Nombreux, sont ceux qui utilisent le droit à des fins frauduleuses, et cela dans toutes les branches du droit. Y compris en droit des sociétés, où il n'est pas rare qu'une personne utilise les règles inhérentes à cette matière dans le but de frauder. Tel est l'objet de l'arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation rendu le 17 mars 1992.
En l'espèce, il s'agit de Gabriel Chaplin, son épouse Mme Lucie Magnier et leur fils Alain. Ces trois personnes ont constitué, par acte du 1er décembre 1973, une société civile immobilière dénommée "le Moulin de Roule Crotte". L'objet de cette société était "la propriété, la gestion, et plus généralement l'exploitation par bail, location ou autrement d'un immeuble situé au lieu dit le moulin de roule Crotte". Cela constituant le seul élément de leur actif. Le capital social a été divisé en 110 parts. 50 parts à chacun des époux et 10 à leur fils. Le 30 décembre 1981, la société a donné à bail son immeuble à la société à responsabilité limitée Le Moulin Fleuri, dont M. Alain Chaplin était gérant. Le 20 janvier 1984, Gabriel Chaplin est décédé laissant son épouse, son fils Alain et un autre fils, Philippe Chaplin, né d'un premier mariage. Ce dernier est devenu propriétaire indivis des parts de la société dépendant de la succession de son père.
[...] En effet, un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 28 janvier 1992 (arrêt Demuth) a également exigé que tous les associés aient concouru à la fraude. En l'espèce, eux époux exploitaient un fonds artisanal avant de divorcer. L'ancien époux crée avec trois autres personnes une SARL dont l'objet social concernait l'exploitation dudit fonds. L'ancienne épouse agit alors en nullité de la société créée selon elle pour faire échec à ses droits. La Cour d'appel retient la nullité de la société, mais la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, car il n'est pas prouvé que tous les associés aient concouru à la fraude. [...]
[...] Ainsi, la Cour de cassation accepte la nullité de la société pour cause de fraude, mais à quelles conditions? La restriction de la fraude comme cause nullité Dans l'arrêt du 17 mars 1992, la Cour de cassation semble admettre que la fraude puisse être une cause de nullité. Cependant, les juges de la haute juridiction ont tout de même mis un bémol à cette acceptation. En effet, la Cour de cassation dit " sans rechercher, si les actes incriminés, des 1er décembre 1973 et 30 décembre 1981, ne procédaient pas d'une collusion entre ceux qui y avaient souscrit, en vue de porter frauduleusement atteinte aux droits indivis à revenir à M. [...]
[...] II- L'assouplissement quant à la fraude comme cause de nullité La Cour de cassation s'est aujourd'hui assouplie et admet plus facilement que la fraude soit une cause de nullité mais cela ne l'empêche pas d'être en contradiction avec le droit communautaire Une admission moins restrictive Alors que par deux arrêts, un du 28 janvier 1992 et un du 17 mars de la même année, la Cour de cassation avait estimé que la nullité d'une société pour fraude, ne pouvait être prononcée que si tous les associés avaient concouru ladite fraude. Elle s'est aujourd'hui assouplie en en admettant la fraude comme cause de nullité dans plus de cas. En effet, par un arrêt de la première Chambre civile rendu le 7 octobre 1998, la Cour de cassation a changé de position en ce qui concerne la fraude comme cause de nullité. [...]
[...] En principe, la règle de l'unanimité commande le fonctionnement de l'indivision. Les actions en justice doivent donc être prises à l'unanimité. C'est d'ailleurs ce que rappelle la Cour d'appel en précisant que le demandeur ne peut exercer seul une action en dissolution de la société civile immobilière dont il possédait des parts en indivision. La Cour de cassation, toujours en se fondant sur le principe "fraus omnia corrumpit", semble précisait que les actes étant entachés de fraude, il peut déroger à la règle de l'unanimité et demander seul l'action en justice. [...]
[...] Philippe Chaplin a formé un pourvoi en cassation et soutient qu'il peut obtenir la dissolution de la société, ainsi que l'annulation du bail. Ainsi, il convient de se demander si la fraude peut être une cause de nullité de la société. La Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel et répond par l'affirmative en se fondant sur la maxime "fraus omnia corrumpit". Elle précise qu'il fallait rechercher s'il n'y avait pas eu collusion entre les cohéritiers en vue de porter frauduleusement atteinte aux droits de Philippe Chaplin. [...]
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