La responsabilité des dirigeants sociaux envers les tiers est une responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle qui se fonde sur les articles 1382 et suivants du Code Civil. Cette responsabilité personnelle des dirigeants demeure néanmoins exceptionnelle dans la mesure où les victimes préfèrent s'adresser directement à la société, présumée plus solvable. La notion de faute détachable de l'exercice des fonctions, dégagée par la jurisprudence, a longtemps conduit la Cour de cassation à exonérer largement les dirigeants sociaux, même lorsqu'ils s'étaient rendus coupables de graves fautes de gestion. L'arrêt rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de cassation le 20 mai 2003 présente un intérêt réel puisqu'il revient sur cette indulgence première en définissant la faute séparable des fonctions du dirigeant social.
La gérante d'une SARL cède à un fournisseur, en paiement d'une livraison de matériaux, deux créances qu'elle a antérieurement cédées à un établissement de crédit. Le fournisseur assigne la gérante en réparation du préjudice résultant du défaut de paiement des créances cédées.
La Cour d'appel de Saint Denis de la Réunion accueille sa demande par l'arrêt du 4 mai 1999. La gérante se pourvoit en cassation.
Au soutien de son pourvoi, la gérante reproche à la Cour d'appel de ne pas avoir caractérisé l'existence d'une faute personnelle séparable de ses fonctions de dirigeant social, et d'avoir ainsi violé l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966 (devenu l'article L.223-22 du Code de Commerce).
La Cour de Cassation rappelle le principe selon lequel « la responsabilité du dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions » pour ensuite définir celle-ci : il s'agit d'une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
Nous pouvons dès lors nous interroger sur la consistance de la définition proposée et sur ses effets.
La Cour de cassation, par l'arrêt du 20 mai 2003, rejette le pourvoi ainsi formé en formulant une définition – quelque peu subjective – de la faute séparable des fonctions du dirigeant social.
[...] Cet arrêt revient sur l'indulgence première des juges qui retenaient jusqu'alors une conception étroite de la faute séparable des fonctions du dirigeant social. Le dirigeant n'était en effet pas responsable à l'égard des tiers de fautes qu'il avait commis volontairement (Cass.Com.27 janvier 1998) ou d'omissions graves (absence d'autorisation du Conseil d'Administration, Cass.Com.20 octobre 1998). Cette quasi-immunité s'expliquait par le fait que les fautes du dirigeant étaient commises dans l'intérêt social. Tel n'est plus le cas en l'espèce. La gérante semble avoir agi dans l'intérêt social ; sa responsabilité personnelle est néanmoins retenue. [...]
[...] L'arrêt rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation le 20 mai 2003 présente un intérêt réel puisqu'il revient sur cette indulgence première en définissant la faute séparable des fonctions du dirigeant social. La gérante d'une SARL cède à un fournisseur, en paiement d'une livraison de matériaux, deux créances qu'elle a antérieurement cédées à un établissement de crédit. Le fournisseur assigne la gérante en réparation du préjudice résultant du défaut de paiement des créances cédées. La Cour d'appel de Saint Denis de la Réunion accueille sa demande par l'arrêt du 4 mai 1999. [...]
[...] Il faut également noter, bien qu'elle ait été rendue sur la base de l'ancienne définition de la faute détachable, une jurisprudence de la Cour d'appel de Versailles du 17 janvier 2002 qui estime que constitue une faute séparable des fonctions du dirigeant social le fait, pour un président de Conseil d'Administration, d'avoir, dans son intérêt personnel, intentionnellement trompé les actionnaires sur la valeur réelle des actions. Il faut maintenant attendre des définitions plus concrètes de la faute séparable des fonctions du dirigeant social. [...]
[...] Si la Cour de cassation confirme l'exigence d'une faute séparable des fonctions du dirigeant social pour que les tiers puissent mettre en œuvre sa responsabilité, elle diffère néanmoins quelque peu du pourvoi d'un point de vue purement formel. Ce dernier évoquait l'existence d'une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement Le second élément de la formule, l'exigence d'une faute personnelle, ne se retrouve pas dans l'attendu de principe de la Cour de Cassation. Doit-on en déduire que la faute séparable des fonctions du dirigeant social peut ne pas être personnelle ? Une réponse négative s'impose. [...]
[...] La Cour de Cassation précise que la gérante a volontairement trompé son fournisseur, ce qui lui a permis de bénéficier de livraisons qu'elle n'aurait probablement pas obtenues sans de telles manœuvres. Le caractère intentionnel de la faute détachable devrait ainsi permettre de protéger efficacement les dirigeants contre les actions que les tiers souhaiteraient exercer contre eux pour des fautes commises par imprudence ou par négligence dans l'exercice de leurs fonctions. En revanche, les deux autres éléments, d'une part l'exigence d'une faute d'une particulière gravité, d'autre part l'exigence d'une faute incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, sont beaucoup plus subjectifs. [...]
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