« La loi du 26 juillet 2006, dans la continuité des textes antérieurs, et sous l'influence du droit américain, place le plan de sauvegarde au centre du dispositif de sauvetage » . Mais que deviendrait l'esprit d'une loi, si, par la suite, les juges n'en faisaient pas une application conforme à la volonté du législateur ? Il est évident qu'une loi ne peut parvenir à son objectif, seule. Les tribunaux ont la lourde charge de veiller à son esprit. Fort heureusement, les juges en ont conscience.
Telle est d'ailleurs la conclusion à laquelle sont arrivés plusieurs auteurs, lors de leurs commentaires, des deux arrêts rendus le 26 juin 2007, par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. L'évocation simultanée de ces deux décisions s'impose, tant leurs solutions respectives se ressemblent et se complètent. D'ailleurs, il pouvait difficilement en être autrement, étant donné que les faits, et même l'une des parties, sont similaires. Plus précisément, ces deux arrêts, dont était saisie la Cour de cassation, concernaient des tierces oppositions, formées par la société Euler Herles Sfac, l'assureur crédit des fournisseurs des sociétés en cause, à l'encontre des ouvertures des plans de sauvegarde judiciaire, sollicitées par les sociétés Photo service, et N. Schlumberger. Les juges du fond ainsi que les cours d'appel avaient respectivement fait droit aux requêtes des sociétés débitrices, engendrant, de fait, les pourvois de l'assureur.
[...] Comme le souligne Corinne Regnaut-Moutier, cette solution apparait comme un compromis entre la nécessité d'une intervention judiciaire pour vérifier l'existence des conditions légales, et la sécurité qui doit permettre à la procédure, une fois ouverte, de développer tous les effets salvateurs attendus, sans remise en cause résultant de hasards procéduraux Toutefois, une vision plus critique peut être envisagée. La Cour aurait pu retenir le jour où le tribunal est saisi. Les juges n'auraient, pour statuer, que pris en compte les éléments antérieurs à la saisine du tribunal. [...]
[...] Subsidiairement, la Cour est appelée à préciser sa position par rapport à de telles difficultés. Ces arrêts, en tant que pionniers, quant à la mise en œuvre de la loi instituant la procédure de sauvegarde, éclairent les praticiens, et les auteurs, sur les nombreuses questions suscitées par ce texte. Les juges du fond disposent-ils d'un pouvoir souverain d'appréciation de ces difficultés ? Quels éléments peuvent-ils être pris en compte pour décider de l'ouverture d'une sauvegarde ? . Autant de controverses auxquelles la Cour tente de mettre un terme. [...]
[...] Or, pendant ce laps de temps, la cessation des paiements avait pu intervenir, de sorte que les juges prononceraient l'ouverture de la sauvegarde, alors que la société ne remplit plus les conditions légales. Face à cet inconvénient majeur, la Cour de cassation a opté pour une autre solution, qui consiste à apprécier la situation de la débitrice, le jour où il est procédé à l'ouverture de la sauvegarde. Cette solution, affirmée laconiquement et sans ambiguïté, se retrouve dans les deux arrêts. La lacune législative est indéniablement comblée. Rappelons que cet arrêt a fait l'objet d'une publication dans le rapport annuel, ainsi qu'au bulletin. Aucun doute n'est donc permis. [...]
[...] Une fois encore, la solution mérite d'être saluée. En effet, seule l'appréciation des difficultés au jour où il est procédé à l'ouverture de la sauvegarde est adéquate. L'un des moyens du pourvoi mettait en avant le jour où la juridiction statue, à l'instar des procédures de redressement ou de liquidation. Dans cette optique, si des évènements, qui se sont produits entre la décision qui fait l'objet du recours, et l'audience, ont pu mettre un terme aux difficultés de l'entreprise, abolissant la menace de la cessation des paiements, la cour d'appel doit rejeter la demande d'ouverture. [...]
[...] D'une part, le juge devra s'assurer de l'existence réelle des difficultés. A priori, cette prérogative, en ce qu'elle revient à examiner les faits, relève du pouvoir exclusif des juges du fond. Toutefois, la Cour de cassation s'octroie un certain pouvoir dans la vérification de ces difficultés D'autre part, il sera tenu d'apprécier leur qualité, plus précisément, sa recherche devra se porter sur la possibilité que de telles difficultés conduisent la société à la cessation des paiements Or, sur ces deux points, il est possible de tirer des enseignements des arrêts commentés. [...]
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