Dans l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 27 février 1996, un cessionnaire dirigeant d'une société (M.Vilgrain) a été chargé par les autres associés, sans que la cédante le su, de rechercher un acquéreur de leurs titres. Il acheta des actions au prix de 5650 F pièce, et quatre jours plus tard les autres associés et lui cédèrent leurs titres à un tiers pour le prix de 8800F. La cédante estime alors avoir été victime d'une réticence dolosive et demande alors réparation du préjudice. En effet, si la cédante avait connu cette circonstance, elle n'aurait certainement pas contracté dans les mêmes conditions.
La cour d'appel condamne le cessionnaire à payer à la cédante une indemnité pour avoir manqué au devoir de loyauté. Le cessionnaire se pourvoit donc en cassation.
Dans notre seconde affaire, l'arrêt de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation du 3 mai 2000, une personne a vendue aux enchères publiques 50 photographies de Baldus au prix de 1000F chacune. Trois ans plus tard, elle vend au même acquéreur 35, puis 50 autres photographies du photographe au même prix. La vendeuse apprend ensuite que ses photographies étaient d'une extrême valeur, de par la notoriété de Baldus. Elle assigne donc son acquéreur, qui lui connaissait la valeur véritable des photographies, en nullité des ventes.
La cour d'appel fait droit à sa demande et condamne l'acquéreur pour violation de l'obligation de contracter de bonne foi. L'acquéreur se pourvoit donc en cassation.
Nos deux affaires ont donc un point commun. Dans les deux cas, il s'agit d'un acquéreur (ou cessionnaire) qui se pourvoit en cassation car il a été condamné pour un défaut d'information du vendeur (ou du cédant) sur la chose vendue (ou cédée). Cela nous amène donc à nous poser une question de droit commune aux deux affaires : une obligation d'information pèse t'elle sur l'acquéreur (ou le cessionnaire) ?
La Cour de cassation ne répond pas dans le même sens dans les deux affaires. Dans notre « affaire Baldus » elle casse l'arrêt rendu pas la cour d'appel au motif « qu'aucune obligation d'information ne pèse sur l'acheteur ». Au contraire, dans « l'affaire Vilgrain » elle rejette le pourvoi, elle reconnaît donc implicitement une obligation d'information du cessionnaire.
Il conviendra donc d'étudier comparativement ces arrêts afin de comprendre le raisonnement de la Cour de cassation. Notons que l'arrêt de la 1ère Chambre civile a été rendu quatre ans après celui de la Chambre commerciale
[...] Cependant si on se place dans une volonté de protection de la partie la plus faible, la solution de l'arrêt de la 1ère Chambre civile n'est pas satisfaisante. En l'espèce, la venderesse ayant vendu ses photographies 1000F en 1986 dans une vente aux enchères (donc sous l'égide d'un commissaire priseur), pouvait-elle imaginer que ces dernières vaudraient trois ans après plus de 23.000 F ? La Cour de cassation, en refusant d'annuler les ventes, ne montre aucune volonté de protection de la partie la plus faible, au peut être considère t'elle au contraire, que cette augmentation de prix était prévisible et que finalement, la venderesse s'est montrée négligente. [...]
[...] Elle assigne donc son acquéreur, qui lui connaissait la valeur véritable des photographies, en nullité des ventes. La cour d'appel fait droit à sa demande et condamne l'acquéreur pour violation de l'obligation de contracter de bonne foi. L'acquéreur se pourvoit donc en cassation. Nos deux affaires ont donc un point commun. Dans les deux cas, il s'agit d'un acquéreur (ou cessionnaire) qui se pourvoit en cassation car il a été condamné pour un défaut d'information du vendeur (ou du cédant) sur la chose vendue (ou cédée). [...]
[...] Cette espèce à lieu entre deux associés, ce qui pose un cadre spécifique à la cession. Il existe en effet une devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société à l'égard de tout associé La Cour de cassation donne portée générale à ce principe et estime donc qu'il justifie de retenir l'existence d'une réticence dolosive. Ainsi, si la cession avait eu lieu au profit d'un tiers, l'obligation d'information n'aurait pas joué. C'est donc cette situation spéciale qu'est le rapport entre associés et dirigeants qui permet de prendre en compte une erreur sur la valeur de la chose, alors qu'elle n'est pas retenue dans l'arrêt de la 1ère Chambre civile. [...]
[...] Une solution de l'arrêt de la 1ére Chambre civile qui ne reconnaît pas d'obligation d'information à l'acheteur 1. Une solution en faveur d'une sécurité juridique La Cour de cassation se base sur le respect de la parole donnée et la sécurité des transactions. Dans cet arrêt, la Cour de cassation s'écarte de la conception classique de la notion de dol qui exige de l'acquéreur un comportement conforme à une certaine règle morale empreinte de solidarité, puisqu'elle ne reconnaît pas la réticence dolosive et refuse d'annuler les ventes malgré le silence de l'acquéreur sur des éléments qui auraient modifié le consentement de la venderesse Dans cet arrêt, la Cour occulte l'obligation de bonne foi contractuelle La 1ère Chambre civile aurait refusé de mettre à la charge de l'acheteur une obligation d'information parce que celle-ci aurait eu pour objet la valeur de la chose. [...]
[...] Civ.1ere 3 mai 2000 et cass. com février 1996 Dans l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 27 février 1996, un cessionnaire dirigeant d'une société (M.Vilgrain) a été chargé par les autres associés, sans que la cédante le su, de rechercher un acquéreur de leurs titres. Il acheta des actions au prix de 5650 F pièce, et quatre jours plus tard les autres associés et lui cédèrent leurs titres à un tiers pour le prix de 8800F. [...]
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