L'arrêt du 14 février 2006 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation s'inscrit dans la droite ligne de l'actualité jurisprudentielle en matière de demande d'expertise de gestion par des associés minoritaires. En effet, dans un esprit contraire à la loi NRE de 2001 et pour la troisième fois en l'espace de quelques mois, elle confirme le rejet d'une telle demande, et ajoute un nouvel obstacle à la procédure prévue par l'ART. L225-231 du Code de commerce : les questions posées en amont de la désignation de l'expert de gestion doivent être suffisamment précises et porter sur des actes clairement identifiés.
Le non-respect de cette formalité suffisant à écarter l'expertise sollicitée. Une solution très sévère qui ne fait qu'étendre le pouvoir du juge déjà présent à chaque étape de la procédure de chacune d'elle un barrage à l'expertise sollicitée. En l'espèce, le demandeur n'est pas même arrivé à la moitié du cheminement de la mise en œuvre de la demande de nomination puisque se voit opposer le trop vague caractère de la phase préalable des questions demandées aux dirigeants.
La question qui se pose à la Cour de cassation dans le cadre de cet arrêt est celle de savoir si le caractère précis des questions posées ainsi que la claire identification des actes de gestion concernés sont des conditions indispensables à l'acceptation d'une demande d'expertise de gestion par les juges du fond.
[...] L225-231 à ; et autorise les actionnaires d'une société dominante à solliciter une expertise portant sur un acte de gestion passé par une société qu'elle contrôle. A l'époque, comme suggéré par Maurice COZIAN dans son ouvrage Droit des sociétés, la doctrine s'était demandée si la nouvelle expertise de gestion mise en place par la loi allait effectivement assurer une meilleure information aux actionnaires minoritaires puisque tel était son but. Mais le contentieux jurisprudentiel depuis lors a démontré le contraire puisqu'il révèle que la phase préalable à la demande d'expertise qu'instaure la loi s'avère être une condition indispensable rarement remplie par les demandeurs du fait de la sévérité de l'appréciation des juges sur ce point. [...]
[...] D'où une demande d'expertise qui s'avérait donc justifiée et même nécessaire. Cette position de la Cour de cassation ne doit pas être réfutée en ce qu'étant contraire à l'esprit de la loi NRE, car il est bien connu que l'interprétation de la loi par la jurisprudence peut être orientée dans une volonté de tempérer ou d'accentuer l'intensité des dispositions légales visées. Mais elle est critiquable car le rejet d'une expertise, pourtant nécessaire, pour de simples motifs procéduraux implique la négation d'un principe fondamental du droit des sociétés : la primauté de l'intérêt social. [...]
[...] Ainsi dans un arrêt du 12 janvier 1993, la chambre commerciale a précisé que des apports partiels d'actifs soumis à l'approbation des associés pouvaient faire l'objet d'une expertise. On comprend donc mieux pourquoi chaque branche du moyen invoque le caractère particulier des décisions litigieuses : des décisions de gestion Mais la Cour de cassation ne s'arrête pas à ces seules conditions procédurales en amont et souligne aussi que vient s'ajouter de manière cumulative la nécessité d'un défaut de réponse ou d'éléments non satisfaisants : des questions relatives à ces opérations (de gestion) et à défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants Elle poursuit en faisant référence à l'appréciation souveraine des juges du fond qui ne se limite pas au contrôle de l'opportunité de la demande de gestion mais intervient en tout point de la procédure. [...]
[...] La demande s'élève devant la Cour d'appel de Bordeaux qui dans un arrêt du 9 novembre 2004 refuse la mise en œuvre de l'expertise au motif que dans les courriers adressés au dirigeant, le demandeur n'avait fait que s'interroger de façon générale sur la politique de gestion de la société sans demander de façon précise des explications sur des actes de gestion clairement identifiés L'associé minoritaire se pourvoit alors en cassation, soulignant qu'on ne pouvait lui opposer un tel refus dans la mesure où les preuves apportées faisaient état du respect de la phase préalable des questions et de la nécessité d'une procédure d'expertise du fait des doutes pesants sur la régularité des actes de gestion litigieux. La question qui se pose donc à la Cour de cassation est celle de savoir si le caractère précis des questions posées ainsi que la claire identification des actes de gestion concernés sont des conditions indispensables à l'acceptation d'une demande d'expertise de gestion par les juges du fond. C'est par la positive que répond la Chambre commerciale, rejetant le pourvoi et par la même la demande d'expertise. [...]
[...] Ainsi l'article précise qu'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins du capital sont habilités à demander une expertise de gestion, en passant toutefois par une phase préalable obligatoire de questions écrites posées au président du conseil d'administration ou au directoire. Dès lors, on voit poindre les premières étapes de la procédure de désignation de l'expert : il faut d'abord avoir qualité pour agir ; puis interpeller par écrit les dirigeants sur une ou plusieurs opérations de gestion En l'occurrence, ces questions sont rapportées dans les moyens réunis du pourvoi et semblent porter sur trois opérations de gestion : le recouvrement des créances de la société ; la décision du mode de contrôle de la comptabilité de la société ; la convention d'approvisionnement liant deux sociétés. [...]
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