La responsabilité d'un commettant du fait de l'un de ses préposés est engagée lorsqu'est vérifiées deux conditions, à savoir un lien de préposition et un fait dommageable du préposé qui se rattache à ses fonctions de préposé. La seconde condition pose problème lorsque le préposé se trouve sous les ordres de plusieurs commettants. La jurisprudence a fait parfois preuve d'originalité pour résoudre ces difficultés et l'arrêt que la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le 13 mars 2001 a opté pour une voie singulière qui mérite notre attention.
Cette solution remarquable se construit autour de faits originaux : en l'espèce, X, un gynécologue obstétricien, est lié par un contrat d'exercice libéral à une clinique. Procédant à une intervention chirurgicale sur une patiente dans les locaux de cette clinique, il fut blessé en raison de fautes commises par la panseuse, préposée de la clinique, dans la manipulation de la table mobile d'opération (appartenant aussi à la clinique). La victime assigne la clinique en réparation du dommage subi.
Le lien de préposition, au moment de l'intervention, liait-il le gynécologue et la panseuse ?
[...] Un raisonnement équivoque de la part de la Cour de cassation Pour engager la responsabilité du commettant, il faut établir un lien de préposition entre celui-ci et le fautif. Ce lien de préposition suppose un lien de subordination que la Cour a précédemment défini comme le pouvoir de donner des ordres ou instructions à une personne qui accepte de s'y soumettre Il peut être fondé sur un contrat (lien de préposition de nature juridique) ou être purement factuel (on parle alors de préposé occasionnel). [...]
[...] La panseuse fautive est donc à la fois préposée habituelle de la clinique et préposée occasionnelle du praticien. En reprenant Flour, Aubert et Savaux, il s'agissait dès lors pour la Cour de savoir de quelle nature était l'activité au cours de laquelle la panseuse a causé le dommage. La Cour de cassation, dans son rappel des faits, insiste particulièrement sur le fait que l'intervention chirurgicale se déroulait dans les locaux de la clinique d'une part, et d'autre part que la table mobile d'opération lui appartenait. [...]
[...] La Cour, pourtant, n'a pas considéré que la responsabilité fût de nature contractuelle et est restée sur le plan délictuel. En opérant alors son fractionnement du lien de préposition, la Cour, en plus de complexifier la situation comme nous l'avons expliqué, effectue un raisonnement faussé et regrettable, comme l'explique Patrice Jourdain en ces termes une analyse contractuelle de la situation aurait au moins été de nature à évincer la difficulté liée à la pluralité de commettants possible d'un même préposé Cela, toutefois, ne change en rien la solution de la Cour de cassation, si ce n'est qu'elle va à l'encontre d'une logique nécessaire au juriste . [...]
[...] En l'espèce, le commettant habituel, la clinique, aurait transmis l'autorité au commettant occasionnel, le gynécologue (dans le cadre de l'intervention chirurgicale). De fait, la responsabilité devrait peser sur ce dernier. La Cour, dans un premier temps, confirme cette idée : le médecin répond des fautes commises au préjudice des patients par les personnes qui l'assistent lors d'un acte médical Celui-ci deviendrait alors le commettant occasionnel du personnel qui a été mis à sa disposition par la clinique et la Cour accepterait ainsi que le lien d'autorité soit déplacé. [...]
[...] La Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi de la clinique. Elle opère pour cela un raisonnement original en considérant que si effectivement, en raison de l'indépendance professionnelle du gynécologue, celui-ci doit répondre des fautes commises au préjudice des patients par les personnes qui l'assistent lors d'un acte médical d'investigation ou de soins, alors même que ces personnes seraient les préposés de l'établissement de santé où il exerce il n'en va pas de même lorsque la victime est le gynécologue lui-même. [...]
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