En l'espèce, la société Fromageries Routhier (le tireur) après avoir facturé à la société Dischamp (le tiré) le prix de fromages livrés, a tiré le 10 mars 1987, une lettre de change sur elle à échéance du 15 avril 1987. En raison d'un désaccord sur la facturation, le tiré n'a accepté que partiellement la lettre de change. Le tireur ayant reconnu son erreur, a émis le 17 mars 1987, 2 avoirs à échéance du 30 avril 1987 au profit du tiré. Le 20 mars 1987, la Banque, bénéficiaire de la lettre de change, a escompté la lettre. Le 31 mars 1987, le tireur a été mis en redressement judiciaire. Plus tard, le bénéficiaire a exercé son recours cambiaire à l'encontre du tiré afin d'obtenir le paiement du solde de la lettre de change. Le tiré lui a opposé la compensation avec sa créance constituée sous forme d'avoirs.
Le tiré non accepteur peut-il opposer au bénéficiaire de la lettre de change le paiement par compensation, dès lors que les conditions de l'article 1291 du Code civil sont réunies avant l'ouverture du redressement judiciaire ?
[...] Plus tard, le bénéficiaire a exercé son recours cambiaire à l'encontre du tiré afin d'obtenir le paiement du solde de la lettre de change. Le tiré lui a opposé la compensation avec sa créance constituée sous forme d'avoirs. La Cour d'appel de Riom, dans un arrêt du 12 février 1992, a écarté l'exception de compensation aux motifs que le tiré n'avait pas déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la société tireur et qu'il ne pouvait opposer la compensation que pour les créances échues avant l'ouverture de la procédure collective. [...]
[...] Le défaut de la condition d'exigibilité avant l'ouverture de la procédure collective fait donc obstacle à la compensation. Dans son pourvoi, le tiré affirmait le bon principe, mais prétendait à tord en remplir les conditions. Cependant, il semble que seule la condition d'exigibilité faisait défaut. Les deux dettes réciproques étant bien fongibles, certaines et liquides. Le montant des avoirs était déterminé, de même que celui de la provision, il n'y avait plus de contestation sur la facturation. En l'espèce, la Cour de cassation précise donc que les conditions de la compensation légale doivent être réunies avant l'ouverture de la procédure collective. [...]
[...] Cette solution change donc tout pour le porteur, il est désormais dans une situation de précarité, même si en l'espèce il obtiendra tout de même le paiement de la lettre de change car le tiré ne peut lui opposer la compensation. C'est uniquement à échéance que le bénéficiaire peut être sur et certain d'être payé. Avant l'échéance, il doit craindre le paiement du tireur par le tiré. Cette solution mettant le bénéficiaire dans une situation délicate constitue un véritable changement de cap mais il ne s'agit pas d'un revirement de jurisprudence. Il s'agit simplement de l'application de la loi du 25 janvier 1985. [...]
[...] Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1994, il n'y a toutefois plus aucun doute à avoir. L'article L622-7 du Code de Commerce reformulé par l'ordonnance du 18 décembre 2008 prévoit en effet, l'interdiction des paiements à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Cet ajout est une bonne chose, même si cela constitue une dérogation au principe d'égalité des créanciers en cas de procédures collectives. Il reste donc à conseiller au tiré d'être vigilant, et de déclarer sa créance au plus tôt. [...]
[...] Il n'a plus de droit exclusif sur la provision (Anne- Marie Romani) Il est donc fragilisé car le tiré pourra lui opposer toutes les exceptions ayant éteint son obligation, de manière partielle (compensation partielle avec une créance qu'il détenait sur le tireur, remise de dette partielle) ou totale (paiement intégral, prescription, etc . Cette réforme prend donc le contrepied de la législation antérieure et favorise le tiré au détriment du porteur. Cette solution semble plus équitable, surtout lorsque le tiré est de bonne foi. Cependant, en l'espèce, à défaut d'exigibilité des avoirs avant l'ouverture de la procédure et n'ayant pas déclaré ses avoirs au passif de la société, le tiré ne peut opposer la compensation au porteur. Il est obligé de payer le bénéficiaire. [...]
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