Le présent arrêt de la chambre commerciale semble être le premier dans lequel la Cour de cassation applique de façon nette la théorie de l'apparence en matière de société créée de fait. Avant cet arrêt, la réunion des trois éléments du contrat de société était la condition sine qua non de la reconnaissance de l'existence de la société créée de fait.
Messieurs THIBAULT et LASSALLE sont deux commerçants qui exercent la même profession, partagent les mêmes locaux et utilisent la même ligne téléphonique. Monsieur LASSALLE a passé une commande avec la société AUCANNE sur un papier à lettre portant une référence qui ressemble à une dénomination sociale. La société AUCANNE, ne pouvant obtenir paiement de Monsieur LASSALLE, s'est retournée contre Monsieur THIBAULT tirant argument de l'existence entre eux d'une société créée de fait.
Une juridiction de première instance a été saisie. Suite à cela, un appel a été interjeté, et la Cour d'appel de Bordeaux dans un arrêt rendu le 11 avril 1979 condamne solidairement Messieurs THIBAULT et LASSALLE à payer à la société AUCANNE le montant de ses factures, au motif qu'ils avaient créé l'apparence qu'ils exerçaient leur activité en société de fait. Monsieur THIBAULT se pourvoit alors en cassation.
[...] Autrement dit, des apports doivent avoir été effectués par tous les associés, ce sont généralement des apports en industrie dans le cas de sociétés créées de fait, l'affectio societatis doit être présent, il se déduit de la collaboration active et effective à l'œuvre commune sans esprit de dépendance ou de subordination, et enfin les associés doivent avoir vocation à partager les bénéfices et à contribuer aux pertes. La réunion de ces trois éléments était, jusqu'au présent arrêt, la condition de la reconnaissance de la société créée de fait. En effet, jusqu'à cet arrêt, les associés de fait ne répondaient des dettes sociales que si les trois éléments du contrat de société se trouvaient réunis. La réunion des trois éléments du contrat de société restait la condition sine qua non de l'engagement indéfini et solidaire des associés. [...]
[...] Il n'a pas à apporter la preuve des trois éléments du contrat de société. Il est ainsi à noter un fort déséquilibre entre les tiers et les associés. Ainsi la théorie de l'apparence concernant la société créée de fait est extrêmement profitable aux tiers, et les protège. En revanche, il me semble que le critère de bonne foi de la part des tiers, et notamment des créanciers, devrait être plus encadré, afin d'éviter les abus qui pourraient entraîner des situations catastrophiques pour les associés involontairement apparents. [...]
[...] La théorie de l'apparence se définit comme une théorie qui permet de se fonder sur l'apparence d'une situation pour lui faire produire des effets juridiques qui ne lui sont pas normalement attachés puisqu'en réalité, au-delà de l'apparence, elle ne remplit pas les conditions nécessaires à cette fin. Cette théorie ne peut être invoquée que par un tiers à la situation dès lors qu'il aura pu légitimement croire que les conditions nécessaires à la production d'un effet juridique existaient en l'espèce bien que cela n'ait pas, en fait, été le cas. Elle lui permet de prétendre à l'exécution de ses obligations par le débiteur apparent bien que les conditions légales d'une telle exécution n'existent pas en fait. [...]
[...] En l'espèce, la société AUCANNE n'est pas associée, mais tiers à la situation. Elle a cru, de par la situation dans laquelle se trouvaient Messieurs THIBAULT et LASSALLE, qu'il s'agissait d'une société créée de fait. De plus, la société AUCANNE était, a priori, de bonne foi, et ignorait que ce n'était pas le cas. En effet, les deux commerçants exerçaient la même profession, partageaient les mêmes locaux et utilisaient la même ligne téléphonique, ce qui laissait supposer qu'il s'agissait d'une société, et c'est ce qu'a légitimement cru la société AUCANNE. [...]
[...] Cet arrêt permet ainsi de déterminer les conditions d'existence d'une société créée de fait et apporte une solution favorable aux créanciers (II). Les conditions d'existence d'une société créée de fait En principe, les éléments constitutifs du contrat de société doivent être réunis afin de déterminer l'existence de la société créée de fait Toutefois, dans cet arrêt la Cour de cassation applique clairement la théorie de l'apparence à la société créée de fait L'exigence de la réunion des éléments constitutifs de toute société La société créée de fait est une situation curieuse, dans laquelle deux ou plusieurs personnes se comportent comme des associés mais sans entreprendre les démarches nécessaires à la constitution d'une société. [...]
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