« Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité » :cette expression attribuée à Victor Hugo reflète très bien la corrélation que l'on peut aujourd'hui observer entre l'accroissement de la liberté d'entreprendre, et de surcroît des risques qui y sont associés, et l'alourdissement progressif de la responsabilité des entrepreneurs.
Les conditions propres à l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif créées par le nouvel article L.651-2 du Code de commerce diffèrent de celles de l'action en paiement pour insuffisance d'actif prévue à l'ancien article L. 624-3 du Code de commerce en ce que, notamment, les dirigeants ne peuvent faire l'objet d'une telle demande que lorsque la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif. Les six arrêts soumis à notre commentaire comparé, respectivement Cass. com. du 23.11.1999 ; CA AMIENS Ch. Eco du 14.12.2006 ; CA Aix-en-Provence ; Ch. 8 sect. A du 16.05.2001 ; CA ROUEN, 2ième Ch. Civ. du 20.10.1983 ; Cass. com. du 16.10.2001, etCass. com. du 19.03.1996, traitent du délicat sujet qu'est la responsabilité pour insuffisance d'actif.
La connaissance des faits, d'une part, et de la procédure de chacun de ces arrêts, d'autre part, est un préalable pour dégager une problématique et une solution commune.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 23 novembre 1999 un arrêt de rejet à l'encontre d'un dirigeant d'une société de construction qui avait assigné en justice le mandataire liquidateur de sa société, estimant que de bon droit il était en mesure de poursuivre l'activité de son entreprise, du fait des bénéfices escomptés. Ce denier fût débouté par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix en-Provence en date du 23 janvier 1997. Le dirigeant faisait alors grief aux juges d'appel de l'avoir condamné à combler l'insuffisance d'actif de la société alors en liquidation judiciaire bien que son exploitation escomptait des bénéfices.
L'arrêt confirmatif rendu par la Chambre économique de la Cour d'appel d'Amiens en date du 14 décembre 2006 s'inscrit dans la continuité de celui de la Cour de cassation en date du 23 novembre 1999. Par un jugement du 14 mai 2004 du tribunal de commerce d'Abbeville la liquidation judicaire d'une société d'édition est prononcée et un liquidateur nommé. Ce dernier assigne le dirigeant de la dite société en paiement du passif de la société du fait de ses fautes de gestion, le dirigeant est condamné par jugement du tribunal de commerce d'Abbeville le 09 décembre 2005, de ce fait il interjette appel devant la Cour d'appel d'Amiens. Le dirigeant dénonce le caractère déraisonnable du bilan prévisionnel, le liquidateur pour sa part, met en exergue la faute de gestion du fait de l'insuffisance de capital social et de la poursuite de l'activité déficitaire.
Ces faits précédemment évoqués sont assez similaires à ceux dont la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a eu à traiter dans son arrêt confirmatif en date du 16 mai 2001. Ainsi le gérant d'une S.A.R.L. en liquidation judiciaire est assigné en justice par un liquidateur judiciaire afin de supporter la charge de l'insuffisance d'actif de la société. Le tribunal de Fréjus dans son jugement en date du 8 juillet 1996 accueil favorablement la demande, le dirigeant est alors condamné à supporter la charge de l'insuffisance d'actif de la société de ce fait. Le dirigeant interjette alors appel contestant le montant du passif, le défendeur s'appuie sur la « légèreté (des) capitaux propres ».
L'arrêt confirmatif de la 2ième Chambre civile de la Cour d'appel de Rouen en date du 20 octobre 2001est prononcé à l'encontre de trois consorts ayants constitués une société. En effet, la liquidation de biens ayant révélé une insuffisance d'actif suite à des fautes de gestion, le syndic de la liquidation des biens a assigné les gérants en justice. D'une part, une première action tend en la condamnation des gérants au paiement de la somme de l'insuffisance d'actif révélée pour fautes de gestion, et d'autre part une seconde tend à faire supporter tout ou partie de cette insuffisance d'actif aux mêmes gérants. Les gérants interjettent appel sur le fondement de l'acte d'abandon des biens de la succession d'un des consorts. Le syndic de la liquidation des biens forme un appel reconventionnel formé en tout état de cause sur l'appel des gérants et demande la condamnation in solidum des deux consorts responsables sur le fondement de l'article 52 de la loi de 1966, puis la condamnation solidaire des deux autres consorts sur le fondement de l'article 99 de la loi de 1967 au titre du comblement du passif social.
L'arrêt de rejet de la Chambre commerciale du 16 octobre 2001 concerne la liquidation judiciaire d'une société de nettoyage. Le tribunal de commerce condamne le dirigeant de la dite société au paiement des dettes sociales. Le dirigeant forme dès lors un pourvoi en cassation faisant grief à l'arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Versailles du 6 novembre 1997 de ne pas avoir caractérisé l'existence d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance de l'actif et permettant la condamnation du gérant à supporter tout ou partie des dettes de la personne morale. De surcroît il est fait grief aux juges d'appel de s'être limités à préciser que les fautes de gestion ont contribué à l'augmentation du passif, s'opposant dès lors aux dispositions de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 qui disposent qu'il n'est pas essentiel de rapporter la contribution de la faute de gestion sur l'insuffisance d'actif.
