Cour de Cassation, chambre commerciale, 20 juin 2006, société en formation, société en création, personne morale, personnalité juridique, jurisprudence, capacité juridique, droit d'agir
En l'espèce, une société titulaire de droits intellectuels reproche à une société en formation d'avoir déposé des noms de domaine sur internet qui portaient atteinte à leurs droits.
Le 1er mars 2000, le titulaire des droits intellectuels assigne la société en formation afin qu'il lui soit fait interdiction d'utiliser ces dénominations et qu'elle soit condamnée à réparer le préjudice causé. Le 24 avril 2003, la Cour d'appel de Versailles déclare ses demandes recevables. Un pourvoi en cassation est formé.
L'arrêt de la Cour d'appel motive son jugement en retenant que le dépôt de nom litigieux est antérieur à l'immatriculation de la société. Ainsi, elle allègue que ce dépôt, en raison de l'immatriculation intervenue au cours de la procédure, a été automatiquement repris par la société. Selon la Cour d'appel, cette dernière a ainsi été assignée régulièrement.
La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante : l'assignation d'une société en formation peut-elle être régularisée lorsque, au cours de la procédure, la société acquiert la personnalité juridique ?
[...] Un strict respect du formalisme attaché à l'attribution de la personnalité juridique La Chambre commerciale retient que la personnalité juridique doit s'apprécier au moment de l'assignation. En l'espèce, cet acte introductif d'instance n'est donc pas valide puisque la défense de la société était irrecevable, au moment de l'assignation, pour défaut de droit d'agir, au sens de l'article 122 du Code de Procédure Civile. Décider d'apprécier cette aptitude au moment de l'assignation, et non à la date à laquelle le juge statue, revient à imposer un respect rigoureux du formalisme attaché à l'attribution de la personnalité juridique. [...]
[...] Ce strict formalisme permet de conserver intégralement la protection des contractants de la société en formation. Une impossibilité de régularisation de l'assignation contestable, appliquée sans distinction à l'ensemble des sociétés présentant un défaut de capacité juridique Dans cet arrêt, la Cour de cassation prohibe fermement toute régularisation de l'assignation nulle pour défaut de personne morale sans rechercher si la société en formation était vouée à acquérir la personnalité morale Prohibition de la régularisation de l'assignation pour défaut de droit d'agir Dans cet arrêt du 6 juin 2006, la Haute juridiction allègue dans son attendu de principe que l'absence de personnalité juridique est une irrégularité non susceptible d'être régularisée. [...]
[...] Cette rigueur a pour conséquence de faire l'impasse sur le droit des sociétés afin de protéger le formalisme de la naissance de la personnalité juridique. Cette solution appliquée à une société au défaut de personnalité juridique irrémédiable s'explique par l'absence définitive de ce droit d'agir. Cependant, en l'espèce, la société était vouée à acquérir la personnalité juridique, la Cour de cassation empêche alors la société demandeuse d'obtenir la protection de ces droits intellectuels. Créer une distinction claire entre ces deux catégories de sociétés permettrait de leur appliquer des règles distinctes plus en accord avec leur finalité. [...]
[...] En effet, cette solution privilégie les règles procédurales aux règles prévues par les articles 1843 du Code civil et L. 210-6 du code de commerce. Ces dernières prévoient la possibilité pour la société de reprendre les actes passés pour leur compte et en leur nom par les associés, avant qu'elle acquière la personnalité morale. L'esprit de ces textes est d'assurer une continuité entre la société en formation et la société personne morale. Or, dans cet arrêt, la Cour de cassation va à l'encontre de cet esprit en appliquant strictement le droit procédural. [...]
[...] Selon la Cour d'appel, cette dernière a ainsi été assignée régulièrement. La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante : l'assignation d'une société en formation peut-elle être régularisée lorsque, au cours de la procédure, la société acquiert la personnalité juridique ? La Cour de cassation casse et annule l'arrêt pour violation de la loi au double visa des articles 32 et 126 du nouveau code de procédure civile. La Haute juridiction rappelle qu'est irrecevable toute prétention émise contre une personne dépourvue du droit d'agir. [...]
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