Nous sommes en présence d'un arrêt de rejet de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 17 mars 1981. Cet arrêt apporte des précisions sur les conditions de la commercialité des actes effectués par une association dans le cadre de l'exploitation d'un établissement commercial.
Une association religieuse, l'Institut musulman de la mosquée de Paris exploite un magasin de boucherie revendant de la viande préparée selon les préceptes coraniques. Leur fournisseur, boucher de profession, Lahoucine, accuse l'institut de non-paiement d'une somme importante pour des ventes effectuées entre octobre 1970 et novembre 1971. Il assigne l'association et son recteur, Boubakeur, devant le tribunal de grande instance pour obtenir la somme dont il estime être créancier.
Cet arrêt pose le problème de droit suivant : une association exploitant un établissement à but lucratif et faisant dans ce cadre des actes de commerce est-elle soumise aux règles du droit commercial et plus précisément aux règles de preuves commerciales ?
[...] C'est sur ce point que l'institut musulman fait grief à l'arrêt de la Cour d'Appel, à laquelle il reproche de ne pas avoir cherché à savoir si l'association tirait un profit quelconque de ses opérations La caractérisation d'une activité commerciale à but lucratif est l'une des conditions de la soumission de l'association aux règles de preuve du droit commercial. Cela ne confère néanmoins pas à l'association la qualité de commerçant. Elle ne pourrait le devenir que si cette activité commerciale, en l'espèce accessoire dans la mesure ou elle n'est pas l'objet principal de l'association, venait à primer sur l'objet statutaire de l'Institut musulman. Il faut pas conséquent préciser que rien ne s'oppose à ce qu'une association fasse des bénéfices, à condition qu'elle ne les partage pas entre des membres. [...]
[...] De même que la réalisation effective de bénéfice grâce à cette activité. Nous ne disposons pas d'assez d'éléments dans l'arrêt afin de déterminer cela de manière plus précise. Le premier moyen du pourvoi s'appuie sur ce manque d'investigation concernant les deux points que nous venons d'évoquer en précisant que la Cour d'Appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle La détermination par la Cour d'Appel puis par la Cour de cassation de l'existence d'une activité commerciale à but lucratif et de la réalisation d'actes de commerce à titre habituel par l'association permet d'appliquer à cette dernière certaines règles du droit commercial. [...]
[...] Le pourvoi s'appuie sur le fait que l'association est une personne civile ne faisant qu'accessoirement des actes de commerce, ce qui ne leur permet d'échapper aux règles de preuve commerciale. Cependant la Cour d'Appel et la Cour de cassation sont unanimes sur le caractère habituel de la réalisation d'actes de commerce, ce qui est l'un des éléments indispensables de la caractérisation d'une activité commerciale. On peut en effet légitimement supposer que la gestion d'un magasin implique nécessairement la réalisation d'actes de commerce de manière fréquente, de par l'achat à un fournisseur et la revente de produits à des clients. [...]
[...] Ces registres sont une preuve légale en droit commercial. La question est de savoir si cette règle de preuve est opposable au non-commerçant, en l'occurrence à une association. Le rejet du pourvoi par la Cour de cassation qui confirme la décision de la Cour d'Appel nous permet de répondre par l'affirmative, sous les conditions que nous avons évoquées dans la première partie de notre étude. Ainsi on peut en déduire que si une association, sans avoir la qualité de commerçant, peut être soumise à certaines dispositions du droit commercial si elle a une activité à but lucratif pour l'exploitation de laquelle elle réalise des actes de commerce de manière habituelle. [...]
[...] Cela constitue une vision extensive du domaine du droit commercial puisque le juge y soumet une personne civile n'ayant une activité commerciale uniquement annexe à son activité principale. L'application de certaines dispositions du régime juridique commercial a des conséquences qui ne sont pas exclusivement juridiques mais aussi économiques. B La portée économique du régime juridique commercial On peut considérer que ce régime de preuve commercial a une portée économique car dans son application en l'espèce, il rend plus simple la condamnation du non-commerçant et favorise ainsi le commerçant en lui facilitant l'apport de la preuve. [...]
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