Cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail
« Les conventions réglementées apparaissent ainsi comme le seul mode français explicite de prévention des conflits d'intérêts. Ces dispositions sont pourtant loin de couvrir toutes les situations possibles de conflits d'intérêts, qui peuvent affecter la plupart des actes d'un dirigeant social ou des votes d'un associé » . Ce constat du Professeur Vatinet est survenu au lendemain de la loi NRE de 2001. Or depuis, différentes lois sont intervenues et l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 juillet 2009 offre l'occasion de faire le point sur la situation actuelle de la jurisprudence, notamment quant à la situation du cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail qui peut soulever des conflits d'intérêts.
En l'espèce, M. Hérail et la société Havas conseil en 1984, puis la société Havas à compter du 8 janvier 1991, concluent un contrat de travail dont l'objet est l'exercice de la fonction de directeur général adjoint puis celle de directeur financier. Quelques années plus tard il devient mandataire social en la qualité de directeur général délégué de la société tout en continuant d'exercer, en tant que salarié, les fonctions de directeur financier. Suite à un changement d'actionnaire survenu en 2005, la société met fin en juin 2005 au mandat de son directeur général délégué, avant de le licencier au mois de novembre de ses fonctions de directeur financier. Celui-ci demande alors le paiement d'un certain nombre d'indemnités tant au titre de la rupture de son contrat de travail, qu'au titre de la révocation de son mandat social.
Se fondant sur la procédure des conventions réglementées la société tente sans succès devant les juges du fond, de remettre en cause son obligation de lui verser les indemnités de rupture et le bonus 2005. Elle se pourvoit donc en cassation selon principalement deux moyens (les autres ne nous intéressant pas). Dans le premier, elle soutient que « les conventions bénéficiant à un mandataire social peuvent voir leur nullité couverte par un vote de l'assemblée générale intervenant sur rapport spécial des commissaires aux comptes, qu'en l'absence d'un tel vote, elles ne peuvent être opposées à la société », et qu'en la déboutant de sa demande en remboursement des sommes perçues au titre de l'exécution en 2005 de son mandat social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 225-38 et L 225-42 du Code de commerce. Dans le second, la société faisait valoir que l'assemblée n'ayant pas approuvé la convention réglementée, il s'en inférait nécessairement un préjudice pour la société, et qu'ainsi en la déboutant de sa demande de remboursement d'une indemnité versée au titre de du mandant social, la cour d'appel a violé l'article L 225-41 du Code de commerce.
La question posée à la Cour de cassation était donc de savoir si la procédure des conventions réglementées, dans le cas d'un cumul d'un contrat de travail avec un mandat social, doit s'appliquer à l'ensemble des rémunérations du dirigeant salarié.
La chambre sociale de la Cour de cassation répond par l'affirmative, cette solution relevant plus du silence de la Cour que des motifs similaires avancés aux deux moyens de la société selon lesquels : « le seul défaut d'approbation par l'assemblée générale d'une convention souscrite entre la société et un de ses mandataires sociaux n'est pas, en soi, de nature à la priver d'effet mais ouvre seulement à la société la possibilité d'exercer contre son cocontractant une action en responsabilité ».
[...] Toutefois, il reste à souligner que cet arrêt ne peut conduire à une fixation de la rémunération des dirigeants sociaux par l'assemblée générale en substitution au conseil d'administration. En effet, Il pourrait ainsi être envisagé que toutes les décisions du conseil relatives à la fixation de ces rémunérations soient portées systématiquement à la connaissance de l'assemblée des actionnaires et soumises à son approbation ce qui répondrait au souci de plus grande clarté les concernant cherchée tant par les actionnaires que par le législateur. Or, le conseil d'administration reste seul compétent et ne peut déléguer son pouvoir à l'assemblée. [...]
[...] Com novembre 1977, Bull. civ. IV n°276 Professeur Poracchia, Revue des sociétés 2009 p Professeurs Magnier et Paclot, Bulletin Joly Sociétés décembre 2009 12, P Professeurs Magnier et Paclot, Bulletin Joly Sociétés décembre 2009 12, P. [...]
[...] En l'espèce, l'assemblée générale ayant refusé d'approuver le package 2005 celle-ci faisait valoir que les conventions bénéficiant à un mandataire social peuvent voir leur nullité couverte par un vote de l'assemblée générale intervenant sur rapport spécial des commissaires aux comptes, qu'en l'absence d'un tel vote, elles ne peuvent être opposées à la société Ainsi, de manière étonnante, la société se place sur le terrain de l'article L 225-42 dans son deuxième moyen, c'est-à-dire l'annulation des conventions en cas d'absence d'autorisation préalable du conseil d'administration. Or, cette argumentation est pour le moins étonnante. D'une part, l'autorisation préalable du conseil à la convention a été donnée, le moyen tiré de l'article L225-42 n'avait donc que peu de chance d'aboutir. D'autre part, les conventions conclues sans autorisation préalable du conseil, soit que celui-ci n'ait pas été consulté, soit qu'il ait refusé de donner son autorisation, peuvent être annulées mais seulement si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société. [...]
[...] Le conseil d'administration dispose donc d'un véritable monopole sur lequel l'assemblée d'actionnaire n'a pas de pouvoir, sauf cas de fraude. Par conséquent, en l'espèce, l'action qu'il eut convenu d'intenter était une action en nullité, mais alors il aurait fallu pouvoir démontrer que le versement des rémunérations en cause causait un préjudice à la société, ce que la société Havas ne semblait pas en mesure d'établir Ainsi, par un premier moyen pour le moins critiquable, il a été permis à la Cour de cassation de réaffirmer la procédure des conventions réglementées et la place que doit occuper l'assemblée générale au sein de celle-ci. [...]
[...] Dans le second cas, la rémunération versée au titre du mandat social échappe à la procédure des conventions réglementées. Elle relève de la compétence exclusive du conseil d'administration (article L 225-63 du Code de commerce), les décisions unilatérales du conseil n'étant pas soumises au contrôle (article L 225-53 Code de commerce pour les directeurs généraux). En l'espèce, le comité des rémunérations et de sélection de la société a fixé le 5 avril 2005 l'ensemble des éléments composant sa [celle du directeur général délégué salarié] rémunération pour l'année 2005, notamment le bonus c'est-à-dire la rémunération des fonctions salariées. [...]
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