La vie privée, c'est « la sphère secrète de vie d'où (la personne) aura le pouvoir d'écarter les tiers » (J. Carbonnier, Droit civil, Les personnes : PUF, 21e éd., 2000, § 86).
Le respect de la vie privée dans l'entreprise soulève un débat éthique. Droit fondamental à la vie privée, il assure la dignité, l'intégrité et la liberté de l'être humain. Le salarié bénéficie évidemment en premier lieu de la protection de l'article 9 du Code civil qui pose le principe selon lequel « Chacun a droit au respect de sa vie privée », la vie privée étant alors entendue comme l'ensemble des faits et des relations qui contribuent à définir la personnalité d'un individu. D'un autre côté, l'employeur doit pouvoir exercer un certain contrôle sur le travail réalisé par le salarié. Le conflit d'intérêts surgit alors et la question de la vie privée du salarié dans l'entreprise est à la croisée des impératifs contradictoires de protection des libertés individuelles du salarié, et de bon fonctionnement de l'entreprise.
Placé en face de ces intérêts contradictoires, l'article L. 121-8 du Code du travail dispose que « Aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat à un emploi. ». Cet article est la garantie d'une certaine bonne foi dans les relations salarié-employeur dans l'entreprise : le second peut exercer une certaine surveillance sur le second à condition que celui-ci en ait été préalablement informé.
Par ailleurs, il est indiscutable que le développement des nouveaux outils de travail dans l'entreprise a fait naître un type de problème inédit. Ainsi que le souligne, à juste titre selon nous, Alice Grébonval dans son mémoire intitulé La protection de la vie privée du salarié (Lille II, 2002, sous la direction du Professeur Bossu), les menaces résultant des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication) sont sérieuses. Selon A. Grébonval, les « potentialités offertes par l'emploi de ces nouvelles technologies dans le rapport de travail sont redoutables. ». Et d'ajouter, de « manière infaillible et systématique, elles enregistrent la moindre erreur commise, évaluent très précisément les prestations individuelles, contrôlent les moindres faits et gestes des travailleurs. Du fait de leur mémoire d'ordinateur, elles rendent possible le recoupement des données qui rend le salarié transparent. ». Avant de citer J. Le Goff : « La menace [pour la vie privée des salariés] ne réside [plus] tant de la mise en œuvre de fichiers informatiques classiques [comme il y a peu de temps], que dans la multitude des instruments de collecte et de traitement des données qui permettent de saisir non plus seulement la force de travail mise à la disposition de l'entreprise mais “la personne qui travaille dans sa globalité” » (J. Le Goff, Droit du travail et société. Les relations individuelles de travail, Presses universitaires de Rennes, 2001, p. 473).
Les arrêts du 18 octobre 2006 nous plongent une nouvelle fois au cœur de ce problème (I). C'est sans doute là l'occasion de dresser un rapide bilan de l'état des libertés et de la vie privée du salarié dans l'entreprise (II)
[...] Mais ces deux pans sont liés. Ainsi, dans l'arrêt du 17 mai 2005, c'est la découverte de photos à caractère érotique dans le tiroir du salarié qui a mis la puce à l'oreille de l'employeur qui a ensuite procédé à une fouille de l'ordinateur, celle-ci devant plus tard être jugée illégale. De même, dans la deuxième espèce des arrêts du 18 octobre 2006, le litige portait sur des documents physiques détenus par le salarié sur son lieu de travail. L'utilisation des nouvelles technologies a stigmatisé la question de la vie privée du salarié dans l'entreprise. [...]
[...] Bossu ; RTD civ p obs. J. Hauser ; Defrénois 2002, p note A. Raynouard ; RJS 12/2001, 1394. D. Forest, Une ambassade virtuelle en terre patronale : Expertises p P. Alix, Les cahiers du DRH : Lamy nov p F. Favennec-Héry, Vie privée dans l'entreprise et à domicile : RJS 12/2001, chron. 940). La jurisprudence est venue ensuite nuancer son propos. Sans revenir sur le principe qu'elle posait en 2001, elle y a apporté quelques atténuations. [...]
[...] La vie professionnelle n'absorbe pas la vie personnelle du salarié, qui ne s'interrompt pas totalement une fois franchi le seuil du bureau ou de l'atelier (M. Kehrig). Un autre indice de cette généralisation du principe est l'emploi des quatre textes visés : l'article 8 de la Convention EDH du 4 novembre 1950, l'article 9 du Code civil, l'article 9 du Nouveau Code de procédure civile et l'article L. 120-2 du Code du travail. (également au visa de Soc novembre 2002, Mme X Sté Wieth- Lederle : Bull. civ 352 ; Gaz. Pal., Rec somm. p J. février 2003, p ; Gaz. [...]
[...] Sur le terrain de la preuve, le seul article 9 du Nouveau Code de procédure civile aurait pu suffire. Mais cette solution, grâce à ce quadruple visa, acquiert un caractère de solution de principe fondant le droit au respect de la vie privée. Toujours selon Philippe Waquet, l'article L. 120-2 du Code du travail Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché joue le rôle de poteau indicateur B. [...]
[...] Gautier ; jurispr. p interview Ph. Langlois ; D jurispr. p obs. C. Caron ; Dr. soc p chron. J.-E. Ray ; Comm. com. électr comm obs. [...]
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