Cour d'appel Paris, 26 septembre 2006 - Critères de délimitation du marché pertinent

Extraits

[...] Cet argument est enfin fort de poids, car il répond à l'importance du critère du prix rappelé par le Conseil de la concurrence dans son rapport de 2001 qui s'exprimait ainsi Un écart de prix substantiel et durable entre produits est un indice de non-substituabilité entre ces derniers et donc de non-appartenance au même marché La différence substantielle de prix de 300 ici observé prouve bien que les six palaces ne sont pas dans le même marché que les quatre étoiles luxe. La substituabilité est donc bien avérée entre les six palaces, ce qui les distingue bien du marché des quatre étoiles luxe. Ces six établissements forment donc le marché pertinent pour statuer sur la question de l'entente. Les juges parlent même de palaces parisiens car ils utilisent ensuite le critère géographique pour la délimitation du marché pertinent, critère poussant à quelques observations. [...]

[...] Comme il l'avait été évoqué dans l'arrêt de la chambre commerciale du 18 mai 1999, le recours à une expertise est ici utilisé. En effet les juges d'appel basent leur décision sur l'analyse du cabinet PFK Il s'agit dans l'affaire présentée devant la Cour d'appel d'un marché de services et non de produit, car il s'agit d'hôtels. Afin de ne pas obtenir des solutions disparates par des considérations subjectives, la Cour de cassation a exigé que soient recherchés des critères objectifs de substituabilité. [...]

[...] L'arrêt étudié s'inscrit dans la segmentation du marché. En se plaçant dans le domaine hôtelier, si on délimite des marchés en fonction de caractéristiques communes et de zone géographique réduite à des villes, il est certain que le nombre de marchés oligopolistiques va croître. Les classements des hôtels en fonction des étoiles ne délimitent même pas un marché, les quatre étoiles sont déjà scindées en différenciant les quatre étoiles luxe et au sein de ceux-là les palaces parisiens forment un marché. [...]

[...] Ici c'est surtout l'image du produit qui est utilisée. Pour les consommateurs, l'image joue un rôle important, ils ne substitueront très probablement pas un service de moyenne gamme à un service haut de gamme. Le prestige et l'image de luxe sont ici déduits d'une série d'éléments que seuls les six hôtels ont en commun, ce qui les distingue de la catégorie des quatre étoiles luxe. Ces éléments sont les suivants : une adresse prestigieuse, un personnel nombreux dédié au service de la clientèle, un ensemble de services annexes de luxe, un restaurant de prestige, une proportion de suite élevée dont certaines très prestigieuses par leur taille, leur décoration ou leur histoire C'est en cela qu'ils forment un marché pertinent, car tout client ne pouvant pas obtenir une chambre dans un de ces six hôtels ne se tournera pas vers un autre, car aucun autre ne pourra leur être substitué étant donné que seuls les six possèdent les critères cités suscitant tout l'intérêt des touristes. [...]

[...] Les requérants avancent que le marché pertinent a été réduit à tort à leurs six établissements, car d'autres établissements sont dans une situation similaire à la leur. Ils reprochent aussi aux juges une mauvaise appréciation de la substituabilité de la demande. Quant à la qualification de la substituabilité de l'offre, les établissements critiquent la qualification de palace et contestent la pertinence du critère tiré du revenu moyen par chambre. Il s'agissait ici de délimiter les contours du marché pertinent dans lequel se trouvaient les six hôtels auteurs d'une entente. [...]