« La vertu (le désintéressement de la caution) vient au secours du vice (le débiteur qui ne tient pas sa parole). ». C'est en ces termes que le professeur Philippe THERY décrit la situation rencontrée par la Cour de Cassation dans une affaire analogue à celle du 18 Mars 2003 .
La Société Crédit logement, qui avait garanti par son cautionnement le remboursement de l'emprunt contracté par les époux Coanga, a réclamé à ceux-ci le remboursement des sommes qu'elle avait payées au créancier en raison de leur défaillance.
Outre les sommes versées au créancier des époux, la caution réclame également au débiteur les intérêts échus entre le moment du paiement fait au créancier et l'instant du paiement du débiteur, intérêts calculés selon le taux conventionnel stipulé dans le contrat générateur de la créance: 10,45%. Pour ce faire, le demandeur fonde son action sur le recours subrogatoire de la caution prévu à l'article 2306 du Code Civil (ancien article 2029).
La caution obtient gain de cause auprès de la Cour d'Appel de Paris le 10 Octobre 1999. Non satisfaits par cette décision, les débiteurs principaux se pourvoient en cassation.
C'est ainsi que la Cour de Cassation fut amenée à se prononcer sur la possibilité de transmettre une stipulation d'intérêts, accessoirement à la créance payée par le tiers subrogé.
Il ressort de cette décision que le subrogé qui a payé au créancier la dette exigible du débiteur ne peut réclamer à celui-ci que les intérêts moratoires fixés au taux légal.
Par cette décision, la Cour de cassation était à faire prévaloir soit les effets de la subrogation, soit l'esprit ayant dicté l'instauration de cette institution. En effet, soit l'effet translatif du payement subrogatoire (I) est prééminent et alors la clause d'intérêt peut être invoquée par la caution, soit, au contraire l'idée selon laquelle la subrogation ne doit pas être une source de profit pour le subrogé (II) l'emporte et la stipulation d'intérêts ne peut être invoquée. Il semble donc que la deuxième conception ait guidé le choix de la juridiction suprême.
[...] Mais la généralité de la formulation adoptée par la Cour, qui est identique dans deux arrêts (cf. Civ. 1re 29 octobre 2002), n'autorise pas aisément une telle conclusion. On remarque en effet que le fondement expressément retenu pour limiter au taux légal le droit du subrogé aux intérêts est l'article 1252 du Code civil, qui fait partie des dispositions du code relatives à la subrogation. Il y a certes une référence à l'article 2310 (ancien article 2033), qui fait partie des dispositions spécifiques au cautionnement, mais elle n'est utilisée que pour déterminer le point de départ des intérêts (de façon peu compréhensible d'ailleurs, puisque cet article est consacré aux rapports entre les cofidéjusseurs[5]). [...]
[...] La subrogation, ce n'est pas la vérité ; c'est la fiction. Ce n'est pas le droit pur ; c'est l'équité. Il est vrai Cf. Civ 1re 22 mai 2002 J. [...]
[...] En effet dans les deux cas, pour les sommes versées par la caution en exécution de son obligation, le débiteur principal doit les intérêts au taux légal[8]. Ces intérêts courent de plein droit à compter du jour du paiement par la caution. La règle applicable au recours personnel est ainsi importée sur le terrain du recours subrogatoire Ce mélange des genres peut sembler regrettable dans la mesure où la caution ressemble de moins en moins à un service d'ami il suffit, pour s'en convaincre de constater que dans le cas de l'espèce, il s'agit d'un établissement financier qui s'est porté caution du débiteur. [...]
[...] Admettre le contraire revient à priver le contrat toujours survivant de toute force obligatoire. En effet, le débiteur principal n'est plus tenu aux intérêts conventionnels vis-à-vis de son créancier et on ne pourra plus lui réclamer que le taux légal. Ainsi, la subrogation produirait un effet extinctif absolu. Certes, il était également connu de longue date que le subrogé ne peut réclamer au débiteur plus que le montant du paiement subrogatoire reçu par le subrogeant. Ce principe, tiré d'une interprétation de l'article 1252 du Code civil, selon lequel la subrogation ne peut nuire au créancier lorsqu'il n'a été payé qu'en partie et lui permet d' exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n'a reçu qu'un paiement partiel consacre le caractère non spéculatif de la subrogation et la distingue ainsi de la cession de créance. [...]
[...] Faut-il donc considérer de la même manière le vrai ami qui cautionne et la société de crédit ? Il pourrait être judicieux de laisser subsister deux systèmes : le recours personnel prévoyant un taux d'intérêt légal, et le recours subrogatoire, non amputé de son accessoire le plus intéressant, le taux d'intérêt conventionnel. Une dualité de recours sur la question du taux d'intérêt aurait le mérite, sur ce point, de ne pas forcer ceux qui ne sont pas des amis à le devenir. [...]
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