Sans clientèle, il ne peut y avoir de fonds de commerce, c'est la condition d'existence de celui-ci. Cette clientèle doit être personnelle à l'exploitant du fonds, et cela peut poser des problèmes lorsqu'on se trouve dans le cas d'une distribution intégrée, est-ce que le distributeur a une clientèle distincte de celle de son fabriquant lui permettant d'être le propriétaire de son fonds et donc de prétendre au statut des baux commerciaux ?
En l'espèce, les propriétaires d'un local à usage commercial l'ont donné à bail à une société. En 1979, le même contrat est renouvelé au profit d'une autre société qui a souscrit en 1986 un contrat de franchise. En 1987, les propriétaires notifient au preneur leur refus de renouvellement du bail et de paiement d'une indemnité d'éviction.
Le problème juridique est donc ici de savoir si le locataire franchisé dispose d'une clientèle propre et serait donc propriétaire d'un fonds de commerce qui lui donnerait droit au renouvellement de son bail ou au paiement d'une indemnité d'éviction.
[...] Les bailleurs se pourvoient donc en cassation, ils contestent notamment que le locataire franchisé puisse être propriétaire d'un fonds de commerce dès lors qu'il ne démontrait pas avoir développé une clientèle propre indépendante de l'attrait exercé par la marque du franchiseur. Le problème juridique est donc ici de savoir si le locataire franchisé dispose d'une clientèle propre et serait donc propriétaire d'un fonds de commerce qui lui donnerait droit au renouvellement de son bail ou au paiement d'une indemnité d'éviction. [...]
[...] ] : sans fonds du franchisé, pas de création de clientèle pour le franchiseur, et, sans franchiseur, pas de clientèle pour le franchisé La Cour de cassation affirme clairement, dans son arrêt du 27 mars 2002, qu'il existe une clientèle partagée entre le franchiseur et le franchisé. Suivant en cela certains auteurs sans toutefois aller aussi loin que ces derniers qui considéraient que la clientèle du franchiseur était uniquement constituée des seuls franchisés, les Hauts magistrats distinguent la clientèle nationale, attachée à la marque, qui appartient au franchiseur, et la clientèle locale, celle du franchisé, qu'il crée et développe par l'utilisation des moyens dont il dispose, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce (matériel, stock) et l'élément incorporel que constitue le bail. [...]
[...] Au même titre que l'emplacement de l'immeuble où est exploité le fonds, l'usage d'une marque représente un potentiel de clientèle que le professeur Derruppé avait proposé de dénommer achalandage pour la distinguer de la clientèle globale qui résulte de la mise en œuvre des divers éléments du fonds et de son exploitation par le franchisé. En outre, l'arrêt confirme qu'il n'est pas nécessaire d'être propriétaire de la marque pour pouvoir se voir reconnaître la propriété de la clientèle résultant de sa mise en œuvre intégrée avec les autres éléments du fonds. Il suffit d'en avoir la maîtrise juridique conférée par le contrat qui unit le franchiseur et le franchisé. [...]
[...] En définitive, on adhérera volontiers à la position qui ressort de l'arrêt commenté, considérant que la clientèle est créée par l'activité du franchisé. C'est bien cette mise en œuvre personnelle des divers éléments disponibles (marque, enseigne, local, mais aussi matériel, marchandises . ) qui fait naître la clientèle personnelle au franchisé, constitutive d'un fonds de commerce dont il est propriétaire. La prise en compte du risque économique et financier assumé par le franchisé, sur lequel étaient essentiellement fondés les arrêts de la Cour d'appel de Paris en octobre 2000, trouve ici naturellement sa place au renfort de l'argument selon lequel ce sont l'activité personnelle du franchisé, ses diligences, son aptitude au commerce, son talent dans la mise en œuvre des éléments porteurs d'une clientèle potentielle, qui permettent de lui reconnaître une clientèle propre. [...]
[...] La Cour de cassation semble revenir sur la notion classique du fonds de commerce : la propriété d'un fonds de commerce n'exige pas la propriété des éléments d'attrait de la clientèle, mais leur maîtrise économique et juridique. Ainsi, c'est l'œuvre du franchisé dans l'utilisation, l'affectation, l'assemblage des divers éléments facteurs d'achalandage qui transforment ces éléments en un ensemble structuré créateur de clientèle qu'il exploite à ces risques et périls. L'arrêt présent montre donc l'aboutissement et surtout la confirmation d'un cheminement jurisprudentiel qui est passé d'un refus à une acceptation de l'existence d'une clientèle propre à un commerçant intégré, celui-ci devra néanmoins prouver une gestion autonome pour se voir reconnaître la propriété du fonds de commerce. [...]
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