Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019 - Le dénigrement fautif entre commerçants

Extraits

[...] Un pourvoi en cassation est formé. La Cour d'appel a motivé son choix en expliquant que « le caractère non objectif, excessif ou dénigrant, voire mensonger, des informations communiquées ( . ) n'est pas démontré. », et ce malgré le fait que l'information donnée par la société distributrice ne se fonde que sur un acte de poursuite, et que l'action en contrefaçon a été rejetée le 27 juin 2013 et confirmée le 27 janvier 2015  Les juges du fond ont donc considéré que le comportement de la société distributrice n'est pas fautif, ce que conteste la société de droit étranger. [...]

[...] La consécration des « agissements dénigrants » en matière de concurrence déloyale La Cour de cassation joue son rôle de protecteur et de régulateur de la liberté d'entreprendre en utilisant le mécanisme de responsabilité civile extracontractuelle pour fonder sa décision A. Une protection de la liberté d'entreprendre Depuis longtemps, la Cour de cassation sanctionne l'abus dans l'exercice de la liberté d'entreprendre. Cette dernière résulte de la loi d'Allarde de 1791, qui institue la liberté de commerce et d'industrie. Néanmoins, celle- ci souffre de limites, législatives (minorité) ou conventionnelles (clauses de non-concurrence), mais aussi par son abus. [...]

[...] Le régime juridique des « agissements dénigrants » La Cour de cassation, dans son attendu conclusif, harmonise le régime juridique du dénigrement fautif. Il en explicite les conditions qui le caractérisent mais aussi les conditions d'exonération A. La sanction du dénigrement fautif comme limite de la liberté d'expression La Cour de cassation a jugé cette affaire au visa de l'article 10 de la CEDH, qui consacre « la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées » et dispose à son alinéa 2 : « L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi ». [...]

[...] Cour de cassation, chambre commerciale janvier 2019 – Le dénigrement fautif entre commerçants La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 9 janvier 2019 portant sur le dénigrement fautif entre commerçants. En l'espèce, une société fabrique des meubles de jardin, qui sont distribués par une autre société. La société fabricante a assigné en justice une société étrangère en contrefaçon le 6 août 2012 et que le 29 août 2012, la société chargée de distribuer les meubles de jardin a organisé une campagne de dénigrement en publiant l'acte de poursuite engagée par la société fabricante aux clients de la société étrangère. [...]

[...] Dès lors, trois conditions semblent se dégager. Tout d'abord, la divulgation de l'information doit se rapporter à un sujet d'intérêt général notion extrêmement large puisqu'elle s'adapte aux besoins de la Société dans le temps et dans l'espace, on peut citer la protection de la Santé Publique (1re Civ juillet 2018) ou la protection de l'environnement (Cour d'appel de Versailles février 1990). Ensuite, et là réside l'apport de l'arrêt, le dénigrement doit faire l'objet d'une base factuelle suffisante, et la Cour de cassation s'est servie de ce critère pour écarter l'acte de poursuite comme base factuelle suffisante. [...]