La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans l'arrêt présentement commenté du 12 mai 2004, eut à se prononcer sur l'existence d'un devoir de loyauté du dirigeant lors d'une cession d'actions. En l'espèce, en 1990, M. S. Beley, président du conseil d'administration de la société Beley, a constitué avec d'autres associés la société Financière Beley dont il est également devenu président du conseil d'administration. Lors d'une « réunion de famille », le 23 janvier 1993, le dirigeant a proposé aux autres actionnaires de la société Beley de céder leurs actions à la société holding nouvellement créée.
Cette proposition a été acceptée par les actionnaires minoritaires qui ont cédé leurs actions au prix de 1 800 F. Au mois de mai 1993, la société Former a acquis auprès de la société Financière Beley les actions en deux fois au prix de 4 022 F. Ce faisant, elle a acquis la quasi-totalité des actions composant le capital de la holding et a absorbé cette dernière. Les actionnaires minoritaires ont estimé avoir été victimes d'un dol par réticence et ont demandé la condamnation au paiement de dommages-intérêts du dirigeant et de la société Former.
La Cour de cassation a donc été confrontée aux problèmes suivants : le cessionnaire est-il tenu, au titre de son obligation d'information, d'avertir le cédant sur les négociations en cours ? Le dirigeant est-il tenu d'un devoir de loyauté à l'égard des associés ?
[...] Cependant, le visa de l'article 1382 du Code civil laisse à penser que l'obligation de loyauté puise son fondement dans ledit article. Ainsi, le dirigeant social doit s'abstenir de tout acte ou comportement déloyal à l'égard de l'entreprise. Se pose, toutefois, la question de savoir s'il ne faut pas chercher un fondement plus spécifique que l'on trouverait dans le droit spécial des sociétés. Ce dernier imposerait alors à tout dirigeant social une probité minimale envers les associés. La jurisprudence s'inspire implicitement des mécanismes de protection de l'actionnariat propre aux sociétés cotées. [...]
[...] Seront abordés d'une part l'obligation précontractuelle d'information du cessionnaire - dirigeant puis le devoir de loyauté du dirigeant social (II). L'absence d'obligation précontractuelle d'information du cessionnaire - dirigeant Il convient dans un premier temps de mettre en exergue le fondement de l'obligation précontractuelle d'information pesant éventuellement sur le cessionnaire puis dans un second temps d'analyser les informations susceptibles d'être communiquées Le fondement de l'obligation précontractuelle d'information Les faits étaient les suivants : les actionnaires minoritaires avaient cédé leurs actions au prix de F. Ces mêmes actions furent revendues à la société Former au prix unitaire de F. [...]
[...] En effet, une jurisprudence constante affirme que les juges du fond doivent rechercher si le dirigeant n'a pas caché l'existence ou les conditions de la négociation avec le tiers. Cette jurisprudence concerne le dirigeant lorsqu'il intervient en sa qualité mais non lorsqu'il intervient à titre personnel. Dès lors deux périodes sont à distinguer : d'une part, la cession des actions des minoritaires à la société holding dans laquelle le dirigeant n'intervient pas, d'autre part, les cessions des actions nouvellement acquises à la société Former dans laquelle le dirigeant intervient en tant que cessionnaire. [...]
[...] Se posait donc la question de la protection de l'entreprise contre les manœuvres frauduleuses pendant le mandat social. Par le présent arrêt, la Cour de cassation sanctionne tout comportement déloyal accompli lors du mandat social par le biais de l'obligation de loyauté du dirigeant. De plus, par deux arrêts, l'un en date du 6 mai 2008 et l'autre du 27 janvier 2009, la Cour de cassation a mis à la charge du dirigeant une obligation d'avertissement des associés minoritaires dans des circonstances exceptionnelles. [...]
[...] Plus généralement, l'inexistence d'une obligation générale d'information autorise l'acquéreur à garder le silence sur l'erreur d'estimation des titres commise par le cédant[3]. Cette position pourrait également s'expliquer par le fait que le cédant est un tiers par rapport à l'opération litigieuse. En conséquence, dès lors que l'opération de cession n'est pas réalisée, toute la phase préparatoire n'est pas opposable aux tiers, faute de publicité. Cependant, le tiers dont il s'agit peut être considéré comme un tiers privilégié en ce sens qu'actionnaire de la société dont les actions sont cédées, il dispose de moyens lui permettant d'être informé. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture