La Cour de cassation a rendu en 1992 un arrêt révélateur de sa démarche actuelle. C'est en effet le 25 février 1992 que la Chambre sociale, sous le visa de l'article 1134, alinéa 3, a fait obligation à un employeur d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois dans l'entreprise et qui donc, au cas d'espèce, lui a reproché, alors qu'il venait de licencier pour suppression de poste la responsable du fichier clients, de ne pas avoir proposé à celle-ci le poste de facturière qu'il avait pourvu dix jours plus tard.
Le devoir d'exécuter les conventions de bonne foi est, il est vrai, devenu un des fondements les plus utilisés par les juges pour assurer le respect d'une certaine justice au sein du contrat ; et, se développent au travers de ce devoir une multitude d'obligations et de sanctions. La bonne foi, dans cette acceptation, est la loyauté dans la conclusion et l'exécution des actes juridiques, en l'occurrence ici des conventions. Quelle en est sa portée dans le paysage juridique français ? Ce devoir s'est peu à peu imposé en jurisprudence, mettant à la charge des parties certaines obligations précises (I).Pourtant, la doctrine ne s'accorde pas sur la portée (et les limites) de ce mouvement, à tel point qu'on peut s'interroger sur la pertinence d'une telle notion et de son applicabilité dans le droit français (II).
[...] Imprécise, la notion de bonne foi a au moins le mérite de rendre vivant notre droit, de permettre son adaptabilité et de donner matière à réfléchir aux exégètes de la matière. G. May, Eléments de droit romain, Paris, Sirey 1920, n°117 Droit et patrimoine, mars 1998 M. le Tourneau, Rép. Civ. Dalloz, Bonne foi, p.5 C. Cass. Civ. 1re janv D CA Paris juin 2001 Cass. [...]
[...] Mais doit-on fonder la sécurité juridique sur l'intangibilité des obligations ou sur l'équilibre de celles- ci ? N'est-ce pas plutôt, d'une certaine façon, juste de considérer que c'est l'équilibre du contrat qui devrait être intangible, faisant reposer la confiance des parties sur la souplesse du contrat ? La doctrine est partagée et peut-être que la vérité, tant peu qu'elle existe, se situe entre ces deux perceptions opposées L'exigence de bonne foi, sous peine de perdre toute efficacité, devrait alors se limiter à imposer un égoïsme tempéré Mais si le principe d'exécution de bonne foi pose tant de problèmes, c'est peut-être que la notion même de bonne foi n'est pas satisfaisante. [...]
[...] Ces décisions ne se contentent dès lors pas de sanctionner un comportement de mauvaise foi, mais tentent d'imposer aux parties une attitude d'entraide contractuelle, sur le fondement de l'article 1134 al C.civ. Cette conception se retrouve en matière de distribution commerciale dans le célèbre arrêt Huard. En l'occurrence, la Cour de cassation a condamné une compagnie pétrolière qui pratiquait, à l'égard de l'un de ses revendeurs, des prix tels que celui-ci n'était plus en mesure d'affronter la concurrence. En effet, les concurrents directs de M. Huard étaient aussi des cocontractants de BP. Or, la compagnie BP pratiquait à leur égard des prix nettement inférieurs à ceux qu'il réservait à M. [...]
[...] De Rome à aujourd'hui ou l'affirmation de l'exigence de bonne foi L'article 1134 al C. civ. était traditionnellement compris comme exprimant la volonté des rédacteurs du Code civil d'abandonner la distinction romaine des contrats de droit strict et de bonne foi. En effet, en droit romain ancien existe une règle : le seul échange des consentements n'est pas créateur d'obligations. Pour que naissent les obligations souhaitées par les parties, il est nécessaire en outre que le consentement se déclare dans des formes solennelles. [...]
[...] Exécuter un contrat de bonne foi n'a aucun sens propre et une analyse a contrario appuie cette logique. En effet, que signifierait exécuter un contrat de mauvaise foi si ce n'est pas exécuter le contrat ? Exécuter un contrat de bonne foi signifie tout simplement l'exécuter complètement, en conformité avec la volonté concrète de l'autre partie. Ce devoir légal n'est donc pas à proprement parler porteur d'un sens moral autonome. L'usage de l'alinéa 3 de l'article est donc critiquable. De sens peu clair, il incite à croire à une présence de morale là ou ne se manifeste que les conséquences logiques de la volonté des contractants. [...]
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