En matière de responsabilité du fait des choses, la Cour de cassation s'est montrée audacieuse à plusieurs reprises en affirmant tout d'abord à travers l'arrêt Teffaine du 16 juin 1896 (à propos des accidents du travail) qu'existait un principe général de responsabilité du fait des choses.
Puis à partir des années 1920, lorsque le débat refit surface, à propos des accidents de la circulation, arrêt Jand'heur, 13 février 1930, qui fixa alors la jurisprudence. Bien qu'aujourd'hui, les tribunaux ont été relayés par le législateur qui a crée des régimes spéciaux de responsabilité s'agissant du fait de certaines choses, le régime général de responsabilité du fait des choses est encore très largement employé, et bénéficie d'une jurisprudence constante.
En l'espèce, un ouvrier carreleur appartenant à une entreprise est chargé d'exécuter des travaux chez un particulier: Mme Marcou. Or, lors de la réalisation des travaux, l'ouvrier M. Reynal est blessé consécutivement à une violente explosion déclenchée par le fait qu'il ait lancé une chute de carrelage dans un tas de débris.
L'assurance de l'ouvrier lui verse alors une rente d'indemnité d'accident du travail, ainsi que des indemnités journalières. Cette dernière assigne l'assurance et la propriétaire elle-même de la maison en responsabilité, suite à l'établissement d'une expertise attestant que l'explosion venait d'un détonateur placé dans les gravas.
La cour d'appel accueille la demande de l'assurance de la victime. Mme Marcou et son assureur qui contestent la décision, se pourvoient alors en cassation.
Ils avancent quatre moyens. En premier lieu, ils invoquent l'argument selon lequel la CA aurait retenu à tort Mme Marcou gardienne du détonateur, du seul fait qu'il avait appartenu à son père et lui avait été transmis avec l'appropriation de la maison. Ils font également grief à l'arrêt de ne pas avoir établi les raisons de la présence du détonateur litigieux dans la maison de Mme Marcou sur le fondement de l'art 1384 al 1. En outre, ils contestent l'arrêt en ce qu'il n' aurait pas recherché si en confiant l'entreprise de tels travaux à M. Reynal, Mme Marcou n'avait pas transféré au moment de la survenance du dommage, la garde du chantier et par conséquent celle du détonateur qui pouvait s'y trouver, sur le fondement de l'art 1384 al1. Enfin, les demandeurs au pourvoi reprochent aux juges du fond, de ne pas avoir recherché si le fait de jeter un carreau sur un détonateur ne constituait pas une faute, toujours sur le même fondement.
Cet arrêt soulève les problèmes de droit suivant:
_La présence d'une chose intrinsèquement dangereuse au sein d'une propriété, suffit-elle à établir une présomption de responsabilité du fait des choses contre le propriétaire, selon l'art 1384 al1?
_Une personne peut-elle se prévaloir du transfert de la garde d'une chose dangereuse ayant commis un dommage en vue de s'exonérer de sa responsabilité selon l'art 1384 al1, alors même qu'elle n'a pas démontré la réalisation de ce transfert?
_Un ouvrier carreleur a t'il commis une faute en jetant une chute de carrelage dans un tas de gravas prévu à cet effet, ayant déclenché par son choc un détonateur qui explosa et le blessa?
La Haute juridiction statue dans le même sens que les juges du second degré et rejette le pourvoi, au motif que la seule présence du détonateur, quelle qu'en fut l'origine, sur la propriété de Mme Marcou la constituait gardienne de cette chose, et que le transfert de la garde du détonateur à l'entreprise de carrelage n'était pas établi et enfin que la victime n'avait pas commis de faute. Cet arrêt met en lumière l'application du régime général de responsabilité du fait des choses conformément à la jurisprudence antérieure (I), et en souligne les contours en l'espèce à travers les notions de garde et de faute de la victime (II).
[...] Bien qu'aujourd'hui, les tribunaux ont été relayés par le législateur qui a créé des régimes spéciaux de responsabilité s'agissant du fait de certaines choses, le régime général de responsabilité du fait des choses est encore très largement employé, et bénéficie d'une jurisprudence constante. En l'espèce, un ouvrier carreleur appartenant à une entreprise est chargé d'exécuter des travaux chez un particulier: Mme Marcou. Or, lors de la réalisation des travaux, l'ouvrier M. Reynal est blessé consécutivement à une violente explosion déclenchée par le fait qu'il ait lancé une chute de carrelage dans un tas de débris. L'assurance de l'ouvrier lui verse alors une rente d'indemnité d'accident du travail, ainsi que des indemnités journalières. [...]
[...] La réunion des conditions de la responsabilité du fait des choses entraîne la responsabilité de plein droit du propriétaire Le rôle actif et causal du détonateur - Selon l'arrêt jand'heur l'art 1384al1 rattache "la responsabilité à la garde de la chose, et non à la chose elle même". Ainsi, l'art 1384 al1 s'applique à tout type de chose. Ce texte régit toute chose immobilière ou non. Le dommage ne doit pas nécessairement provenir d'un vice interne de la chose comme l'avait affirmé l'arrêt Teffaine, puis qui avait été abandonné par l'arrêt Gaz de bordeaux. En l'espèce il s'agit d'une chose qui apparaît en elle même intrinsèquement dangereuse (détonateur). Cependant selon la Jurisprudence, il n'est pas nécessaire non plus que la chose ait été dangereuse. [...]
[...] Mais en dehors de ce cas, aucune faute de la victime ne peut exonérer, même partiellement le gardien. - La question ne se pose pas en l'espèce puisque la victime n'a commis aucune faute: les juges ont effectivement considéré comme normal le fait de jeter une chute de carrelage dans un tas de débris prévu à cet effet. - Aucune défaillance dans le comportement de la victime: son comportement était tout a fait normal et entrait pleinement dans le cadre de son activité en tant que salarié d'une entreprise de travaux de rénovation. [...]
[...] il y a donc un fait de la chose, c'est à die un lien de causalité entre la chose et le dommage. C'est bien le détonateur qui a engendré les blessures de Monsieur Reynal. - Ce rôle causal de la chose qui est un rôle actif de la chose dans la survenance du dommage, s'oppose à ce qu'on appelle le rôle "passif" de la chose Une garde avérée - Le gardien est celui qui a la chose sous son pouvoir. [...]
[...] C'était alors bien à elle de prendre les mesures nécessaires afin d'éviter tout accident. On peut affirmer que le gardien est la seule personne qui puisse empêcher le dommage de se produire - Idée de risque très présente en matière de responsabilité du fait des choses: c'est parce que le gardien fait courir un risque dans son environnement (en l'espèce à l'intérieur de sa propriété), qu'il doit en assumer les conséquences. - Le pouvoir exercé par le gardien doit être un pouvoir effectif: notion matérielle de la garde, "l'usage, la direction et le contrôle de la chose". [...]
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