La jurisprudence a pendant longtemps conduit à une irresponsabilité civile de fait des dirigeants et gérants sociaux. Les critiques doctrinales ont fort heureusement porté leurs fruits, comme en témoigne l'arrêt du 25 janvier 2005 rendu par la chambre commerciale.
En l'espèce, le gérant de la société Chrysos se rend coupable de contrefaçon de la marque « les Diamantines » pendant plusieurs années et cause un dommage à la société les diamantines, fixé à 400 000 euros par jugement irrévocable du 23 décembre 1996. Au même moment, la société est dissoute et le gérant était nommé liquidateur sans en informer la société. Devant l'insolvabilité de la société, la victime intente une action en responsabilité civile à l'encontre du gérant. La cour d'appel accueille sa demande en qualifiant les agissements du gérant de faute détachable de ses fonctions. Le gérant forme alors un pourvoi en cassation. Sur le premier moyen, il considère que la Cour d'appel n'a pas constaté que ces fautes étaient bien séparables de ses fonctions et lui seraient imputables personnellement. Sur le second moyen, il estime que la Cour d'appel a violé l'art. 1382 du Code civil dans la mesure où il n'y aurait aucun lien de causalité entre la première faute de gestion ainsi que la seconde et le préjudice subi.
La commission d'actes de contrefaçon pendant plusieurs années par le gérant d'une société constitue-t-elle une faute séparable de ses fonctions ? Les fautes de gestion du gérant étaient-elles à l'origine du dommage causé à la société ?
La chambre commerciale relève que le gérant avait commis des actes de contrefaçon de manière délibérée et persistante, pendant plusieurs années, malgré les mises en garde et en dépit des procédures judiciaires engagées. La Cour d'appel a donc à bon droit jugé qu'il avait intentionnellement commis des fautes d'une particulière gravité incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales et que ces fautes étaient donc séparables de ses fonctions de gérant. Le gérant engage donc sa responsabilité personnelle à l'égard de la société.
Sur le second moyen, la cour juge que la condamnation de l'un des responsables d'un préjudice à le réparer ne prive pas la victime de son intérêt à agir contre les autres responsables du même préjudice tant qu'elle n'a pas effectivement reçu réparation. En second lieu, la Cour d'appel a exactement retenu que ces fautes avaient été la cause du préjudice résultant de la contrefaçon et dont l'évaluation a été faite par le jugement de 1996.
L'arrêt à commenter n'offre donc qu'une illustration de la notion de faute détachable des fonctions de gérant. Il certifie néanmoins l'unité de la jurisprudence de la Cour de cassation dont toutes les chambres s'accordent sur l'idée selon laquelle il n'y a pas de responsabilité d'un gérant social à l'égard des tiers sans faute détachable de ses fonctions. Force est de constater que les juges illustrent en outre leur souci depuis 2003 de protéger plus efficacement les intérêts du tiers via une appréciation plus subjective du comportement du gérant: une volonté louable qui mérite d'être saluée.
Afin de commenter cet arrêt, il conviendra de se pencher d'abord sur le caractère prévisible de la solution rendue (I), pour observer ensuite ses effets sur le gérant et les tiers (II).
[...] Le gérant forme alors un pourvoi en cassation. Sur le premier moyen, il considère que la cour d'appel n'a pas constaté que ces fautes étaient bien séparables de ses fonctions et lui seraient imputables personnellement. Sur le second moyen, il estime que la cour d'appel a violé l'art.1382 c.civ dans la mesure où il n'y aurait aucun lien de causalité entre la première faute de gestion ainsi que la seconde et le préjudice subi. La commission d'actes de contrefaçon pendant plusieurs années par le gérant d'une société constitue-t-elle une faute séparable de ses fonctions ? [...]
[...] La portée de cette appréciation est sévère pour le gérant. 2). Un gérant lourdement sanctionné : la contestation impossible de l'évaluation judiciaire du dommage. La solution de la Cour met à la charge du gérant une obligation de réparer le dommage causé à la société victime. En l'espèce, le problème vient du fait que l'évaluation judiciaire du dommage avait été effectuée alors même que la responsabilité du gérant n'avait pas été recherchée. Ce jugement du 23 décembre 1996 étant devenu définitif, la cour a jugé qu'il s'appliquait de plein droit au gérant du fait de l'insolvabilité de la société. [...]
[...] En effet, certains auteurs font valoir que conformément à la traditionnelle typologie des fautes qualifiées, la faute lourde exclut l'intention de nuire En outre, l'intention de nuire n'est-elle pas en elle-même le signe d'une particulière gravité ? B. La contrefaçon : un acte d'une particulière gravité. L'interprétation la plus probable de la solution est celle qui fait découler le caractère grave du comportement de sa répétition et sa durée. On pourrait toutefois estimer qu'il résulte de la nature pénale de l'infraction commise. 1). La durée et le caractère répétitif des manquements. Le juge fonde sa solution là encore sur un faisceau d'indices. [...]
[...] La chambre commerciale laisse donc peut-être ouverte la porte à une telle assimilation. Soraya Messaï-Bahri propose de ne les assimiler qu'à condition que la faute soit intentionnelle. Cette proposition doctrinale permettrait d'harmoniser les solutions des chambres de la cour de cassation. Quoiqu'il en soit, une solution de la chambre mixte voire de l'Assemblée Plénière semble s'imposer. Après avoir clairement établi les conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile du gérant à l'égard des tiers, analysons à présent comment et dans quel but juge perçoit la notion de détachabilité. [...]
[...] L'arrêt rendu le 25 janvier 2005 était donc prévisible tant au regard de la jurisprudence de la faute détachable de 2003 que de celle du droit des marques de 2004. 2). La commission de la faute malgré les avertissements et l'engagement des procédures judiciaires. Le juge utilise la méthode du faisceau d'indices pour qualifier l'intention du gérant. Il relève que le gérant avait reçu certaines mises en garde et que des procédures judiciaires avaient été engagées. En dépit de ces deux éléments, le gérant avait poursuivi son activité illégale. Le caractère intentionnel des agissements du gérant ne fait pas de doute. [...]
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