Le mécanisme de sanction de la faute de gestion est traduit par l'article L651-2 du Code de commerce, qui fait supporter aux dirigeants tout ou partie des dettes de la société du fait de l'insuffisance d'actifs, mis en lumière par un plan de sauvegarde de la société (redressement judiciaire ou liquidation). C'est exactement ce dont traitent les arrêts soumis à notre commentaire.
Quels étaient les faits ? Dans l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 23 novembre 1999, le dirigeant d'une société mise en liquidation judiciaire condamné par la Cour d'appel à combler l'insuffisance d'actif de sa société en raison d'une faute de gestion de sa part conteste cette décision aux motifs que les pertes étaient dues à des causes extérieures et qu'il avait la possibilité de redresser la situation. Les faits de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 14 décembre 2006 et de la cour d'appel d'Aix-en-Provence sont similaires : deux gérants de sociétés en liquidation judiciaire et en redressement judiciaire sont condamnés respectivement à supporter le passif et à combler l'insuffisance de l'actif en raison de fautes de gestions commises par ceux-ci. Les faits de l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 20 octobre 1983 sont quelque peu différents : deux gérants démissionnaires et deux nouveaux gérants sont poursuivis par leur administrateur judiciaire en comblement du passif et en dommages-intérêts donc sur deux fondements différents. Dans l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 16 octobre 2001, le gérant d'une société en liquidation judiciaire est condamné à payer des dettes sociales en raison de la continuation de l'activité malgré l'augmentation des pertes et de son omission fautive de libérer le capital social. Enfin, dans l'arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 1996, il est aussi question de la condamnation des dirigeants de droit et de fait d'une société en liquidation judiciaire en raison de leurs fautes de gestion au moment de la création de la société.
Au vu de ces arrêts, il convient de se demander en quoi le capital social d'une société peut-il être affecté par la faute de gestion du dirigeant, nuisant ainsi à celle-ci et engageant la responsabilité de celui-là.
[...] Au-delà des aléas économiques conjoncturels, les choix et omissions des dirigeants (surtout de droit, mais éventuellement de fait) peuvent avoir des conséquences douloureuses pour la société et son environnement (créanciers, salariés Ainsi, la responsabilité du dirigeant peut être engagée en cas de faute de gestion. Outre les cas de déloyauté ou de violation de la loi (abus de biens sociaux par exemple), elle se rattache à deux comportements : l'inaction et l'action malheureuse. Dans tous les cas, le dirigeant commet une faute lorsque ses agissements apparaissent contraires à l'intérêt de la société. [...]
[...] Les décisions du 19 mars novembre 1999 et 16 mai 2001 s'appuient sur l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 pour fonder leur solution, l'arrêt du 14 décembre 2006 sur l'article L624-3 du Code de commerce. Aujourd'hui, il s'agit de l'article L651-2 du Code de commerce. Quelles conditions de fond suggère-t-il ? Afin d'engager la responsabilité du dirigeant, la société doit être sous le coup d'un plan de sauvegarde, c'est-à-dire d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire. C'est une procédure qui intervient lorsque le passif exigible est supérieur à l'actif disponible de l'entreprise et lorsque son redressement est impossible. [...]
[...] Plus particulièrement, il lui est fait grief de ne pas avoir libéré le capital social la première année (même si la loi ne l'oblige pas), avant donc l'expiration du délai légal de 5 ans. Cette solution vient ainsi sanctionner les dirigeants passifs, péchant par omission. Il est à noter que dans certains cas, les tribunaux acceptent un investissement important et une longue période d'activité déficitaire sans relever de caractère fautif (exemple : CA Paris novembre 1993). L'on voit donc bien que les fautes de gestions sont diverses et variées, et peuvent intervenir à des moments différents. [...]
[...] L'arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 1999 illustre bien le cas de la faute de gestion due à la poursuite d'une activité déficitaire, alors même que le demandeur au pourvoi, gérant d'une société, invoquait le fait que des contrats futurs allaient rétablir une situation stable. Il en va de même avec l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens qui a condamné le dirigeant d'une société d'édition à supporter le passif de sa société en raison d'une faute de gestion qualifiée par un maintient de l'activité nonobstant les résultats déficitaires ainsi que de la légèreté et de la négligence dans la gestion de son affaire. [...]
[...] En l'espèce, celle-ci a admis, pour des raisons d'efficacité, le cumul de deux actions qui visent chacune deux types de gérant et la réparation d'un préjudice différent : l'action fondée sur l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966 permet de réparer le préjudice subi par la société et de reconstituer le patrimoine social à concurrence de la perte comptable relevée dans les jours suivants la démission. Les pertes ayant augmenté, l'action en comblement exercée contre les nouveaux gérants permet d'obtenir une somme équivalente à la différence entre l'insuffisance d'actif et les dommages-intérêts. Le résultat des deux actions permet de réparer le même préjudice. [...]
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