« Les revendications supranationales trop ambitieuses ne font qu'aviver de vaines colères ». (Robert Schuman)
En instituant un ordre juridique spécifique, quelque peu en marge du droit international, le droit communautaire a dû se poser la question de son articulation avec les droits internes des États. Après quelques incertitudes, le juge communautaire a consacré le principe de primauté du droit communautaire. Pour autant si celui-ci ne semble pas posé problème dans la hiérarchie qui oppose le droit communautaire et la loi interne, il en va bien autrement de la relation, de la subordination pourrait-on dire, du droit constitutionnel des états au droit communautaire. Outre les problèmes propres à la notion même de constitution, il faut bien se rendre compte que ces normes ont souvent trait à des droits souverains ou à des droits fondamentaux. Ces droits, que l'on pourrait qualifié de nationaux, se trouvent alors en opposition avec « les revendications supranationales » que le principe de primauté tend à faire insérer.
Face au silence des traités, alors même que les pères fondateurs s'engageaient pour une vision supranationale voir fédéraliste de l'Europe, c'est la Cour de justice qui a joué un rôle fondamental pour l'affirmation de ce principe. Pour autant, outre la jurisprudence de la cour dont l'arrêt Costa c/ Enel constitue la décision de principe, il est habituel de mettre ce principe comme le corollaire nécessaire, voir évident, d'un certains nombres d'article au rang duquel figure en première place l'article 10, l'article 234 (ex art. 177) et l'article 249 (ex art. 189) 1.
Dès lors, tout un ensemble de normes communautaires rangé dans un « bloc de constitutionnalité » impose leur primauté sur le droit national des états membres. C'est le cas des traités, mais aussi des normes dérivées comme les règlements (CJCE 14 déc. 1971 Politi) ou des directives (CJCE 19 jan. 1982 Becker). Ces normes s'imposent aussi indifféremment selon la norme nationale en cause, qu'elle soit administrative, réglementaire ou législative.
De surcroît, « la transversalité » 2 d'une norme peut également poser problème. C'est le cas lorsque l'application d'une norme communautaire (la politique sociale) se recoupe ave une compétence des États membres (l'organisation des forces armées).
Il est évident que dans ce cas-là, la norme peut toucher des revendications supranationales. Or l'arrêt de la CJCE du 7 juin 2000 Kreil a ceci d'intéressant que non seulement il a trait à l'application du principe de primauté au sujet d'un domaine éminemment souverain c'est-à-dire l'armée des états, ou plus exactement l'organisation de l'armée allemande 3, mais en plus par ce qu'il remet en cause, d'une manière indirecte toutefois, une norme constitutionnelle de l'Allemagne, une de ces lois fondamentales.
Mme Tanja Kreil, une jeune femme allemande diplômée en électrotechnique, avec une spécialisation en technique des installations, a introduit une demande d'engagement volontaire dans la Bundeswehr en 1996 dans les services de maintenance électronique des systèmes d'armes. Sa demande fut rejetée d'abord par le centre local de recrutement puis, après une réclamation, par l'administration centrale du personnel de la Bundeswehr. En effet, ceux-ci faisaient remarquer qu'en vertu d'une loi nationale les femmes sont exclues de toutes les fonctions impliquant l'utilisation d'armes. La loi nationale en question étant composée de l'article 1er, paragraphe 2, troisième phrase de la Soldatengesetz (loi portant statut des militaires notée SG), et de l'article 3 du Soldatenlaufbahnverordnung (règlement sur la carrière militaire notée SLV), qui figure chacune dans le code civil allemand, le Bürgerliche Geseztbuch (BGB). En vertu de ces textes, les femmes qui se sont engagées volontairement sous les drapeaux ne peuvent être employées que dans les services de santé et dans les formations de musique militaire et sont en tout cas exclues des emplois qui comportent l'utilisation d'armes.
Estimant qu'elle était victime, en application du droit communautaire, d'une discrimination illégale fondée sur le sexe, Mme Kreil a attaqué la décision devant le tribunal administratif de Hanovre. La solution du litige nécessitant vraisemblablement l'interprétation de la directive 76/207/ CE du 9 février 1976, le tribunal administratif décida de surseoir à statuer et de poser à la cour une question préjudicielle. La directive en question étant relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, la question était de savoir si la loi nationale allemande s'opposait à l'application de la directive en question.
