contourner la clause d'agrément si facilement, et de laisser entrer au capital de la société un actionnaire non désiré. A l'inverse, il est délicat de trancher en faveur de l'application d'une telle clause dans la mesure où elle constituerait une nouvelle entrave à la libre négociabilité des titres dans la SA. Répondre à une telle question revient alors à choisir entre les principes de libre négociabilité et de liberté contractuelle, tous deux applicables dans les Sociétés Anonymes.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 3 juin 1986, s'est prononcée en faveur d'une applicabilité de la clause d'agrément aux opérations de fusion. Ce qui, au-delà de la question du bien fondé de la solution retenue, pose le problème de sa mise en œuvre. Nous examinerons donc dans un premier temps le principe d'applicabilité de la clause d'agrément dans le cas d'une opération de fusion, (I) avant d'aborder les problèmes posés par la mise en œuvre d'une telle clause (II).
[...] Or, une telle interprétation dans le cas d'une fusion serait viciée. Pour M. Paclot, le raisonnement a contrario n'est un moyen légitime d'apporter une réponse à une question non tranchée par une loi que lorsqu'il est possible de supposer que le législateur, en prescrivant une règle pour une situation donnée, a voulu, en même temps, prescrire le contraire pour les autres situations : c'est le sens de l'adage qui dicit de uno, negat de altero, fondement de l'interprétation a contrario. [...]
[...] Rappelons que selon l'article L 228-23 du code de commerce, Dans une société dont les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, la cession de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l'agrément de la société par une clause des statuts. Cette clause est écartée en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant Or cet article n'envisage pas la fusion mais la cession. b. La notion de cession dans la loi Un autre argument a été tiré, également, de l'interprétation des dispositions légales applicables aux sociétés anonymes. [...]
[...] En effet, les dispositions statutaires stipulaient tout mode quelconque La Cour de cassation confirme la solution des juges du fond et conclut que l'interprétation de ces juges emporte application de la clause d'agrément à ladite opération de fusion. La Cour de cassation reconnaît donc que les termes de la loi du 24 juillet 1966, en l'espèce, n'interdisent pas qu'une procédure d'agrément s'applique au transfert des droits sociaux par voie de fusion. Toutefois, la Cour n'affirme pas que le terme légal de «cession vise de droit les opérations de fusion. Dès lors, les clauses d'agrément doivent être interprétées en vue de la détermination de leur champ d'application. [...]
[...] Cependant, la consécration du principe de l'applicabilité des clauses d'agrément aux fusions reste fragile au vu des nombreuses contestations de la doctrine. B. Le principe d'applicabilité d'une clause d'agrément à la fusion 1. La controverse doctrinale Plusieurs arguments ont été développés en doctrine pour contester ce principe d'applicabilité. a. L'interprétation a contrario de la loi L'interprétation a contrario consiste, en présence d'une hypothèse non envisagée par les dispositions d'un texte, à en déduire une solution contraire à celle qu'il énonce expressément[1]. [...]
[...] Le principe de transmission universelle du patrimoine, malmené Enfin, La reconnaissance de l'applicabilité de principe d'une clause d'agrément conduirait, comme le soutient M. Paclot et d'autres auteurs[5], à malmener le principe de la transmission universelle du patrimoine et à dénaturer l'opération de fusion ou de scission ce qui paraît d'autant plus difficile à admettre que ce principe est une caractéristique essentielle de ces dernières. On admet de façon classique, que la fusion fait perdre l'existence juridique de la société absorbée. [...]
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