Le sort des actes accomplis au cours de la période constitutive d'une société donne lieu à un abondant contentieux, dont cet arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 26 novembre 1996 est caractéristique.
Les faits étaient les suivants : une société dénommée « Création système », dont l'arrêt ne donne pas la forme statutaire, avait été constituée le 15 juin 1987, dont faisaient partie avec plusieurs autres associés les époux Chery. M. Malnory, agissant comme représentant de cette société, avait conclu avec les époux Lautier une convention le 17 novembre 1987 pour la construction d'un immeuble. Ce dernier avait été construit par la société, dont il convient de souligner qu'elle n'avait pas été immatriculée. Les époux Lautier, ayant constaté des malfaçons, ont mis en cause la société, qui a été placée en redressement judiciaire le 26 mai 1988. Ce n'est que 4 jours plus tard, à savoir le 30 mai de la même année, que la société a été immatriculée au registre du commerce.
Les époux Lautié ont assigné tous les associés, dont les époux Chery, en réparation du préjudice résultant des malfaçons affectant l'immeuble. La Cour d'appel de Bordeaux, par un arrêt infirmatif en date du 10 février 1994, a condamné les époux Chery à dédommager les époux Lautier solidairement avec les autres associés. Les époux Chery décident alors de se pourvoir en cassation.
La question posée au juge est une question de qualification des faits, dont découlent des effets juridiques concernant la responsabilité solidaire ou non des parties: la situation relevait-elle d'une société en participation, une société en formation ou une société créée de fait ?
[...] Jusqu'à cette immatriculation, des dépenses ne vont pas manquer d'être engagées à l'égard des tiers, dépenses qui en principe, durant la période de fondation, ne doivent constituer que des actes nécessaires. Or la société n'ayant pas encore à proprement parler d'existence juridique, la loi a estimé nécessaire de protéger les tiers amenés à contracter avec elle, en distinguant bien selon que les parties à l'opération juridique ont la qualité de fondateur, c'est-à-dire font partie d'une société en formation, ou bien la qualité d'associés, et font donc partie d'une société créée de fait. [...]
[...] Autrement dit, il ne s'agissait pas d'un acte nécessaire à la création de la société, mais d'un acte d'exploitation La société n'était donc plus en formation, mais créée de fait. Une telle conclusion n'est pas spontanément affirmée par l'arrêt, mais s'interprète relativement facilement eu égard au dispositif de celui- ci. Le juge n'analyse en effet les faits qu'à travers leur qualification en société créée de fait. Cette analyse est renforcée par le fait que la même chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 17 mai 1989, avait pu considérer qu'une société en formation dégénère en société créée de fait à partir du moment où des actes d'exploitation importante et de manière durable sont accomplis qui dépassent ce qui est nécessaire à la formation. [...]
[...] Si la Cour de cassation ne fait jamais mention dans son arrêt de la société créée de fait, mais de société en participation, les faits semblent rentrer sans équivoque dans le cadre de la première citée. Cela se fait de manière implicite, puisque l'expression n'est jamais employée dans l'arrêt, mais aussi parce que la décision de la Cour d'appel est cassée au visa de l'article 1872-1 alinéa 2 du Code civil, et donc seule l'expression société en participation apparaît dans le motif de droit. [...]
[...] L'apport de l'arrêt semble donc se situer plus au niveau des perspectives qu'il offre qu‘au niveau de sa solution. On peut facilement imaginer que l'invocation d'une société créée de fait dans le contexte précis d'une société en formation facilitera la démarche probatoire du tiers, en plus le prémunir contre d‘éventuelles insolvabilités ou de plusieurs associés. Sous réserve qu'il établisse la preuve d'un acte de la part de ceux-ci au sens de l'article 1872-2 du Code civil, il pourra exercer son recours contre un associé alors même que celui-ci n'est pas l'auteur de l'engagement souscrit. [...]
[...] L'arrêt ne le mentionne pas, mais il est possible de déduire de plusieurs éléments mentionnés en son sein qu'il devait s'agir d'une société civile immobilière, ce qui permet encore plus facilement de considérer que la société avait en réalité commencé à réaliser son objet social. Le commencement d‘une activité sociale et l‘absence d‘incidence d‘une immatriculation tardive Les observations développées précédemment laissaient peu de doute quant à la qualification des faits qu'il fallait opérer en l'espèce. Il est évident que la signature d'une convention de construction immobilière, et donc son exécution puisque les associés concernés sont assignés en réparation d'un préjudice résultant de malfaçons affectant l'immeuble, caractérisent pleinement un commencement de l'activité sociale et non une simple préparation de celle-ci. [...]
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