La cour devra alors de se demander si une norme communautaire, la directive de 1976, était applicable en l'espèce à une loi nationale, conforme à une norme constitutionnelle, qui portait sur le domaine de la politique et de la défense ?
Le raisonnement de la Cour paraît dès lors simple puisqu'elle s'attache dans un premier temps à regarder l'effectivité de la primauté d'une norme dans le cas d'un domaine qui touche la politique de sécurité et de défense (I), pour dans un deuxième temps regarder la portée de la directive elle-même, notamment au sein de l'ordre national allemand (II).
[...] Ainsi dans l'idée allemande d'État, il y a l'idée de raison, de réalité objective, de personne morale. Le Staat étant caractérisé par sa Kompetenz- kompetenz (la compétence de sa compétence). C'est pourquoi à l'appui de sa thèse du rejet de l'applicabilité de la directive, l'état allemand arguait du fait que la loi avait pour fondement une loi fondamental (et donc constitutionnelle). Dans un autre sens, le Royaume-Uni retient plutôt un système de governance qui n'est qu'une forme comme une autre d'auto- organisation de la société. [...]
[...] les points d'incertitudes de la primauté de la directive sur la Loi fondamentale allemande La cour a ici deux attitudes contraires car elle répond expressément à la question de l'inopérabilité de la norme nationale, mais elle ne répond qu'indirectement à celle de la norme fondamentale. Ainsi, quant bien même la directive s'oppose à la loi fondamentale 12a allemande, il n'empêche que celle-ci se voit appliquer (primer pourrait-on dire) en écartant les dispositions des lois SG et SLV conforment eux à la loi fondamentale. [...]
[...] La cour rappelle également que les dérogations individuels qu'elle a pu donner (arrêt Sirdar et Johnston cité) sont d'une interprétation strict, et surtout qu'en vertu de l'article les états qui ont reçu de telle dérogation doive regarder périodiquement au regard de l'évolution sociale si celle-ci peut toujours être applicable. En outre, on peut constater brièvement que la Cour n'a pas recherché, ni parlé d'effet direct ni d'invocabilité de la directive. Pour l'effet direct, et même si la cour n'a mentionné aucun des éléments de précision ou d'inconditionnalité de la norme, on peut dire que la primauté constitue bien souvent une conséquence de l'effet direct. [...]
[...] Elles ne doivent en aucun cas accomplir un service armé Ainsi, l'on peut se demander si le sens de l'article tend à exclure toutes les femmes ou seulement celles qui sont appelées pour le service sanitaire. Si l'article tend à exclure toutes les femmes, il se trouvera forcément en opposition avec la directive de 1976 puisqu'au dire de la Cour, on ne peut exclure de manière générale les femmes des carrières militaires (comportant l'utilisation d'armes). Force est de constater que dans ce cas, même si la Cour n'a pas expressément écarté la loi fondamentale allemande, l'exclusion de la loi nationale fondée sur celle-ci équivaut pratiquement à le faire. [...]
[...] 177) instaure le mécanisme de la question préjudicielle et permet à la Cour de garder le monopole de l'interprétation, l'article 249 (ex art. 189) donne aux règlements un effet direct dont l'applicabilité serait difficile sans le principe de primauté Il faut en effet tenir compte du fait que la réalisation du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes constitue en quelque sorte une matière transversale parce que le principe d'égalité de traitement affecte par nature différents domaines d'activité Jörg Gerkrath dans Europe Déc p.5 à propos de l'arrêt Kreil On n'est pas sans se souvenir que la volonté de formation de la Communauté Européenne de Défense est l'un des échecs d'une Europe trop ambitieuse, et la conséquence du retour à la politique des petits pas Mme Tanja Kreil, une jeune femme allemande diplômée en électrotechnique, avec une spécialisation en technique des installations, a introduit une demande d'engagement volontaire dans la Bundeswehr en 1996 dans les services de maintenance électronique des systèmes d'armes. [...]
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