Le maintien de l'ordre public est le but poursuivi par la police administrative, qu'elle soit générale ou spéciale, et ce de manière préventive. Si l'on se réfère à la définition de l'ordre public donnée à l'article L 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, les autorités administratives sont investies de pouvoirs qui leur permettent de garantir le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Mais le juge administratif exerce un contrôle juridictionnel sur ces mesures de police administrative, selon les circonstances de fait, de lieu, de moment ou selon les moyens de police dont disposait l'autorité pour garantir l'ordre public. Par conséquent, les pouvoirs de police, en l'occurrence des maires, sont limités par ce contrôle juridictionnel qui tend à sanctionner de telles mesures lorsqu'elles semblent porter atteinte aux libertés fondamentales.
En la circonstance, les maires de Nevers et d'Annecy, tous deux détenteurs d'un pouvoir de police générale, et le président de la communauté d'agglomération annécienne avaient interdit la tenue dans leur ville d'une réunion publique susceptible de troubler l'ordre public, le premier par deux arrêtés municipaux et les deux second par deux lettres, mesures de gestion de la propriété communale. René Benjamin dont la conférence littéraire avait été interdite, déféra avec la Société des gens de lettres au Conseil d'Etat les deux arrêtés du maire de Nevers pour violation des lois des 30 juin 1881 et 28 mars 1907 garantissant la liberté de réunion, afin d'obtenir l'annulation de ces actes administratifs entachés selon eux d'excès de pouvoir. De même, le parti politique du Front national, à qui la location de l'Hôtel Impérial avait été refusée par le maire d'Annecy et le président de la communauté d'agglomération pour la tenue de son université d'été, réunion publique, forma un référé liberté avec l'institut de formation des élus locaux (IFOREL) en vertu de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative. Ils se fondaient sur une « atteinte grave et manifestement illégale » à leur liberté fondamentale de réunion. Ils espéraient ainsi obtenir la suspension des lettres litigieuses ainsi que l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 9 août 2002 qui rejetait leur demande, et enfin une astreinte de 1 000 euros par jours de retard aux autorités administratives en tord.
Dans le premier cas, bien que la conférence littéraire fût de nature à susciter quelques troubles, le Conseil d'Etat estima qu'ils ne risquaient pas d'être tels que l'ordre ne pût être maintenu compte tenu des effectifs de la police. Dans le second cas, près de soixante dix ans plus tard, le Conseil d'Etat censura les mesures litigieuses, car vraisemblablement la réunion ne présentait pas de danger pour l'ordre public, mais plus encore, parce que les autorités de police locales auraient suffit à maintenir un quelconque trouble. Ainsi, les mesures portaient une « atteinte grave et manifestement illégale » à la liberté de réunion. Dans ses décisions des 19 mai 1933 et 19 août 2002, le juge administratif, après avoir vérifié la recevabilité des requêtes, censura ces deux mesures de police administrative entachées d'excès de pouvoir et qui violaient une liberté fondamentale.
En 2002, la haute juridiction a ainsi approfondi sa jurisprudence Benjamin en limitant encore les pouvoirs de police administrative détenus par les autorités publiques. Il convient donc d'examiner ce contrôle du juge administratif qui s'est à chaque fois demandé si dans les faits, une mesure de police pouvait interdire une réunion publique, violant ainsi la liberté fondamentale de réunion. Etablissant une règle de la proportionnalité par un contrôle des circonstances de fait et favorisant largement la liberté de réunion (I), le Conseil d'Etat adopte des positions plus ou moins sévères selon les circonstances de faits et ne se montre pas très sévère à l'égard des autorités administratives qui ont pu abuser de leur pouvoir (II).
[...] Il s'agissait donc d'une mesure de gestion du patrimoine communal et non d'un arrêté de police. Le juge administratif, après avoir constaté que la réunion publique n'exposait pas l'ordre public à des dangers auxquels les autorités de police ne seraient pas en mesure de faire face par des mesures appropriées a ensuite constaté que les circonstances de lieu du litige ne justifiaient pas l'atteinte à la liberté fondamentale en question, car le parc de l'Hôtel pouvait rester ouvert pendant ladite réunion. [...]
[...] En 2002, la haute juridiction a ainsi approfondi sa jurisprudence Benjamin en limitant encore les pouvoirs de police administrative détenus par les autorités publiques. Il convient donc d'examiner ce contrôle du juge administratif qui s'est à chaque fois demandé si dans les faits, une mesure de police pouvait interdire une réunion publique, violant ainsi la liberté fondamentale de réunion. Etablissant une règle de la proportionnalité par un contrôle des circonstances de fait et favorisant largement la liberté de réunion le Conseil d'Etat adopte des positions plus ou moins sévères selon les circonstances de faits et ne se montre pas très sévère à l'égard des autorités administratives qui ont pu abuser de leur pouvoir (II). [...]
[...] Ainsi, le refus est légalement opposé s'il est nécessaire à l'administration des propriétés communales et si les exigences de l'ordre public le justifient. Le Conseil d'Etat a donc les moyens légaux pour limiter l'exercice des pouvoirs de police des autorités administratives, conformément à l'article L. 521-2 du Code de justice administrative. La sanction d'une atteinte à une liberté fondamentale n'est cependant pas très sévère, bien que la jurisprudence Benjamin ait dissuadé dans bien des cas les autorités administratives à restreindre les libertés publiques des citoyens. [...]
[...] Puis l'arrêt Benjamin viendra consacrer cette règle pour les cas d'interdiction de réunion. Ce contrôle particulièrement poussé consiste à vérifier non seulement s'il existe dans les circonstances de l'espèce une menace de trouble de l'ordre public, susceptible de justifier une mesure de police, mais encore si cette mesure est appropriée par sa nature et sa gravité à l'importance de la menace. Ainsi, le juge suprême examine de près les circonstances de fait, et on peut dire qu'il exerce ce contrôle de manière assez libérale. [...]
[...] En effet, on pouvait constater que les décisions d'annulation perdaient une grande partie de leur valeur lorsqu'elles intervenaient plusieurs années après la mesure d'interdiction. Comme l'illustre l'arrêt Benjamin dans lequel l'annulation de la décision de refus a été effective en 1993 pour une réunion interdite en 1930, après la formation d'un recours pour excès de pouvoir de René Benjamin, la situation peut avoir profondément évolué entre-temps et le préjudice politique et moral subi par les organisateurs de la réunion n'est guère atténué par l'annulation ou l'octroi d'une indemnité. [...]
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