« Faillite sur faillite ne vaut ». Cet adage est rappelé par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 19 avril 2005.
Il est particulièrement délicat de qualifier les relations financières nouées entre deux sociétés appartenant à un même groupe au regard de la question de la confusion des patrimoines.
L'enjeu de cette question est particulièrement important lorsque, comme en l'espèce, les dettes correspondent à des frais de dépollution d'un montant très élevé. L'arrêt du 19 avril 2005 en offre une illustration dans le cadre de l'affaire «Metaleurop ».
La SAS Metaleurop Nord (la SAS) ayant son siège à Noyelles-Godault était la filiale à 99% de la SA Metaleurop (la SA) et avait pour activité la production et la commercialisation de zinc et de plomb. Elle a été mise en redressement judiciaire le 28 janvier 2003, puis en liquidation judiciaire le 10 mars 2003.
Le 16 décembre 2004, la cour d'appel de Douai a étendu la procédure collective de la SAS à la SA sur le fondement de la confusion des patrimoines des deux sociétés.
Un pourvoi est formé au début de janvier 2005 et la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Douai le 19 avril 2005.
La question posée à la Cour de cassation portait sur l'existence d'une confusion de patrimoines entre une société mère et sa filiale.
La cour d'appel a d'abord retenu l'existence de conventions confiant à la société mère la gestion de la trésorerie et du risque de change : les gains puis les pertes résultant de l'exécution de ces accords de gestion avaient été répartis entre les diverses sociétés du groupe en proportion des opérations menées pour le compte de chaque société.
La cour d'appel a ensuite constaté des échanges de personnel. En effet, la SAS avait supporté la charge de deux de ses salariés qui exerçaient en réalité des fonctions de conseiller technique et de contrôleur de gestion pour l'ensemble des sociétés du groupe tandis que la direction de la production de plomb par la SAS sur le site de Noyelles-Godault était assurée par un salarié d'une autre société du groupe.
La cour d'appel a enfin relevé que la société mère avait fait face aux besoins de trésorerie de sa filiale en lui consentant des prêts à long terme et des avances de trésorerie assorties de reports d'échéances et de délais de remboursement.
Pour casser l'arrêt de la cour d'appel de Douai, la Cour de cassation a retenu que ces conventions de gestion de trésorerie et de change, ces échanges de personnel et ces avances de fonds ne révélaient pas des relations financières anormales de nature à établir une confusion entre les patrimoines des deux sociétés du groupe : en effet, même si ces conventions avaient parfois été fixées tardivement, leur mise en œuvre n'avait pas modifié la constitution des patrimoines respectifs des deux sociétés en cause.
En revanche la Cour de cassation a observé, par référence à l'article L. 624-3 du Code de commerce, que certains comportements ci-dessus décrits de la société mère à l'égard de sa filiale pouvaient être de nature à constituer en fait des fautes de gestion, propres à créer une insuffisance d'actif chez la filiale.
[...] 624-3 du Code de commerce. Autrement dit, certains comportements de la société mère à l'égard de sa filiale pouvaient être de nature à constituer des fautes de gestion, propres à créer une insuffisance d'actif chez la filiale, c'est à dire un accroissement du passif assorti éventuellement d'une diminution de son actif. Si cette solution n'est envisagée qu'implicitement par l'arrêt, il n'empêche que la méthode adoptée par la Cour ne manque pas d'originalité. L'action en comblement de l'insuffisance d'actif pour faute de gestion de la société mère, visée à cet article, pourrait en effet constituer une solution envisageable afin d'éviter les difficultés qui existent en l'espèce lorsqu'il s'agit de montrer l'existence de relations financières anormales entre la mère et la filiale. [...]
[...] Mais encore faut-il que les éléments constitutifs d'une faute de gestion soient démontrés. La responsabilité pour soutien abusif Une action en soutien abusif contre la société mère qui a continué à soutenir sa filiale en difficulté, avant de lui laisser déposer une déclaration de cessation des paiements, pourrait aussi être envisagée. En effet, lorsque des fautes ont été commises par la société mère, on peut rechercher la responsabilité de cette dernière pour cause de soutien abusif. On se rappelle toutefois que le nouvel article L650-1 du code de commerce interdit en principe toute recherche de responsabilité pour soutien abusif, sauf quelques exceptions dont l'ampleur reste à définir par la jurisprudence. [...]
[...] L'actif commun répondant alors de l'entier passif et notamment, de celui généré par l'activité de la société qui fut l'objet de la procédure collective initiale. L'arrêt du 19 avril 2005 relève de cette logique. Il y est très clairement affirmé que l'existence, «dans un groupe de sociétés, de conventions de gestion de trésorerie et de change, d'échanges de personnel et d'avances de fonds par la société mère ne permet pas en elle-même de caractériser «des relations financières anormales constitutives d'une confusion du patrimoine de la société mère avec celui de sa filiale». [...]
[...] Il faut apporter la preuve de relations pathologiques voire criminelles. À cet égard, l'identification en comptabilité des mouvements financiers intervenus entre des sociétés exclut la confusion de leurs patrimoines Par exemple, la Cour de cassation retient comme anormaux des abandons de créances, l'absence de perception de loyers ou d'intérêts, dans un arrêt de la chambre commerciale du 5 mars 2002. Plusieurs indices permettent de démontrer l'existence d'une confusion des patrimoines entre sociétés ou personnes physiques distinctes. La Cour de cassation retient habituellement l'indice d'une confusion des comptes, tel un “désordre rendant impossible la détermination des droits de chacune des personnes concernées” comme l'a déterminé la chambre commerciale dans un arrêt du 4 juill celui d'une imbrication matérielle des patrimoines actifs et passifs rendant impossible la détermination du titulaire réel, ou bien celui des “flux financiers anormaux” entre les sociétés (transferts d'actifs, abandons de créances) Parfois, il n'existe même pas de flux entre les sociétés (non paiement de dettes, non réclamation de loyers), et la Cour de cassation sanctionne les “relations financières anormales” entre les sociétés concernées, constitutives de la confusion des patrimoines C'est ce critère qu'elle retient précisément dans son arrêt du 19 avril 2005. [...]
[...] En ce domaine, tout est en réalité question d'espèce. Cependant, la Cour de cassation a entendu exercer sur ce point, un contrôle rigoureux au motif que l'extension de procédure collective constitue une exception au principe d'autonomie juridique et patrimoniale des sociétés appartenant à un même groupe et, est donc à ce titre soumise à une interprétation stricte. Face aux indices de fait, la chambre commerciale reproche à la Cour d'appel son manque de base légale et notamment l'insuffisance de motivation. [...]
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