La Chambre sociale de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt remarquable le 23 mai 2007 en admettant qu'un SMS puisse prouver le harcèlement sexuel d'un employeur envers sa salariée. Cet arrêt doit retenir l'attention car la reconnaissance de la loyauté de ce mode de preuve pourrait avoir une large portée, au-delà du contentieux social. Pourtant, l'admission de cette preuve électronique n'est pas sans susciter quelques interrogations.
Madame X est négociatrice immobilière dans une SCP, titulaire d'un office notarial. Elle a été licenciée pour faute grave et a saisi le conseil des prud'hommes pour contester son licenciement en faisant état d'un harcèlement sexuel. Pour sa part, son employeur lui reproche d'avoir abusé de ses fonctions à des fins personnelles en rachetant à un client de l'étude notariale un terrain pour son propre compte afin de le revendre à un prix très supérieur. La Cour d'appel d'Agen, dans un arrêt du 5 avril 2006, décide que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave. L'employeur se pourvoit en cassation. La Chambre sociale confirme la décision de la cour d'appel en constatant, sur le premier moyen, que le fait reproché à la salariée n'avait suscité aucune remarque de la part de l'employeur. Dès lors, le comportement de la salariée n'empêchait pas son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave. Sur le second moyen, l'employeur conteste les modes de preuve du harcèlement sexuel retenus par la cour d'appel. Il estime que l'enregistrement et la reconstitution d'une conversation téléphonique, ainsi que la retranscription de messages écrits téléphoniquement, dits SMS, constituent des procédés déloyaux rendant irrecevables les preuves ainsi obtenues. La Cour de cassation devait donc se prononcer sur la recevabilité en justice de la preuve faite par des SMS. Elle décide que « si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal, rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur ». Au vu de ces messages et des autres éléments de preuve, la Cour estime que l'existence du harcèlement est établi.
Cette décision est originale car la preuve ici contestée est fournie non par le salarié, mais par l'employeur. Les juges ont plutôt, jusqu'à présent, eu à se prononcer sur des enregistrements déloyaux, d'images ou de paroles, produits par l'employeur. L'arrêt est par ailleurs majeur en ce qu'il vient préciser les conditions de loyauté de la preuve et se prononcer sur l'admission en justice d'un nouveau mode de preuve, le SMS. En matière délictuelle, la preuve est libre, aussi la preuve par SMS ne cause-t-elle pas de difficulté de principe. Cependant, l'identité du destinataire et l'intégrité du message ne sont pas garantis. En l'espèce, l'employeur ne contestait pas le SMS en lui-même, uniquement la loyauté de sa production en justice. Dès lors, l'apport de l'arrêt est double : il reconnaît la loyauté de la preuve par SMS (I) et la recevabilité de la preuve électronique par SMS (II).
[...] Le principe de loyauté repose sur l'information préalable des procédés d'enregistrement mis en oeuvre La Chambre sociale admet ici que la connaissance puisse être implicite témoignant d'une souplesse dans la formalisation de cette exigence d'information. A - L'information préalable La jurisprudence de la Chambre sociale prohibe la preuve déloyale, obligeant l'employeur à informer préalablement le salarié. Le principe est donc qu'un enregistrement, d'images, de sons ou de textes, ne peut constituer une preuve loyale que si le salarié avait connaissance de l'enregistrement. La preuve devient illicite lorsqu'elle est récoltée à l'insu du salarié. L'emploi de procédés clandestins, quels qu'ils soient, est donc sanctionné par une jurisprudence constante, reprise par les Chambres civiles. [...]
[...] Cette décision est originale car la preuve ici contestée est fournie non par le salarié, mais par l'employeur. Les juges ont plutôt, jusqu'à présent, eu à se prononcer sur des enregistrements déloyaux, d'images ou de paroles, produits par l'employeur. L'arrêt est par ailleurs majeur en ce qu'il vient préciser les conditions de loyauté de la preuve et se prononcer sur l'admission en justice d'un nouveau mode de preuve, le SMS. En matière délictuelle, la preuve est libre, aussi la preuve par SMS ne cause-t-elle pas de difficulté de principe. [...]
[...] Elle va ici plus loin en admettant la preuve par la technique du SMS. Certes, en matière délictuelle la preuve se fait par tout moyen et l'admission d'un écrit électronique ne cause pas de difficulté de principe. Néanmoins, la comparaison avec les exigences de preuve d'un acte juridique par écrit électronique est intéressante. La loi du 13 mars 2000, codifiée aux articles 1316 à 1316-4 du code civil, a posé des conditions d'identité et d'intégrité de l'écrit produit (art. 1316-1 c. [...]
[...] Mais, en l'espèce, toute contestable que soit la preuve par SMS, elle n'était pas contestée par l'employeur. La remise en cause de la loyauté du procédé constituait même quasiment un aveu de ce dernier. Sans doute eût-il été préférable pour l'employeur de critiquer le SMS, en ce qu'il ne garantit pas l'identité de l'expéditeur et l'identité du message. Cette question n'étant pas soulevée, la Cour de cassation ne s'est naturellement pas prononcée, et a pu aisément admettre ce mode de preuve. [...]
[...] La Chambre criminelle de la Cour de cassation se montre plus souple dans l'admission des modes de preuve à l'insu des salariés. Par application de l'article 427 du code de procédure pénale, elle admet la preuve illégale dès lors que cette preuve peut être discutée contradictoirement. Le principe du contradictoire justifie les limites ainsi apportées au principe de loyauté. Selon les principes du procès pénal, l'intime conviction du juge doit permettre la manifestation de la vérité. L'article 427 du code de procédure pénale permet également d'admettre le testing afin d'établir des pratiques discriminatoires. [...]
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