Commentaire d'arrêts comparé, Cour de cassation, chambre commerciale, 27 mai 2015, 10 novembre 2015, nullité, objets illicites des sociétés, objet social, illicéité, objet statutaire, cause de nullité
La nullité est sans doute la sanction la plus lourde en droit civil. Au regard des conséquences qu'elle emporte, la législation nationale, mais aussi européenne s'attèle à réglementer son application afin de garantir la sécurité juridique. En raison de son caractère contractuel, la société répond aux exigences de formation du contrat. Cela inclut donc la nécessité d'un objet licite et la vigilance est de mise pour les juges sanctionnant le non-respect de cet impératif. C'est sur cette question que s'est penchée la chambre commerciale dans deux arrêts en date du 27 mai 2015 et du 10 novembre 2015.
[...] C'est à cette problématique de concours de dispositions applicables que le juge est amené à résoudre dans les deux arrêts de 2015. S'affrontent deux conceptions de l'objet social qui sont susceptibles d'annuler une société. La conception stricte du droit européen semble davantage restreindre les causes de nullité, à l'inverse de la position française qui semble élargir son champ d'action au maximum d'hypothèse afin de purifier la matière de toutes les sociétés pouvant être appréciée comme nul. Finalement, les deux solutions de 2015 apportent la résolution de la problématique principale puisque la chambre commerciale se range derrière la position du droit de l'Union à savoir qu'elle reconnaît expressément la conception européenne de la nullité de la société pour illicéité de l'objet social Toujours dans le sens de l'Union européenne, la chambre commerciale, connaissant des deux litiges refuse de prendre en considération les autres causes potentielles de nullité et admet donc l'exhaustivité de la liste dressée par la directive européenne régissant la matière. [...]
[...] La société demanderesse requiert l'annulation de la SARL notamment en raison de son objet illicite. En revanche, dans l'arrêt du 10 novembre 2015, les faits sont différents, mais la finalité est identique. En effet, en l'espèce, le permis de construire qui avait été accordé à une société civile était contesté par une SARL. Après un recours exercé par la SARL à l'encontre du permis de construire, le tribunal administratif décide de rejeter cette demande en raison d'un défaut d'intérêt à agir. [...]
[...] En confirmant l'arrêt d'appel, la chambre commerciale vient ici refuser de prononcer la nullité de la société. En effet, elle juge que les dispositions européennes de la directive de 1968 (reprise dans la directive de 2009) ont vocation à s'appliquer et par voie de conséquence, le caractère illicite ou contraire à l'ordre public de l'objet doit être apprécié au regard de ce qui inscrit l'acte de constitution ou dans les statuts ». Ainsi, la Cour de cassation établit expressément que doit seulement être pris en compte, la licéité de l'objet statutaire. [...]
[...] La rigidité du droit européen refusant d'adopter cette position demeure en l'espèce contestable puisqu'elle ne permet pas de conduire à la nullité de la société litigieuse pour son activité plus que douteuse. Toutefois, l'aspect positif de l'arrêt du 10 novembre 2015 est qu'il applique les dispositions européennes et cite expressément la directive de 1968, n'oubliant pas de préciser également la position jurisprudentielle de la Cour de justice de l'Union. Ainsi, elle énonce l'arrêt Marleasing qui préconise d'interpréter le droit national la lumière du texte {la directive de 1968} et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci ». [...]
[...] Également se pose une difficulté sous-jacente qui revient à savoir si la liste des causes de nullité de la société dressée par le droit européen peut-elle être complétée par le juge national ? Les deux arrêts de 2015 rejettent les pourvois et bien que les dispositifs des solutions soient identiques, les raisonnements établis n'apportent pas les mêmes précisions et n'ont finalement pas les mêmes conséquences factuelles. En effet, dans l'arrêt du 27 mai 2015, en rejetant le pourvoi formé par la SARL, la chambre commerciale valide, du moins partiellement, le raisonnement d'appel et prononce donc la nullité de la société. [...]
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