Le droit de rétention est une garantie particulièrement efficace en raison notamment de la large opposabilité aux tiers qui lui est reconnue. L'arrêt rendu le 29 septembre 2009 par la première chambre civile de la Cour de cassation la renforce davantage. En l'espèce, la société SEA avait vendu à la société Helca, trois camping-cars, celle-ci les ayant revendus à trois particuliers, M.X, Y et Z. Si ces derniers en avaient régulièrement payé le prix, la société Helca elle, ne recouvra jamais sa dette auprès de la société SEA, d'autant qu'elle fit l'objet d'une liquidation judiciaire, clôturée pour insuffisance d'actif.
La société SEA n'ayant pas été payée décida d'exercer un droit de rétention sur les papiers administratifs des véhicules, empêchant ainsi les sous-acquéreurs d'en user. C'est pour cette raison que M. Y rejoint par M. Z décida d'engager une action contre la société SEA afin qu'elle cesse de retenir ces documents. C'est là une question importante dans la mesure où les hypothèses de transferts dissociés du principal et des accessoires que constituent les documents administratifs ne sont pas rares, spécialement en matière automobile.
Le juge devra déterminer si l'exercice d'un droit de rétention peut être constitutif d'un abus de droit lorsque le débiteur est dans l'incapacité d'honorer sa créance et qu'il est opposé au tiers de bonne foi.
[...] Inutile et contestable, la qualification de droit réel est encore incohérente. Elle jure avec d'autres aspects du régime juridique de cette garantie. Par exemple, avec l'affirmation jurisprudentielle selon laquelle, lorsqu'il porte sur un immeuble, le droit de rétention n'a pas à être publié pour être opposable aux créanciers hypothécaires, ou de celle selon laquelle le droit de rétention n'est pas une sûreté. La qualification de droit réel a certainement des vertus rassurantes et l'abandonner en assumant ce qu'est exactement le droit de rétention va entraîner la Cour de cassation sur un terrain moins ferme comme le souligne Nicolas Borga. [...]
[...] Or, le droit de rétention a pour but le recouvrement de la dette, on peut donc se demander où se trouve dès lors l'utilité de l'exercice du droit de rétention. En l'espèce, il semble assez peu probable que les sous-acquéreurs qui subissent cet exercice, acceptent de payer une deuxième fois le prix, si on ne tient pas compte de la marge qu'avait dû appliquer le revendeur. En effet, ce sont les seuls qui pâtissent de la rétention. On pourrait presque faire intervenir ici la notion de faute. Après tout, on pourrait dire que les sous-acquéreurs n'avaient qu'à attendre d'avoir tous les documents en main avant de payer le prix. [...]
[...] La clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs ne pouvait ici jouer aucun rôle. En effet, si le créancier rétenteur ne peut prétendre reprendre les poursuites à l'encontre de son débiteur dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actifs, la créance sur laquelle s'appuie le droit de rétention, n'est en elle-même pas atteinte. Bien que fondée sur l'affirmation contestable et inutile selon laquelle le droit de rétention serait un droit réel, la solution inédite semble-t- il est convaincante selon le professeur Aynès. [...]
[...] La solution de la Cour de cassation, plus que par la notion de droit réel, se justifie par le fait que le droit de rétention s'analyse en un moyen matériel qui consiste à garder la chose jusqu'à ce qu'on soit payé. En d'autres termes, lorsque la Cour d'appel parle de moyen de pression qui s'exerce sur les tiers, elle semble avoir raison et le droit de rétention apparaît plus comme un moyen pour le créancier de récupérer les sommes dues que comme une façon d'encourager le débiteur à payer. [...]
[...] Cela nuit à l'édification d'un régime cohérent de la rétention. Cet arrêt contribue à renforcer l'efficacité du droit de rétention, plus exactement du droit de rétention fictif, c'est-à-dire celui qui ne porte pas directement sur le bien corporel qui en est l'objet, mais sur un document qui le représente. II. Le renforcement de l'efficacité du droit de rétention fictif La Cour d'appel avait en effet justifié la condamnation de la société SEA en ce qu'elle aurait commis un abus de droit, c'est-à-dire qu'elle aurait fait usage de son droit de rétention en retenant des documents administratifs, en dehors de sa finalité ou en vue de nuire à autrui. [...]
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