Les associés d'une société civile disposent d'une grande liberté pour organiser la gérance comme ils l'entendent. Ainsi, si la liberté n'est pas totale, la marge de manœuvre reste grande en ce qui concerne la désignation du gérant et sa responsabilité, mais aussi sa révocation. Si le principe de l'article 1846 alinéas 4 du Code civil veut que sauf clause contraire dans les statuts ou dans la décision de nomination, les gérants sont réputés nommés pour la durée de la société, les règles entourant la révocation du gérant sont posées par l'article 1851 du Code civil, qui peut parfois poser un problème d'interprétation. Tel était le cas dans l'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 6 janvier 1999.
Une société civile immobilière avait été constituée pour l'édification d'un groupe d'immeubles. Une société à responsabilité limitée devient associée majoritaire, détentrice de 67 parts sociales et cogérante avec une autre société, détentrice des 33 autres parts formant le capital social. Cette dernière est révoquée de ses fonctions de gérantes en application des statuts et de l'article 1851 du Code civil. Cette société assigne donc la société civile immobilière ainsi que la société à responsabilité limitée en nullité des décisions de l'assemblée générale et en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de sa révocation abusive.
Le problème qui se posait alors à la haute juridiction était le suivant : est-il possible de déroger aux dispositions de l'article 1851 concernant la révocation du gérant ?
[...] Cependant, on peut noter une évolution avec deux éléments jurisprudentiels postérieurs, à savoir l'arrêt Château Yquem de février 1999, et un arrêt plus récent en date du 23 octobre 2007, s'agissant de l'exclusion d'un associé d'une Société par action simplifiée (SAS) qui apporte une restriction à la libre révocation du gérant : la haute juridiction vient rappeler que même si on peut prévoir l'exclusion du dirigeant de la SAS, il doit quand même participer à l'assemblée générale et doit voter concernant son exclusion. Il semble donc que la libre révocabilité du gérant de la société civile ne soit pas également transposée pour toutes les sociétés. L'interprétation semble aller vers une libéralisation du droit des sociétés à première vue, toutefois, il existe des règles à respecter. [...]
[...] Le problème qui se posait alors à la haute juridiction était le suivant : est-il possible de déroger aux dispositions de l'article 1851 concernant la révocation du gérant ? La Cour de Cassation précisera dans un attendu de principe que, sauf disposition contraire des statuts, le gérant est révocable par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts. Elle ajoute qu'en limitant ainsi les possibilités statutaires de dérogation à la seule différence de majorité, la cour d'appel a violé le texte susvisé. [...]
[...] Cour de cassation, troisième chambre civile janvier 1999 - la révocation du gérant Commentaire de l'arrêt de la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation du 6 janvier 1999. Référence Article 1851 Sauf disposition contraire des statuts le gérant est révocable par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts. Le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé. [...]
[...] La Cour de cassation, même dans des sociétés où la liberté contractuelle est très large, doit continuer à faire respecter certaines règles. [...]
[...] Faut-il aller vers une protection de la stabilité des dirigeants sociaux de société en favorisant l'octroi de dommages-intérêts et la recherche de justes motifs ou faut-il aller vers une plus grande libéralisation en favorisant la révocabilité ad nutum ? Si la reconnaissance du droit à indemnité en cas de révocation sans juste motif vise nécessairement à assurer une certaine indépendance dans l'exercice des fonctions, l'arrêt en présence montre une certaine volonté de libéralisation de la part de la Haute Juridiction. On peut dire que cette interprétation libérale tend à favoriser l'aspect contractuel du droit des sociétés. Elle peut cependant être nuancée et limitée. [...]
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