Jean-Claude Hallouin met aujourd'hui l'accent sur le mouvement de contractualisation des sociétés qui s'opère tant à travers la loi qu'à travers la pratique. Ceci a des conséquences très importantes, notamment s'agissant du rôle du juge, le plus souvent exclu en raison de l'effet relatif des contrats. Ainsi, lorsque la loi prévoit l'intrusion du juge, comme pour la possible dissolution anticipée judiciaire de la société, il se cantonne à une approche stricte, tandis que lorsque la loi est silencieuse, notamment sur l'exclusion d'un associé du pacte social, il refuse de s'immiscer. C'est ainsi de ces deux points que traite l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse du 10 juin 1999.
En l'espèce, une société est gérée par deux cogérants et comporte 4 associés, à savoir les consorts Laroque, détenant moins de 25% des parts sociales, et les consorts Theil et Ardouel. Cependant, une mésentente s'installe au cours de l'année 1995, mésentente d'ailleurs nullement contestée par les parties. Celle-ci est le fruit d'une mésintelligence entre les cogérants sur la gestion de la société, notamment sur les contrats à passer. Les consorts Laroque agissent alors en justice pour voir la dissolution anticipée et juridique de la société prononcée.
La question qui se pose est celle de savoir dans quelles conditions une dissolution juridique d'une société peut-elle être juridiquement prononcée et, le cas échéant, de savoir si le juge a la possibilité d'ordonner aux associés mécontents de vendre leurs parts sociales ?
[...] C'est ainsi dans ce contexte que peut être vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Toulouse daté du 10 juin 1999. Il semble alors que les juges du fond sont prêts à accueillir la voix de la Cour de cassation en adoptant l'exacte même solution de principe. Cependant, nous aurions tort de voir ici un infléchissement général de l'ensemble des juges du fond tant le recul n'est pas de mise ici. Mais une autre hypothèse peut être envisagée, à savoir l'introduction d'un texte autorisant l'exclusion d'un associé par le juge. [...]
[...] Egalement, le juge de 1re instance décide d'ordonner une expertise afin de rechercher la valeur des parts sociales des Consorts Laroque dans le but de leur ordonner la vente de celles-ci à la société ou aux autres associés majoritaires. La question qui se pose est celle de savoir dans quelles conditions une dissolution juridique d'une société peut juridiquement être prononcée et, le cas échéant, de savoir si le juge a la possibilité d'ordonner aux associés mécontents de vendre leurs parts sociales . La Cour d'appel de Toulouse, dans son arrêt du 10 juin 1999, déboute les consorts Laroque en confirmant le jugement précédent refusant la dissolution anticipée de la société daté du 18 mars 1998. [...]
[...] Il est alors évident que la mésentente porte sur le cœur du fonctionnement même de la société. Logiquement alors, la conclusion évidente à en tirer est les coups portés à l'affectio societatis, voire sa disparition si les associés ne regardent alors plus dans la même direction. Le juge proclame cette mésentente sans problèmes particuliers en reconnaissant sa gravité et sa persistance Cependant, s'agissant d'autre part de la paralysie, condition essentielle à la dissolution judiciaire anticipée, elle apparait mathématiquement absente. En effet, les associés mécontents demandant la disparition de la société pour mésentente sont minoritaires, à savoir à Outre l'hypothèse où les statuts prévoiraient une prise de décision à l'unanimité des associés, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce, le chiffre requis pour la prise de décision n'est nullement affecté par ces associés. [...]
[...] C'est sur cette immixtion judiciaire que se prononce en l'espèce le juge en refusant la dissolution prônant ainsi une stricte lecture de la loi Le refus de dissolution anticipée motivé par l'absence de paralysie totale de la société En l'espèce, le visa est celui de l'article 1844-7-5e du Code civil, à savoir La dissolution est prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société. Ici, il s'agit d'évacuer rapidement la question de l'inexécution des obligations d'un associé qui n'est nullement abordée en l'espèce. Il convient alors de se tourner vers l'autre cause de dissolution. Ainsi, dans ce cas de figure, la dissolution judiciaire anticipée demande deux conditions cumulatives à son établissement, à savoir sommairement une mésentente doublée d'une paralysie de la société. Alors, contrairement à ce que beaucoup d'associés souhaiteraient, la simple mésentente n'emporte pas dissolution. [...]
[...] Hardouin demande un texte qui donne au juge la possibilité de dissoudre ou de faire racheter. En cela, il estime ici que le législateur est à la traine. Il convient de souligner ainsi l'accent mis par les auteurs à la nécessité d'une volonté législative, et non d'un pouvoir auto-octroyé par le juge. S'agissant des débats jurisprudentiels, il convient de préciser que ceux- ci ne se situaient jusqu'à récemment que sur le plan des juges du fond. En effet, certains refusaient l'exclusion judiciaire d'un associé, comme CA Aix-en-Provence 26 juin 1984 et CA Versailles 19 janvier 1984, tandis que d'autres l'admettaient, notamment CA Caen 14 avril 1927 et CA Reims 24 avril 1989. [...]
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