Au fil des décisions, la compensation des dettes connexes affirme progressivement les termes de son autonomie. La Chambre commerciale de la Cour de cassation par les arrêts en date du 10 mai 2000 et du 19 mai 2005 poursuit cette minutieuse composition en précisant les conditions dans lesquelles une telle compensation peut opérer, en cas de procédure collective, entre des créances et dettes nées d'une pluralité de conventions.
En l'espèce, une société est mise en redressement judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan de cession et mandataire ad litem de cette société demande à son débiteur (société) qu'il lui verse une somme en règlement de marchandises commandées par le débiteur et payées par la société mise en redressement mais non remboursé par le débiteur. Mais la société débitrice invoque la compensation de cette dette avec une somme correspondant à des ‘avances de paiement'.
Les juges du fond accueillent la demande en compensation de la société débitrice. La société mise en redressement judiciaire forme un pourvoi en cassation dans lequel elle reproche à la Cour d'appel d'avoir violé l'article 1134 du Code civil car les sommes inscrites au compte courant constituent des sommes destinées à assurer le fond de roulement de la coopérative et s'analysent en une créance immobilisé de l'actionnaire qu'il ne peut récupérer qu'à son départ ou à la liquidation de la société. De plus le pourvoi invoque le fait que les créances étaient distinctes et non connexes et donc qu'il ne peut y avoir de compensation sans violation de l'article 1289 du Code civil.
Dans la deuxième espèce, il s'agit d'une clinique qui est condamnée par une décision du 5/04/95 à payer des dommages et intérêts pour rupture abusive d'un contrat d'exercice médicale et une somme au titre des indemnités contractuelles venant réparer la perte de son droit de céder le contrat. Le bénéficiaire de cette décision fait pratiquer le 9/05/95 une saisie-attribution en paiement de cette créance. Puis la clinique est mise en redressement judiciaire, le 08/06/95 le médecin déclare sa créance. Mais le 13/01/1998 la Cour de cassation casse et annule l'arrêt du 5/04/95, la saisie attribution est finalement annulée par une Cour d'appel en 99 et la Cour d'appel de renvoi fixe à 600 000 F la créance du médecin sur la clinique et le commissaire à l'exécution du plan de la clinique assigne le médecin en restitution de somme indûment perçue au titre de la saisie-attribution. Le médecin forme un pourvoi en cassation dans lequel il estime qu'une créance de restitution est susceptible de compensation avec la dette résultant de la condamnation prononcée par la cour d'appel de renvoi. De plus le demandeur estime que les créances sont connexes car elles procèdent toutes deux de l'indemnisation du préjudice subi par le médecin à la suite de la résiliation abusive de son contrat d'exercice par la clinique. Et enfin le pourvoi énonce que la restitution de sommes versées en exécution d'une décision cassée ne peut prospérer que dans la limite de ce qui a été indûment versé ensuite de l'annulation de cette décision.
Ces deux décisions posent la question de savoir comment on peut se faire payer une créance née avant le jugement d'ouverture d'une procédure collective ? Et plus précisément : quelles sont les conditions requises pour établir la compensation de deux créances ?
Les deux arrêts confirment le principe selon lequel des créances se compensent lorsqu'elles sont connexes mais ils viennent également délimiter le champ d'application de la connexité.
Nous verrons à travers l'étude de ces arrêts que l'exception au principe d'interdiction du paiement des créances antérieures est réaffirmé (I) avant d'étudier plus précisément le champs d'application de la connexité (II).
[...] On en conclut qu'il n'est pas indispensable qu'un contrat-cadre ait été formellement conclu par les parties dès lors qu'existent des conventions servant elles-mêmes de cadre aux relations contractuelles et constituant en fait les éléments d'un même ensemble dans l'intention des contractants. Mais si à la lecture du premier arrêt on peut penser que la Cour de cassation a une interprétation large de la connexité à la lecture du second arrêt, on constate que cette interprétation est restrictive quant à la naissance des dettes connexes. Restrictif quant à l'origine de la compensation Le deuxième arrêt pose la question de l'origine des dettes qui se compensent. [...]
[...] C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, la réciprocité figure dans la définition même de l'article 1289 du Code civil et ni l'accord des parties ni la connexité des dettes ne peut y suppléer. L'arrêt du 10 mai 2000 vient illustrer le principe selon lequel l'existence de dettes connexes permet de faire échec à la prohibition du paiement des créances antérieures à l'ouverture de la procédure. La connexité apparaît de cette façon comme une sorte de passe–partout »ouvrant la porte à la compensation là ou celle-ci devrait en principe rester clause. [...]
[...] Mais la question qui se pose réellement est de savoir quelle est l'étendue du champ d'application de la connexité ? II/ L'étendue du champ d'application de la connexité L'étendue du champ d'application de la connexité semble être extensif quant aux conditions d'application et restrictif quant à l'origine de la compensation. A)Extensif quant aux conditions d'application La jurisprudence a en principe une interprétation assez large de la notion de connexité, en effet elle considère que sont connexes des créances qui résultent de l'exécution d'un même contrat, ou des créances et des dettes qui se trouvent inscrites dans un même compte. [...]
[...] Nous sommes dans cette espèce en présence d'une créance contractuelle et d'une dette délictuelle. Il semble que la Cour de cassation estime que des dettes qui n'ont pas la même origine (pas le même fondement) ne se compensent pas entre elles. Cette décision apporte donc une conception restrictive de la compensation des dettes connexes alors qu'il est vrai qu'à la lecture du premier arrêt on aurait pu penser que la Haute juridiction avait une conception souple de la connexité. Ensuite, on peut se demander si cet arrêt ne consacre pas également la distinction qui existe entre la conception des termes naissance et origine car la loi parle bien de naissance de la dette et non d'origine Or dans cette espèce il semble bien que les créances aient une origine commune : la relation contractuelle entre les parties (le contrat de travail). [...]
[...] Donc tout d'abord on constate que le pourvoi est rejeté car la Cour de cassation estime que la dette n'est pas connexe. Pourquoi ces dettes ne sont pas connexes ? Les juges posent le principe qu'une créance contractuelle n'est pas connexe à une dette fondée sur une décision judiciaire. On peut tout d'abord penser que ces dettes ne sont pas connexes car leur origine n'est pas identique. En effet on a d'abord une dette tirée d'un contrat alors que la seconde dette tirée d'une décision judiciaire est une dette d'origine délictuelle. [...]
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