Cour de cassation, chambre commerciale, 25 juin 2013 - Un fichier informatique non déclaré à la CNIL doit-il être considéré comme illicite au point d'engendrer la nullité absolue du contrat de vente ?

Extraits

[...] Par conséquent, les clients concernés par la vente non déclarée peuvent agir en justice contre le vendeur, faire annuler le contrat, obtenir des dommages et intérêts. Ceci permet d'éviter que seul le cocontractant utilise sa nullité relative, puisque cela dépasse son unique intérêt. Le délai de prescription sera ainsi de 5 ans pour agir en annulation, et l'acheteur ne pourra détourner les demandes des clients par confirmation de l'acte. Il serait par ailleurs judicieux de se demander si la Cour de cassation ne surpasse-t-elle pas ses pouvoirs d'interprétation en instaurant une inédite sanction, ne se substitue-t-elle pas au législateur ? [...]

[...] La déclaration du fichier à la CNIL devient donc une condition sine qua non à la validité du contrat de vente. Ceci provoque des effets importants pesant sur les épaules du vendeur. Il serait judicieux de se replacer par ailleurs dans le contexte du domaine très concurrentiel du commerce de données. Ce déséquilibre ne profite-t-il pas trop aux acquéreurs du fichier, ne peuvent-ils pas s'en servir pour léser la partie vendeuse ? B'. Une solution paradoxale et inopportune dans ce domaine très concurrentiel Il est nécessaire de placer cette décision dans le cadre du droit du commerce des données. [...]

[...] L'illicéité du fichier informatique par son absence de déclaration à la CNIL entraîne la nullité absolue du contrat de vente. Une décision du 7 novembre 2000 de la Cour de cassation avait déclaré la validité d'un contrat de cession de clientèle (patientèle) pour la première fois, cependant ces contrats sont extrêmement restreints pour protéger les intérêts des clients. Ils sont assujettis à la nullité absolue dès lors que l'objet du contrat est illicite. Cette consécration d'une nouvelle nullité absolue entend ôter toute valeur à un commerce sous-terrain de fichiers non déclarés et protéger des intérêts tous azimuts. [...]

[...] Toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant, dans les conditions fixées par la présente Ainsi, cette loi constitue le rempart contre l'atteinte aux libertés individuelles de la clientèle et à la sécurité du commerce des données. Auparavant obsolète, cette loi fait désormais figure de règle primordiale grâce à la sanction inédite consacrée par l'arrêt étudié. En effet, elle devient un nouvel enjeu déterminant pour les entreprises ou professionnels du commerce de données. Ils doivent donc en tenir compte sous peine de nullité absolue de tout le contrat de vente. [...]

[...] Cependant, l'erreur d'oublier une déclaration du fichier à la CNIL provoque l'annulation du contrat de vente. Ceci entraîne une restitution du prix par le vendeur, et une restitution du fichier par l'acquéreur. Mais la restitution simple du fichier de clientèle n'est assortie d'aucune garantie pour le vendeur, que l'acquéreur n'a pas conservé les noms ou bien utilisé le fichier. Ainsi, une entreprise concurrente en connaissance de l'erreur de l'entreprise vendeuse peut s'engouffrer dans cette brèche pour en profiter. La rivale peut alors faire illusion d'acquérir le fichier au prix fort, mais par la suite demander l'annulation du contrat, se voir recouvrir sa somme d'achat et conserver pernicieusement les noms des clients. [...]