La possibilité de dualité d'exercice de l'action en responsabilité contractuelle (art 1147 c.civ), et de l'action en garantie des vices cachés (articles 1641 et s c.civ) en cas de défaut de la chose après que le transfert de propriété a eu lieu a créé une certaine division jurisprudentielle.
En l'espèce, en 1974, les époux Gosse concluent un contrat de vente avec la société BMB. L'objet du contrat (des tuiles) présentant des défauts en 1976, la société BMB leur aurait livré à titre gratuits milles tuiles ; la défectuosité s'étendant à toute la toiture, les époux G assignèrent la société en dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 c.civ.
La Cour d'appel d'Amiens par un arrêt du 25 septembre 1990 rejeta leur demande au motif qu'ils étaient forclos par rapport au délai imparti par l'article 1648 du c.civ, qui décrit la garantie des vices cachés.
Les époux Gosse formèrent alors un pourvoi en cassation, en se prévalant de différents moyens. Tout d'abord, ils estiment que le fournisseur qui a livré une chose non conforme à celle demandée car défectueuse a manqué à son obligation de délivrance, et donc doit engager sa responsabilité contractuelle pour inexécution partielle du contrat. De plus ils prétendent que la Cour d'appel ayant ignoré l'obligation de garantie du contrat a violé l'article 1603 du c.civ. (ce moyen sera mis de côté dans le cadre du commentaire de la solution). Ensuite, ils allèguent que le choix laissé aux parties entre l'action en responsabilité contractuelle (art 1147 c.civ), et l'action en garantie des vices cachés (articles 1641 et s c.civ) n'a pas été respecté par la Cour d'Appel. Enfin, ils soutiennent qu'ayant seulement demandé des dommages et intérêts, il s'agissait d'une action en responsabilité contractuelle et que la Cour d'Appel a violé l'article 1147 du c.civ en appliquant le délai de prescription de l'art 1648 c.civ.
La cour de cassation est amenée à se prononcer sur un problème qui a animé beaucoup de discussion : L'acheteur d'une chose défectueuse ou non appropriée à l'usage auquel elle est destinée bénéficie-t-il d'une option entre l'action en responsabilité contractuelle (art 1147 c.civ), et l'action en garantie des vices cachés (art 1648 c.civ) contre le vendeur?
La première chambre civile a répondu de manière explicite :
« Mais attendu que les vices cachés, lesquels se définissent comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination normale, ne donnent pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle, mais à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du Code civil ; qu'ayant relevé, en l'espèce, que la société BMB avait fourni des tuiles, dont la mauvaise qualité avait été reconnue par l'expert et qui étaient impropres à l'usage auquel elles étaient destinées, et ayant retenu que plus d'une année s'était écoulée entre la découverte du vice et l'assignation en justice, la cour d'appel a souverainement estimé que cette action n'avait pas été intentée dans le bref délai imparti par l'article 1648 du Code civil ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ».
Il convient donc de se pencher sur la solution surprenante de la Cour par rapport à la jurisprudence antérieure en prenant en compte les moyens des demandeurs, en examinant tout d'abord la déchéance de la responsabilité contractuelle (I), pour étudier ensuite le rétablissement de la garantie des vices cachés et du « bref délai » accordé par l'article 1648 c.civ. (II).
[...] Les enjeux du monopole donné à la garantie des vices 1. Le seul engagement de la garantie des vices cachés à l'encontre du vendeur profane L'intérêt de la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle par le non-respect de l'obligation de délivrance n'était pas moindre. En effet, elle permettait, selon l'article 1147 c.civ et à cause de l'inexécution d'une obligation du contrat, de demander des dommages et intérêts, mais surtout de bénéficier du délai de prescription de droit commun qui est trentenaire. [...]
[...] Ce revirement met donc fin à l'hégémonie de l'obligation de délivrance, pour un retour à la conception stricte d'avant 1970. Pour arriver à cette conclusion, la Cour précise la définition de vice caché, en reprenant les termes de l'article 1641 c.civ qui dispose : Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine En parlant elle-même de vice rendant la chose impropre à sa destination normale, elle fait allusion au but recherché par l'acquéreur qu'elle fait entrer dans la définition du vice. [...]
[...] Cette solution est étonnante de la part de la Première Chambre Civile, puisque l'Assemblée Plénière et la Chambre Commerciale avaient adopté une jurisprudence similaire. Elle est également compréhensible car elle restreint la portée de l'obligation de délivrance qui empiétait sur la garantie des vices cachés. Elle a aussi un effet non négligeable sur la protection du vendeur puisque celui-ci ne peut plus voir sa responsabilité contractuelle engagée pendant un délai important : en effet, le principal enjeu de cette dualité d'actions mise en place par la jurisprudence antérieure est le délai de prescription qui diffère selon l'action choisie. [...]
[...] Tout d'abord, ils estiment que le fournisseur qui a livré une chose non conforme à celle demandée car défectueuse a manqué à son obligation de délivrance, et donc doit engager sa responsabilité contractuelle pour inexécution partielle du contrat. De plus ils prétendent que la Cour d'appel ayant ignoré l'obligation de garantie du contrat a violé l'article 1603 du c.civ. (ce moyen sera mis de côté dans le cadre du commentaire de la solution). Ensuite, ils allèguent que le choix laissé aux parties entre l'action en responsabilité contractuelle (art 1147 c.civ), et l'action en garantie des vices cachés (articles 1641 et s c.civ) n'a pas été respecté par la Cour d'Appel. [...]
[...] Elle y propose un régime unifié entre l'obligation de délivrance et la garantie des vices cachés dans l'objectif de protéger le consommateur au détriment du vendeur. Les directives ayant une portée juridique obligatoire, la Cour risque de devoir infléchir sa jurisprudence pour s'aligner sur la législation communautaire. De plus, les domaines voisins ayant adopté depuis longtemps une conception différente (on peut citer la nullité pour erreur sur un défaut caché qui a une prescription de droit commun depuis un arrêt de la chambre commerciale du 28 juin 1988), la conception de conformité fonctionnelle attachée à la garantie des vices cachés serait-elle amenée à devenir résiduelle dans les années à venir ? [...]
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