Dès 1965, la Cour de cassation a défini l'état de cessation des paiements comme la situation dans laquelle le débiteur est hors d'état de faire face à l'ensemble de son passif exigible avec son actif disponible. En 1978, la Cour de cassation a même déclaré qu'il s'agissait du seul critère de détermination de l'état de cessation des paiements. C'est pourquoi l'arrêt du 28 avril 1998, qui pose la formule de passif exigible et exigé, a emporté une confusion dans les esprits. S'agissait-il d'un revirement ou d'une solution justifiée par le cas d'espèce ?
La gérante d'une SARL, nommée liquidatrice amiable de cette société, a informé le bailleur des locaux occupés par la société de son intention de mettre fin au bail. Le bailleur, tout en invoquant la règle selon laquelle la résiliation ne peut intervenir qu'à l'expiration d'une période de trois ans, soit en l'espèce le 25 juin 1993, avait informé la société en liquidation de son intention de relouer avant l'expiration de cette période, à savoir le 1er janvier 1991 précisément. La société n'a plus versé de loyer à compter de cette date. Le bailleur a alors demandé le paiement de l'arriéré par acte du 19 mars 1991. La société a été condamnée à payer, et le bailleur l'a assigné en redressement judiciaire. Après mise en liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire a demandé que la date de cessation des paiements soit fixée au 1er janvier 1991, et que la gérante soit condamnée au comblement du passif.
La Cour d'appel de Caen l'a débouté de sa demande, dans un arrêt en date du 7 septembre 1995, aux motifs qu' « il ne résultait pas de la lettre (du bailleur) que la dette échue au titre des loyers et charges postérieurs au 1er janvier 1991 était réellement exigible à cette date, que cette dette n'avait pas été exigée avant le 19 mars 1991 », date à laquelle la Cour d'appel a fixé la date de cessation des paiements.
Le liquidateur judiciaire forme alors en pourvoi en cassation. Il reproche à la Cour d'appel de s'être déterminée par des motifs inopérants relatifs à l'intention de la débitrice ou à sa connaissance de l'exigibilité de la dette, sans rechercher à quelle date la société s'était trouvée dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
La Cour de cassation approuve la décision des juges du fond et rejette par conséquent le pourvoi au motif que « le passif exigible à prendre en considération pour caractériser l'état de cessation des paiements est le passif exigible et exigé, dès lors que le créancier est libre de faire crédit au débiteur ».
Cet arrêt vient-il remettre en cause la définition de l'état de cessation du paiement ? Faut-il dorénavant se référer au seul passif exigé et plus au passif exigible ?
[...] Faut-il dorénavant se référer au seul passif exigé et plus au passif exigible ? Nous verrons dans un premier temps que cet arrêt a suscité des réactions qui nous semblent allées au-delà des termes employés puis nous verrons dans un second temps que cette décision est heureusement isolée. I. Une modification illusoire de la définition de l'état de cessation des paiements À première vue, cet arrêt semble opérer un revirement de jurisprudence du fait de l'emploi de termes confus mais nous pensons qu'il ne s'agit en réalité que d'une solution d'espèce A. [...]
[...] Une définition justifiée par l'esprit du droit des entreprises en difficultés La consécration de la notion de passif exigible doit être saluée. La cessation des paiements est l'élément clé dans la vie d'une entreprise, car elle doit permettre de déterminer la date d'ouverture de la procédure collective. De l'ancienneté de la cessation des paiements par rapport au jugement d'ouverture d'une procédure dépendent également les nullités encourues au titre des opérations intervenues en période suspecte ainsi que les sanctions commerciales (sous l'empire de la loi de 1985). [...]
[...] C'est pourquoi l'arrêt du 28 avril 1998, qui pose la formule de passif exigible et exigé, a emporté une confusion dans les esprits. S'agissait-il d'un revirement ou d'une solution justifiée par le cas d'espèce ? La gérante d'une SARL, nommée liquidatrice amiable de cette société, a informé le bailleur des locaux occupés par la société de son intention de mettre fin au bail. Le bailleur, tout en invoquant la règle selon laquelle la résiliation ne peut intervenir qu'à l'expiration d'une période de trois ans, soit en l'espèce le 25 juin 1993, avait informé la société en liquidation de son intention de relouer avant l'expiration de cette période, à savoir le 1er janvier 1991 précisément. [...]
[...] La société a été condamnée à payer, et le bailleur l'a assigné en redressement judiciaire. Après mise en liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire a demandé que la date de cessation des paiements soit fixée au 1er janvier 1991, et que la gérante soit condamnée au comblement du passif. La Cour d'appel de Caen l'a débouté de sa demande, dans un arrêt en date du 7 septembre 1995, aux motifs qu' il ne résultait pas de la lettre (du bailleur) que la dette échue au titre des loyers et charges postérieurs au 1er janvier 1991 était réellement exigible à cette date, que cette dette n'avait pas été exigée avant le 19 mars 1991 date à laquelle la Cour d'appel a fixé la date de cessation des paiements. [...]
[...] Il ressort donc de cet arrêt que c'est seulement lorsque le débiteur allègue à son profit l'exigence d'une réserve de crédit que les juges du fond doivent vérifier dans quelle mesure le passif a été effectivement exigé. Cette solution qui emporte la confusion sur la notion de passif exigible ou exigé, qui nous semble par ailleurs uniquement justifiée par le cas d'espèce, n'a par ailleurs pas perduré par la suite. II. Une solution non reconduite Postérieurement à l'arrêt de 1998, la Cour de cassation a réaffirmé l'exigence d'un passif exigible uniquement dans la détermination de l'état de cessation des paiements ce qui nous semble être la position à suivre A. [...]
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