Le caractère abstrait de l'engagement cambiaire résultant d'une lettre de change nécessite la mise en place d'un formalisme protecteur. A ce titre, le législateur a prévu, à l'article L.511-1 du Code de commerce, les mentions devant figurer sur l'effet de commerce afin de lui reconnaitre la qualité de lettre de change. La jurisprudence est venue par la suite préciser, voire moduler, la teneur des exigences formelles de l'article L.511-1. C'est le cas de l'arrêt rendu le 3 avril 2002 par la chambre commerciale de la Cour de cassation.
En l'espèce, deux lettres de change sont demeurées impayées à leur échéance, à cause de la mise en liquidation judiciaire de la société qui était à la fois tireur et bénéficiaire des lettres. Ces dernières contenaient tant au recto qu'au verso le cachet et la signature du gérant. La banque qui a escompté les deux lettres, assigne le gérant, caution de la société en exécution de son engagement cambiaire.
La Cour d'appel a condamné le gérant au versement des sommes dues. Le gérant de la société débitrice forme un pourvoi en cassation, dans lequel il affirme la nullité des lettres de change litigieuses, aux motifs que le nom du bénéficiaire faisait défaut, en contrariété avec les dispositions de l'article L.511-1 du Code de commerce.
Le problème de droit posé à la Cour de cassation est donc le suivant : l'identification du bénéficiaire d'une lettre de change peut-elle résulter du cachet de la société tireur tant au recto qu'au verso accompagné de la signature du gérant ?
La Cour suprême a décidé, dans son arrêt du 3 avril 2002, que le cachet de la société accompagné de la signature du gérant suffit à l'identification du bénéficiaire des effets de commerce, ainsi validés.
Cette décision de la chambre commerciale explicite donc à la fois l'assouplissement des conditions de désignation du bénéficiaire d'une lettre de change (I), ainsi que la différence de valeur existant au sein des mentions obligatoires d'une lettre de change (II).
[...] La Cour suprême a décidé, dans son arrêt du 3 avril 2002, que le cachet de la société accompagné de la signature du gérant suffit à l'identification du bénéficiaire des effets de commerce, ainsi validés. Cette décision de la chambre commerciale explicite donc à la fois l'assouplissement des conditions de désignation du bénéficiaire d'une lettre de change ainsi que la différence de valeur existant au sein des mentions obligatoires d'une lettre de change (II). I. Les conditions assouplies de la désignation du bénéficiaire de la lettre de change Cet assouplissement est le fruit de l'indifférence nouvelle de la jurisprudence commerciale aux moyens permettant la désignation du bénéficiaire Cependant, la nécessité d'une indication certaine et dépourvue d'ambiguïté vient contrebalancer cette pondération. [...]
[...] En ce sens, la chambre commerciale a rendu le 6 juillet 1965, une décision selon laquelle le titre qui ne précise pas le nom de celui auquel, ou à l'ordre duquel le paiement doit être fait le paiement doit être fait est frappé de nullité en tant que lettre de change. La Cour de cassation appliquait alors de façon rigoureuse le formalisme protecteur qui encadre l'engagement cambiaire. L'arrêt du 3 avril 2002 rompt avec cette rigueur, dans le souci d'atténuer quelque peu la sanction d'une lettre de change souffrant d'une omission, avec l'idée de sauver le titre autant que possible. [...]
[...] En revanche, dans un arrêt du 12 novembre 1992, la chambre commerciale a pu admettre l'indication du bénéficiaire par le sigle SFF désignant sans incertitude ni ambiguïté la société française de factoring. Cependant, il est possible de penser que cette solution a été adoptée par la Cour de cassation alors que l'espèce s'y prêtait tout particulièrement. En ce sens, le tireur des lettres de change et leur endosseur n'étant qu'une seule et même personne, les parties en présence étaient connues préalablement à l'endossement. [...]
[...] En outre, lorsqu'une lettre de change ne mentionne pas le nom du tiré, sa qualification est remise en question. La sanction est alors la nullité du titre en tant que lettre de change. Mais malgré cela, le titre pourra valoir autre chose, si les énonciations sont suffisantes pour cela. La lettre privée de désignation du tiré vaut donc comme un billet à ordre. De même, la lettre de change qui perd sa qualité pour cause d'omission d'une mention obligatoire peur valoir comme commencement de preuve, par écrit, d'une reconnaissance de dette par acte sous seing privé. [...]
[...] En effet, l'importance moindre de la désignation du bénéficiaire par son nom peut s'expliquer par le fait qu'une lettre de change est constituée par le concours du tireur et du tiré. C'est pourquoi les exigences sont moins sévères pour désigner le bénéficiaire. Dans d'autres hypothèses également, les mentions obligatoires apparaissent comme flexibles. À ce titre, à défaut d'indication spéciale, le lieu désigné à côté du nom du tiré est à la fois le lieu de son domicile et le lieu du paiement de la lettre de change. [...]
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