Pour le Conseil de la concurrence, l'adage selon lequel « c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » trouve à s'appliquer en matière de distribution sélective. La décision du Conseil de la concurrence en date du 24 juillet 2006 relative à la distribution des montres commercialisées par Festina France en est une illustration.
En l'espèce, la société Bijourama spécialisée dans la vente sur Internet de produits de l'horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie saisit le Conseil de la concurrence, reprochant le refus de Festina France à sa demande d'agrément en vue d'intégrer le réseau de distribution sélective du groupe Festina Lotus en France. La société Festina France avait pourtant justifié son refus par le fait que Bijourama constituait une entreprise utilisant exclusivement des sites Internet comme moyen de vente, ne disposant pas de point de vente physique. La société Bijourama s'estime victime de traitement discriminatoire illicite dès lors que Festina France exclut une forme de distribution. Elle assortit sa saisie d'une demande accessoire de mesures conservatoires.
Le Conseil de la concurrence, dans son évaluation préliminaire des pratiques alléguées, relève que Festina ne prescrivait aucune règle applicable à la vente sur Internet, dans son contrat-cadre de distribution, alors que des autorisations ponctuelles étaient accordées à certains distributeurs disposant de magasin et déjà agréés, ce qui pouvait conduire à constituer des discriminations voir des restrictions de concurrence. Le Conseil exprime vivement « des préoccupations de concurrence ». C'est pourquoi, la société Festina France s'engage à présenter un nouveau contrat de distribution par le biais de la procédure d'engagement.
[...] Une question se pose ; la rigueur des conditions du contrat de vente à distance n'a-t-elle pas pour effet d'exclure la distribution via Internet et de constituer une restriction de concurrence prohibée ? La crainte est qu'une exclusion indirecte du mode de distribution par Internet peut être appliquée par le biais du contrat à distance qui prescrit des exigences inapplicables, permettant une protection du réseau de distribution traditionnel. [...]
[...] Ainsi, le Conseil de la concurrence motive implicitement sa décision par l'effet protecteur du marché qu'engendre la distribution sélective de Festina France. Cependant, les vertus protectrices de concurrence de la décision sont limitées. II. Une décision aux vertus protectrices de concurrence limitées L'admission par le Conseil de la concurrence de l'exclusion des ventes exclusivement Internet est motivée paradoxalement par la volonté de protéger la concurrence. La limitation de la concurrence inhérente au système de distribution sélective peut permettre d'atteindre un résultat de nature à améliorer la concurrence. [...]
[...] De même, seront exclues de notre étude les nouvelles dispositions relatives aux contrôles des publicités et liens Internet proposés par Festina France. Enfin, l'application du règlement communautaire 2790/1999 ne sera pas discutée, l'affectation du commerce entre Etats membres est envisagée comme acquis. Notre analyse sera donc concentrée, globalement, sur ce qui est relatif aux clauses de distribution sélective et spécifiquement, sur les questions relatives aux critères qui peuvent être mis en œuvre au sein d'un réseau de distribution sélective. L'intérêt de la décision réside en ce qu'elle cherche un équilibre entre la liberté d'organisation du mode de distribution des fabricants et la prohibition de la distribution discriminatoire qui a pour objet et pour effet d'affecter le fonctionnement du marché. [...]
[...] Le Conseil de la concurrence se rapproche, ici, de la jurisprudence communautaire. En effet, le Conseil de la concurrence lui-même rappelle que la Commission a autorisé le système de distribution sélective de la société Yves Saint Laurent Parfums (YSLP) en indiquant qu'elle considère qu'une interdiction de vente par Internet même dans un système de distribution sélective est une restriction de vente aux consommateurs qui ne pourrait être couverte par le règlement 1999 et précisant que YSLP satisfait aux conditions d'exemption du règlement communautaire en fixant des critères de sélection autorisant ses détaillants agréés, exploitant préalablement un point de vente physique, à vendre leur produit également par Internet La jurisprudence communautaire est d'autant plus importante qu'elle constitue un élément utile pour l'autorité nationale de concurrence. [...]
[...] Quels critères sélectifs mis en œuvre au sein d'un réseau de distribution sont acceptés par le Conseil de la concurrence ? La décision du Conseil de la concurrence interdit une restriction totale de la vente via Internet mais autorise une restriction catégorielle. Paradoxalement, le Conseil de la concurrence admet que la distribution sélective peut protéger la concurrence en évitant les risques du parasitisme et respectant l'image de marque du fabricant. Néanmoins, les vertus protectrices de concurrence de la décision apparaissent limitées notamment, eu égard aux conditions strictes du sous-contrat de vente à distance. I. [...]
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