Au visa de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rend un arrêt de cassation en date du 19 mars 1996. Ce dernier intéresse une société mise en redressement puis en liquidation judiciaire. Un liquidateur de la procédure collective a assigné les différents protagonistes ayant la qualité de dirigeants de droit ou de fait de la société en paiement de l'insuffisance d'actif. La demande est rejetée par arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence le 9 décembre 1993, l'appréciation des erreurs alors commises étant incorrecte.
Si l'article L. 651-2 du Code de commerce précise le mécanisme de la responsabilité pour insuffisance d'actif, il n'en est pas de même de la qualification de la faute de gestion, ainsi dans quelles circonstances la jurisprudence admet-elle la faute de gestion susceptible d'entraîner la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant ?
Dans une volonté commune, la Cour d'appel et la Cour cassation s'attachent à encadrer la nature de la faute pour gestion. Le dirigeant qui crée une société sans apporter de fonds propres suffisants pour assurer le bon fonctionnement et qui a poursuivi l'activité de la société sans prendre aucune mesure pour remédier à cette insuffisance de son propre commet ainsi une faute de gestion. La jurisprudence des six arrêts objet de notre étude s'accorde dans les conditions de recevabilité de la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d'actif.
La négligence, le défaut d'apport, la poursuite d'une exploitation déficitaire ou encore l'impossibilité de faire face aux charges courantes exposent ainsi le dirigeant à supporter l'insuffisance d'actif, faut-il encore que la faute de gestion émane de sa personne.
L'étude des conditions de fond du prononcé de la responsabilité pour insuffisance d'actif au sens de l'article L. 651-2 du Code de commerce, est un préalable à l'examen des conditions de fond du prononcé de la responsabilité pour insuffisance d'actif, par les juges d'appel et de cassation.
[...] Ces faits précédemment évoqués sont assez similaires à ceux dont la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a eu à traiter dans son arrêt confirmatif en date du 16 mai 2001. Ainsi, le gérant d'une S.A.R.L. en liquidation judiciaire est assigné en justice par un liquidateur judiciaire afin de supporter la charge de l'insuffisance d'actif de la société. Le tribunal de Fréjus dans son jugement en date du 8 juillet 1996 accueille favorablement la demande, le dirigeant est alors condamné à supporter la charge de l'insuffisance d'actif de la société de ce fait. [...]
[...] L'arrêt du 15 décembre 2006 de la Cour d'appel d'Amiens met en exergue sur ce point l'insuffisance du capital social dès la constitution de ladite société. Ainsi, la constatation de l'insuffisance d'actif pour former la société, et ce, avant même que cette insuffisance n'ait produit ses effets sur l'exercice de l'activité, est suffisante pour caractériser la responsabilité du dirigeant. En l'espèce c'est alors la poursuite de l'activité déficitaire qui constitue la faute de gestion, de surcroît la responsabilité du dirigeant est démontrée. [...]
[...] Les juges du fond ayant libre pouvoir d'appréciation sur le quantum de la condamnation n'ont pas d'obligation de corréler le montant de la condamnation au degré de contribution de la faute de gestion à la réalisation du préjudice (Cass. com .2001). La condamnation peut donc être totale alors que la faute n'a contribué que partiellement à la réalisation du préjudice. Par ailleurs, la Cour d'appel de Rouen dans son arrêt en date du 20 octobre 1983 stipule que la responsabilité du dirigeant peut être écartée, ce dernier a cependant la charge de la preuve de la bonne administration des affaires sociales. [...]
[...] La connaissance des faits, d'une part, et de la procédure de chacun de ces arrêts, d'autre part, est un préalable pour dégager une problématique et une solution commune. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 23 novembre 1999 un arrêt de rejet à l'encontre d'un dirigeant d'une société de construction qui avait assigné en justice le mandataire liquidateur de sa société, estimant que de bon droit il était en mesure de poursuivre l'activité de son entreprise, du fait des bénéfices escomptés. Ce denier fût débouté par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 23 janvier 1997. [...]
[...] De la sorte, la Cour de cassation (Cass. com .1996) casse est annulé l'arrêt de la Cour d'appel qui établie une causalité entre, d'une part le mauvais choix de l'activité économique de la société et, d'autre part, l'insuffisance d'actif. Outre le fait que cette jurisprudence exclue du domaine de la faute de gestion l'erreur du choix économique de la société, elle renforce l'obligation du lien de causalité qui doit exister entre ladite faute et l'insuffisance d'actif. Plus largement le panel d'arrêt proposé n'échappe pas à l'exigence du lien de causalité, ce dernier apparaît être comme la clef de voute du prononcé de la responsabilité pour insuffisance d'actif. [...]
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