Cour de cassation, chambre civile 3, 8 juillet 2015, n° 13-27.248 — La participation des héritiers n'ayant pas été formellement agréés par les associés à une assemblée générale d'une société civile immobilière entache-t-elle la délibération d'une irrégularité entraînant sa nullité ?

Extraits

[...] La cour a refusé de déduire l'existence d'un agrément des actes qui ne sont pas exprès et qui ne sont pas conformes aux conditions prévues par les statuts de la société. Or, l'agrément prétendument obtenu résultait juste de la conjonction de différents actes faisant allusion à la qualité d'associé des héritiers et non d'un acte unique. Il est alors possible de comprendre que, selon la Cour, un agrément qui n'est pas tacite et qui est valable constitue une décision formelle de l'assemblée générale de la société formée par les associés d'attribuer la qualité d'associé à un tiers, en l'occurrence aux héritiers. [...]

[...] En effet, selon l'arrêt de la chambre commerciale du 9 février 1999, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter, et les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions. Il est nécessaire d'ajouter que le droit de participer des associés aux décisions collectives et de voter a été jugé comme un droit fondamental dans l'arrêt du 23 octobre 2007 de la chambre commerciale de la Cour de cassation. Dès lors, en considérant l'article 1844 comme le droit de participer des seuls associés, la cour a indirectement répondu à l'argument fondé sur l'article 1844-10, qui dispose que « la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre ». [...]

[...] La Cour de cassation est invitée à examiner le point de savoir si la participation des héritiers n'ayant pas été formellement agréés par les associés à une assemblée générale d'une société civile immobilière entache-t-elle la délibération d'une irrégularité entraînant sa nullité ? La Cour de cassation a répondu par la négative. Elle a précisé que seuls les associés ont le droit de participer aux décisions collectives de la société en vertu de l'article 1844 du Code civil. Elle a ajouté que les héritiers ne pourraient pas se prévaloir d'un agrément tacite et dès lors, n'étaient pas des associés. [...]

[...] Imaginer que des tiers qui n'ont pas d'obligations en tant qu'associés aient le droit de participer aux décisions collectives, ce qui constitue un droit des associés en contrepartie de leurs obligations, fait apparaître un déséquilibre visible. Par ailleurs, lors de ces décisions collectives, ils votent en fonction de l'intérêt collectif de la société dont un tiers ne serait pas encore concerné. Un tel cas ne serait pas conforme à la logique régissant les sociétés. Si l'on savait avant cet arrêt que la sanction de ne pas convoquer tous les associés aux décisions collectives était la nullité, on sait désormais que le fait de convoquer des tiers aux décisions collectives est sanctionné de la même manière. [...]

[...] La cour d'appel, quant à elle, a fait valoir que les stipulations des statuts relatives à l'agrément des héritiers s'imposaient et que les héritiers ne pouvaient pas se prévaloir d'un agrément tacite. Dès lors, selon elle, ils n'étaient pas des associés. Par conséquent, elle a considéré que la tenue de l'assemblée générale était nulle ainsi que la désignation de l'héritier en qualité de gérant, puisque les hoirs du gérant décédé n'étant pas des associés faute d'agrément obtenu dans les conditions prévues par les statuts, ont pris part à l'assemblée générale et à l'élection du gérant. [...]