Si l'adage « Emptor debet esse curiosus » (l'acheteur doit être curieux) créant une obligation de se renseigner a longtemps prévalu en matière contractuelle, cette obligation semble inversée aujourd'hui. Prenant conscience de ce que l'inégalité dans l'information peut, tout autant que l'inégalité économique, nuire à l'équilibre du contrat, la jurisprudence a progressivement imposé à certains contractants l'obligation d'informer leur partenaire. C'est ce dont il est question dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 février 2009.
En l'espèce, une société de boulangerie-pâtisserie avait vendu du matériel de boulangerie à une autre société. Par la suite, cette dernière s'est plainte de la défectuosité du matériel et a assigné la société vendeuse en résolution de la vente.Le tribunal de commerce de Bricy statuant en référé à l'aide d'un expert, a considéré le 7 décembre 2000 que l'action en résolution pour vices cachés était infondée donc ne donnait pas lieu à l'allocation de dommages et intérêts.
Se posait ainsi à la Cour la question de savoir si le manquement par le vendeur à ses obligations d'information et de conseil pouvait justifier la résolution de la vente ? Et dans quelles mesures ?
[...] La sécurité juridique est un principe du droit qui a pour objectif de protéger les citoyens contre les effets secondaires négatifs du droit, en particulier les incohérences ou la complexité des lois et règlements, ou leurs changements trop fréquents. Ce principe est constamment recherché dans tout type de contrat. Finalement, en faisant du manquement à l'obligation d'information et de conseil du vendeur une cause suffisamment grave de résolution de la vente, la Cour permettra peut-être à l'acheteur de se voir accorder des dommages et intérêts. [...]
[...] La Cour considère alors que l'obligation d'information et de conseils pesait bien sur le vendeur, il devait fournir les informations que la société ignorait. Ce n'est pas une nouveauté dans son répertoire puisqu'elle statue dans ce sens depuis de nombreuses années. Elle statuait déjà en ce sens dans un arrêt de la première chambre civile du 23 avril 1985 où le vendeur avait manqué à son obligation d'information sur les conditions d'emploi d'un produit ainsi que des précautions à prendre. [...]
[...] Les documents rapportés n'avaient pas été considérés suffisamment pertinents par la Cour d'appel afin de caractériser un manquement à l'obligation d'information et de conseil du vendeur. En revanche, la Cour de cassation a préféré trancher en faveur d'un manquement. Elle peut s'attacher aux parties (savoir si celles-ci sont professionnelles ou non). Puis elle peut s'attacher à la chose elle-même (sa complexité, l'intensité de la défectuosité), puis elle peut vérifier les stipulations du contrat pour analyser l'intensité des dispositions utilisées pour éventuellement informer l'acheteur. [...]
[...] La Cour de cassation renvoie dans le cas d'espèce l'affaire devant la Cour d'appel (pour la seconde fois), afin que les juges du fond tranchent. Elle considère que le manquement étant suffisamment grave, il justifie une action en résolution du contrat, et s'attend donc à ce que la Cour d'appel aille dans son sens. L'article 1184 du Code civil ajoute que Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts La partie lésée ne pouvait de toute façon forcer la convention puisque le matériel était défectueux. [...]
[...] S'agissant de l'objet, si la chose vendue relève d'une technologie complexe ou présente un caractère dangereux, l'obligation d'information devra être d'autant plus précise. C'est le cas dans le domaine des biens informatiques. Dans un arrêt du 1er décembre 1992, la Cour de cassation a pu considérer que le vendeur doit aider son client à exprimer ses besoins dans le cadre de l'élaboration d'un cahier des charges. En l'espèce, la Cour considère que la gravité était telle qu'on pouvait caractériser un manquement à une obligation nécessaire à la validité du contrat de vente. [...]
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